Le camp de Ravensbrück © Bundesarchiv, Wikicommons

Ravensbrück : ce camp de concentration réservé aux femmes et aux bébés

Le Vif

Avec « Ravensbrück: Life and Death in Hitler’s Concentration Camp for Women », Sarah Helm publie un document qui retrace l’histoire terrifiante de Ravensbrück, le seul camp de concentration nazi réservé aux femmes et aux enfants.

Ravensbrück, situé à environ 80 kilomètres de Berlin, figure parmi les camps de concentration nazis les moins connus. Généralement, on pense plutôt à Auschwitz-Birkenau, Buchenwald, Bergen-Belsen et Dachau. Cette méconnaissance s’explique en partie par la quantité limitée de photos et de vidéos réalisées par les Britanniques et les Américains après la libération. Et quand les nazis se sont rendu compte qu’ils étaient en train de perdre la guerre, ils ont détruit de nombreux documents. La libération du camp, situé derrière le Rideau de fer, par les Russes a également joué un rôle. Initialement, Ravensbrück n’était pas un camp d’extermination. Heinrich Himmler, l’homme le plus puissant du Troisième Reich après Hitler, a fait construire le camp en 1938 sur le modèle de Dachau près de Munich. Seul camp de femmes et d’enfants, Ravensbrück s’est peu à peu transformé en lieu d’extermination.

Asociaux

En six ans, 130 000 personnes sont passées par le camp. Certains jours, il y en avait 45 000 alors qu’initialement il avait été construit pour 3 000 détenues. Les estimations du nombre de morts oscillent entre 30 000 et 90 000. D’après Sarah Helm, le chiffre réel se trouve probablement entre les deux. Cependant, comme les preuves ont été détruites, on n’aura probablement jamais de certitude. Les derniers jours du camp, les dossiers des prisonniers ont été brûlés avec leurs cadavres. Le camp comptait beaucoup de prisonnières politiques : des communistes et des femmes considérées comme dangereuses par les nazis. Il y avait aussi les « asociales » : les prostituées, les criminelles ordinaires, les avorteuses, les mendiantes, les témoins de Jéhovah qui qualifiaient d’Hitler d’Antéchrist, les Roms, etc. Beaucoup d’entre elles ont été placées dans le camp en Schutzhaft, c’est-à-dire « en détention protégée », une arrestation sans juge indépendant et sans jugement qui servait à enfermer les gens que les nazis n’avaient pas le droit de garder prisonniers. La plupart des détenues de Ravensbrück étaient polonaises, allemandes et russes. Même si environ 10% de la population carcérale était juive, officiellement Ravensbrück n’était pas un camp de juifs.

Bébés

La plus grande force de l’ouvrage, c’est le travail de recherche immense entrepris par Sarah Helms. Et surtout les témoignages innombrables d’anciens détenus, d’enfants, de petits-enfants et d’autres membres de leurs familles. Son histoire en devient une espèce de biographie, tant du camp que des détenus et parfois des gardiens. Curieusement, Helm ne diabolise personne, même pas quand elle évoque la cruauté et la violence employées par les gardiens. Elle décrit un monde de désespoir, d’atrocité, d’amitié, d’empathie et de solidarité. Le chapitre consacré aux expériences médicales est déchirant. En 1943, les nazis ont injecté la gangrène à des prisonnières polonaises pour tester les résultats d’un nouveau médicament alors que d’après l’auteur, la Croix rouge à Genève était au courant de ces pratiques.

Le sort parfois infligé aux bébés dépasse l’entendement, la « solution » la moins chère étant de les laisser mourir de faim. Et les baraquements où ils logeaient étaient infestés de rats affamés.

Victimes de libérateurs

Tout comme dans les camps réservés aux hommes, il y avait des traîtres à Ravensbrück. Les SS introduisaient des traîtres dans les baraquements qui, en échange de privilèges, leur rapportaient les agissements des autres prisonniers. Toutefois, Helm rapporte aussi de beaux témoignages de solidarité : une croûte de pain partagée, l’aide donnée aux femmes épuisées, le refus de fouetter ses compagnes d’infortune, le courrier transmis secrètement.

Souvent, les Allemands faisaient preuve d’absurdité et de très peu de logique. Ainsi, ils enfermaient certaines femmes sous prétexte qu’elles se prostituaient avant de les obliger à continuer à vendre leur corps. Une fois libérées, cela n’a pourtant pas signé la fin de leur calvaire puisque les survivantes furent nombreuses à être violées par les Russes.

Fred Braeckman

Ravensbrück: Life and Death in Hitler’s Concentration Camp for Women,Nan A. Talese. Le livre n’est malheureusement pas (encore) paru en français.

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