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Raqa, la « ville modèle » du « califat » en Syrie

Le Vif

Raqa est la première grande localité dont s’était emparé le groupe Etat islamique (EI), qui a voulu en faire la « ville modèle » du « califat » autoproclamé sur les territoires conquis en Syrie et en Irak.

« Raqa, c’est la vraie capitale » de l’EI, affirmait le secrétaire d’Etat adjoint américain Anthony Blinken mi-octobre, peu après le début des opérations militaires pour reprendre Mossoul, le bastion du groupe jihadiste en Irak.

« C’est de cette ville que Daech planifie les attaques extérieures », ajoutait-il en utilisant l’acronyme en arabe de l’EI qui a commandité et coordonné nombre d’attentats meurtriers dans le monde, en France notamment.

Pour les dirigeants occidentaux, l’éradication de l’EI passe forcément par la reprise de Raqa, sur laquelle la coalition internationale antijihadistes a effectué ses premières frappes aériennes en septembre 2014.

Cette ville, située sur les bords du fleuve Euphrate, non loin de la frontière turque, et qui comptait 240.000 habitants avant le début en 2011 du conflit en Syrie, est devenue en 2013 la première capitale provinciale à tomber aux mains de groupes armés opposés au régime du président syrien Bachar al-Assad.

Début 2014, l’organisation qui allait devenir l’EI quelques mois plus tard chasse par les armes les autres groupes présents dans la ville.

‘Rond point de l’enfer’

L’EI va faire de Raqa la « ville modèle » de son « califat », autoproclamé sur les territoires conquis en Syrie et en Irak, expliquait l’an dernier Hicham al-Hachimi, spécialiste des groupes islamistes. Le groupe veut la gérer « à la manière d’un gouvernement central » qui assure la police, la justice et des services comme l’éducation.

Parallèlement, les habitants de Raqa basculent dans un régime de terreur.

En centre-ville, le rond-point Paradis est rebaptisé « rond-point de l’enfer » en raison des horribles exécutions qui y sont menées par les jihadistes: des têtes décapitées ou des corps crucifiés y sont régulièrement exposés pendant des jours, une façon pour l’EI de décourager toute velléité de dissidence.

C’est aussi sur une place de la ville que sont vendues des esclaves sexuelles, notamment membres de la communauté yézidie, une minorité kurdophone considérée comme hérétique par l’EI.

Selon des témoignages recueillis auprès de militants comme ceux du groupe « Raqqa is being Slaughtered Silently » (Raqa est massacrée en silence), les jihadistes interdisent la cigarette, contraignent les hommes à porter la barbe et les femmes le niqab, ces voiles noirs qui les couvrent de la tête aux pieds.

De nouveaux programmes scolaires entrent en vigueur. Des tests de charia (loi islamique) sont imposées dans certaines professions, comme pour les médecins, les enseignants ou les chauffeurs de taxi.

Les débits de boissons sont interdits tout comme les mannequins dans les magasins, où hommes et femmes n’ont pas le droit de faire les courses ensemble sauf s’ils sont mariés.

Selon les services de renseignement occidentaux, Raqa est une des villes syriennes vers lesquelles des jihadistes étrangers ont beaucoup afflué.

D’après M. Hachimi, ces derniers y bénéficient d’un « traitement préférentiel » par rapport à la population locale, « considérée comme inférieure ».

Syrie: cinq faits marquants sur Raqa

Raqa, sur laquelle une alliance arabo-kurde a lancé dimanche une offensive avec l’appui d’une coalition internationale, est une cité millénaire située dans le nord de la Syrie devenue le bastion du groupe Etat islamique (EI) dans ce pays.

Ex-capitale abbasside

Raqa connaît son apogée sous le califat des Abbassides. En 772 après J.C., le calife Al-Mansour ordonne la construction d’une ville de garnison, al-Rafiqa, à côté de l’antique Raqa, sur le modèle de Bagdad. Les deux villes sont ensuite unifiées.

De 796 à 809, le puissant calife Haroun al-Rachid décide de transférer la capitale des Abbassides, qui était à Bagdad, à Raqa, à la croisée des routes entre Byzance, Damas et la Mésopotamie. Il entreprend de grands travaux et dote la ville de palais, demeures et mosquées.

En 1258, la cité est dévastée par l’invasion des Mongols.

Ville stratégique sur l’Euphrate

La ville de Raqa, à majorité sunnite, est stratégiquement située dans la vallée de l’Euphrate, à un carrefour d’axes routiers.

Non loin de la frontière avec la Turquie, elle se trouve à 160 km à l’est d’Alep et à moins de 200 km de la frontière irakienne.

La construction d’un barrage près de la ville de Tabqa, plus à l’ouest, a permis à Raqa de jouer un rôle important dans l’économie syrienne grâce à l’agriculture.

Avant le début du conflit en 2011, elle comptait 240.000 habitants.

Première grande ville à tomber

Raqa est devenue en mars 2013 la première capitale provinciale à tomber aux mains de groupes de combattants opposés au régime du président syrien Bachar al-Assad.

Les insurgés capturent son gouverneur et s’emparent du siège des renseignements militaires, l’un des pires centres de détention dans la province de Raqa, d’après l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

Une statue de Hafez al-Assad, prédécesseur et père de l’actuel président, est détruite.

Raqa, bastion de l’EI

Début 2014, l’organisation qui allait devenir quelques mois plus tard le groupe Etat islamique (EI) chasse par les armes les autres groupes rebelles présents dans la ville et prend totalement le contrôle de Raqa.

En juin 2014, l’EI proclame un « califat » sur les territoires qu’il a conquis à cheval en Irak et en Syrie.

En août de la même année, l’EI contrôle entièrement la province de Raqa après la prise de l’aéroport de Tabqa au régime.

Rapidement, le groupe extrémiste sunnite impose sa loi à Raqa devenue son bastion en Syrie, à travers la terreur mais aussi grâce à un système de gouvernance assimilable à un Etat.

Il perdra néanmoins des villes à partir de juin 2015 dans la province de Raqa, comme celle de Tal Abyad ou Aïn Issa, reprise par des combattants kurdes.

Exécutions et enlèvements

Accusé de crimes contre l’humanité par l’ONU, l’EI multiplie les exactions et procède à de nombreuses décapitations, exécutions massives, viols, rapts, nettoyage ethnique. Le groupe lapide des femmes soupçonnées d’adultère et inflige des morts atroces à des homosexuels.

Selon des chiffres fournis par l’OSDH fin 2015, des centaines de personnes ont été exécutées par le groupe, dont plus de la moitié des civils. Certaines atrocités sont mises en scène dans des vidéos, devenues une arme de propagande des jihadistes.

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