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Rapprochement historique entre les USA et Cuba

Le président Barack Obama a annoncé mercredi l’ouverture d’un « nouveau chapitre » avec Cuba, s’engageant à examiner avec le Congrès américain la levée de l’embargo imposé depuis un demi-siècle par les Etats-Unis à l’île communiste.

« L’isolement de Cuba n’a pas fonctionné », a déclaré le président américain lors d’une allocution historique depuis la Maison Blanche, prônant une « nouvelle approche » et déclarant en espagnol: « Nous sommes tous Américains ».

Le président cubain Raul Castro a annoncé, de son côté, s’être « mis d’accord » avec son homologue américain Barack Obama sur « le rétablissement des relations diplomatiques » entre les deux pays, tout en soulignant que la question « principale » de l’embargo américain restait à régler.

Lors d’un entretien téléphonique, les deux chefs d’Etat se sont « mis d’accord sur le rétablissement des relations diplomatiques », interrompues depuis plus d’un demi-siècle. « Cela ne veut pas dire que le (problème) principal, l’embargo économique, ait été résolu », a toutefois ajouté le président cubain dans une allocution diffusée par les médias d’Etat.

L'allocution du président Raul Castro à la télévision.
L’allocution du président Raul Castro à la télévision.© REUTERS

Le rapprochement historique entre les deux pays survient au moment de l’annonce par les deux pays d’un échange de prisonniers: un espion américain détenu à Cuba depuis 20 ans et trois Cubains écroués aux Etats-Unis. « Gerardo (Hernandez), Ramon (Labañino) et Antonio (Guerrero) sont arrivés aujourd’hui dans notre patrie », a annoncé M. Castro au sujet de ces trois agents qui faisaient partie d’un groupe de cinq Cubains condamnés en 2001 à de lourdes peines de prison pour espionnage. « Cette décision du président américain mérite le respect et la reconnaissance de notre peuple », a ajouté le président cubain, avant de confirmer la libération « humanitaire et unilatérale » d’Alan Gross, un Américain détenu depuis 5 ans à La Havane.

Washington a toujours conditionné une détente avec Cuba à la libération de cet ancien contractuel de l’agence fédérale américaine pour le développement international (USAID), qui avait été condamné en 2011 à 15 ans de prison pour avoir introduit du matériel de transmission satellitaire interdit dans l’île. M. Castro a aussi souhaité « saluer l’appui du Vatican » au rapprochement entre les deux pays, séparés seulement par les 150 km du détroit de Floride et qui n’ont plus de relations diplomatiques officielles depuis 1961. Le pape François avait lancé un appel personnel à M. Obama, dans une lettre cet été, et séparément à M. Castro, et le Vatican a accueilli des délégations des deux pays pour finaliser le rapprochement historique.

Le Vatican témoigne de la « grande satisfaction » du pape pour une « décision historique »

Le pape François a exprimé mercredi sa « grande satisfaction » pour la « décision historique » de Cuba et des Etats-Unis d’établir des relations diplomatiques, a indiqué le Saint-Siège, confirmant une médiation personnelle du pape.

Dans un communiqué, le Vatican a confirmé l’envoi de deux lettres du pape aux présidents Raul Castro et Barack Obama. Il a confirmé aussi que le Vatican avait reçu des délégations des deux pays en octobre, et avait offert ses « bons offices ».

Maduro qualifie le rapprochement Cuba-USA de « rectification historique »

Les présidents d’Amérique latine faisant partie du Mercosur ont salué mercredi l’annonce du rétablissement des relations diplomatiques entre Cuba et les Etats-Unis, qualifiée de « rectification historique » par le dirigeant vénézuélien Nicolas Maduro.

« Nous sommes en train de vivre un jour historique », a déclaré Nicolas Maduro, suscitant l’applaudissement des présidents réunis à Parana (nord de l’Argentine) pour le 47ème sommet du Mercosur, marché commun réunissant le Brésil, l’Argentine, le Venezuela, l’Uruguay et le Paraguay.

Colère au Congrès

Des activistes Anti-Castro protestent contre la décision d'Obama à Miami, Floride.
Des activistes Anti-Castro protestent contre la décision d’Obama à Miami, Floride. © REUTERS

Des parlementaires démocrates et républicains partisans de l’isolement du régime cubain ont déploré mercredi la décision de Barack Obama d’engager une normalisation des relations avec Cuba, promettant de résister à la levée de l’embargo réclamé par le président américain.

