© REUTERS/Thomas Mukoya

RDC: 15 Casques bleus tués, « pire attaque » de ces 24 dernières années

Le Vif

Les Nations unies ont subi leur « pire attaque » de ces 24 dernières années jeudi en République démocratique du Congo, où 15 Casques bleus ont été tués dans l’est, lors d’un assaut attribué au groupe armé ougandais musulman ADF.

« C’est la pire attaque contre des soldats de la paix des Nations unies dans l’histoire récente de l’organisation », a réagi son secrétaire général Antonio Guterres, se déclarant « indigné » face à ce « crime de guerre » qui a principalement touché des soldats tanzaniens. D’après les archives de l’AFP, une force onusienne n’avait pas subi une opération aussi sanglante depuis la mort de 24 Casques bleus pakistanais à Mogadiscio en Somalie le 5 juin 1993. Il s’agit aussi de l’attaque la plus meurtrière contre la force onusienne dans l’ex-Zaïre depuis son déploiement en 1999.

Outre les quinze morts, la Monusco a fait état de 53 blessés dont trois dans un état critique. Cinq membres des forces armées de la RDCongo ont également été tués, selon une déclaration du Conseil de sécurité de l’ONU. « Les membres du Conseil de sécurité condamnent dans les termes les plus forts toutes les attaques et provocations contre la Monusco par des groupes armés », ajoute le texte. « Il ne peut pas y avoir d’impunité pour de telles attaques », a enfin fait valoir le Conseil de sécurité. L’ONU pointe la responsabilité de membres présumés des ADF (Allied Defense Forces, Forces démocratiques alliées), un groupe armé ougandais musulman actif dans le N5rd-Kivu frontalier de l’Ouganda.

Les assaillants ont visé une base, tenue par un contingent tanzanien, de la Monusco jeudi à la tombée de la nuit à Semuliki, selon des sources onusiennes, qui ajoutent que les combats ont duré trois heures. « Des renforts militaires sont arrivés sur le terrain. Le commandant de la force se trouve aussi sur place, coordonnant la réponse de la mission », a précisé M. Guterres dans un communiqué. Le secrétaire général a demandé « aux autorités de la RDC d’enquêter sur cet incident et de traduire promptement ses instigateurs devant la justice ».

L’armée congolaise affirme que des dizaines d’ADF ont été tués, mais ne fait état que d’un blessé et un disparu dans ses rangs. « Les terroristes ADF doivent subir la force », a réagi sur Twitter le gouverneur du Nord-Kivu Julien Paluku. Repliés sur eux-mêmes en forêt, ne communiquant guère, les ADF combattent officiellement depuis le Nord-Kivu le régime du président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 27 ans dans l’Ouganda voisin. Présents dans l’est de la RDC depuis 1995, leurs troupes ne seraient pourtant pas très nombreuses: « On les estime à 150 », indiquait récemment à l’AFP une source occidentale. Une précédente attaque attribuée aux ADF en octobre contre une base de la Monusco dans le Nord-Kivu avaient déjà tué trois Casques bleus tanzaniens.

Plus de 500 morts en six mois

Les ADF sont l’un des nombreux groupes armés actifs dans le Nord et le Sud-Kivu, les deux provinces orientales de la RDC frontalières de quatre pays (Ouganda, Rwanda, Burundi, Tanzanie) et de trois grands lacs (Édouard, Kivu et Tanganyika). Le carnage visant les Casques bleus jette un coup de projecteur sur l’activité de ces milices, étrangères mais surtout congolaises, qui menacent la sécurité des civils dans les deux Kivus, à 2.000 km de la capitale Kinshasa. « De juin à novembre 2017, au moins 526 civils ont été tués dans les Kivus, au moins 1.087 personnes ont été enlevées ou kidnappées pour obtenir une rançon, et il y a eu au moins 11 viols de masse », indique cette semaine le tout nouveau « baromètre sécuritaire du Kivu » lancé par Human Rights Watch et le groupe d’étude sur le Congo de l’Université de New York.

Outre les groupes armés, plus de 100 morts seraient l’oeuvre des « forces de sécurité congolaises », d’après cette même source. Le conflit dans l’est de la RDC « a été exacerbé par la crise politique générale » dans le pays, ajoute cette même source, qui vise le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila au-delà de son deuxième et dernier mandat depuis décembre 2016.

Des élections sont prévues le 23 décembre 2018 mais le Rassemblement de l’opposition demande le départ de M. Kabila dès la fin de l’année, dans un pays où toute contestation de rue de l’opposition est systématiquement interdite et réprimée. « Des groupes armés ont formé des coalition pour contester la prolongation de Kabila », affirment les rédacteurs de ce « baromètre » de la sécurité dans le Kivu. « En octobre, les Nations Unies ont déclaré un « niveau 3 d’urgence » en RD Congo, une catégorie attribuée seulement à trois autres pays: la Syrie, l’Irak et le Yémen », rappelle ce groupe d’experts. « L’année dernière, 922.000 personnes ont été déplacées en RD Congo, plus que partout ailleurs dans le monde », ajoutent-ils, notamment en raison de la crise au Kasaï dans le centre du pays. phr-ak-bbm-st/thm/kal © Agence France-Presse

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