Sénateur de Floride, où vivent de nombreux réfugiés cubains très hostiles au régime de Raul Castro, le républicain Marco Rubio a dénoncé la naïveté de l’initiative américaine. « La Maison Blanche a tout concédé, mais obtenu peu de choses », a déclaré Marco Rubio à des journalistes. « Ce Congrès ne lèvera pas l’embargo », a affirmé Marco Rubio, en réponse à l’appel de Barack Obama à mettre fin à l’embargo en place depuis 1962. « J’utiliserai tous les outils à ma disposition pour contrecarrer autant que possible les changements annoncés ». Le président républicain de la Chambre des représentants, John Boehner, a regretté « une longue série de concessions irréfléchies à une dictature qui brutalise son peuple et complote avec nos ennemis ». « Cela va encourager tous les pays qui soutiennent le terrorisme », a-t-il déclaré. Les démocrates n’étaient pas en reste, notamment le sénateur Robert Menendez, qui présidait jusqu’à présent la commission des Affaires étrangères et fait partie du groupe de parlementaires viscéralement hostiles à une levée des sanctions contre Cuba. Le rapprochement « cautionne le comportement brutal du gouvernement cubain », a-t-il déclaré, dans un communiqué sévère. Le sénateur a particulièrement regretté l’échange de trois espions cubains contre un Cubain emprisonné sur l’île pour avoir espionné au profit de Washington. « Cet échange asymétrique ne fera qu’inciter Cuba à devenir plus belliqueux envers l’opposition cubaine ». Trois parlementaires sont allés chercher Alan Gross, libéré mercredi par Cuba après cinq ans de détention à la faveur du rapprochement: le sénateur démocrate Patrick Leahy, le sénateur républicain Jeff Flake, et le représentant démocrate Chris Van Hollen. Patrick Leahy a engagé ses collègues à ne pas « s’accrocher à une politique en échec ». « Le temps du changement est venu », a-t-il déclaré à son retour aux Etats-Unis.

Retour sur un demi-siècle de relations conflictuelles entre Cuba et les Etats-Unis

En conflit depuis un demi-siècle, les Etats-Unis et Cuba ont amorcé un rapprochement historique avec la libération mercredi de l’Américain Alan Gross, détenu depuis cinq ans à La Havane.

1961: Washington rompt en janvier les relations diplomatiques avec La Havane après le rapprochement des révolutionnaires castristes avec l’URSS et la confiscation des biens américains. En avril, échec de la tentative de débarquement d’exilés cubains soutenu par les Etats-Unis dans la baie des Cochons.

1962 : le président américain John F. Kennedy décrète en février un embargo commercial contre Cuba. En octobre, crise majeure entre les Etats-Unis et l’URSS après l’installation de missiles nucléaires soviétiques sur l’île.

1966 : le Congrès américain vote la loi dite d' »ajustement » qui offre un droit d’asile et un visa de travail aux Cubains émigrant illégalement.

1977 : ouverture du Bureau des intérêts américains à La Havane sous la présidence de Jimmy Carter, qui allège l’embargo. – 1995 : signature par Cuba et les Etats-Unis d’accords migratoires.

1996 : renforcement de l’embargo américain avec la loi Helms-Burton.

2001 : le président américain George W. Bush renforce l’embargo en limitant davantage les voyages et l’envoi d’argent sur l’île.

2004 : Cuba annonce la fin de ses transactions commerciales en dollars.

2008 : les pays d’Amérique latine réunis en sommet réclament la levée de l’embargo contre Cuba.

2009 : Barack Obama lève toutes les restrictions sur les voyages et l’envoi d’argent des Cubano-Américains dans l’île. Au sommet des Amériques, il dit vouloir « emmener les relations américano-cubaines dans une nouvelle direction ». Des représentants américains et cubains entament en avril des discussions informelles pour tenter de relancer le dialogue. Washington propose en mai à Cuba de rouvrir leurs pourparlers sur l’immigration, suspendus en 2003. Cuba accepte. Le 3 décembre, l’Américain Alan Gross, un sous-traitant du département d’Etat, est arrêté à Cuba pour espionnage.

2011 : Alan Gross est condamné à 15 ans de prison pour avoir introduit du matériel de transmission satellitaire interdit dans l’île communiste. La Maison Blanche appelle Cuba à le « libérer immédiatement ».

2012 : En visite à La Havane, le pape Benoît XVI dénonce « les mesures économiques restrictives imposées de l’extérieur », en référence à l’embargo américain. – 2013 : Barack Obama et Raul Castro échangent une poignée de main historique pendant l’hommage rendu à Nelson Mandela à Soweto (Afrique du Sud).

2014 : Le 9 janvier, Cuba et les Etats-Unis reprennent leur dialogue sur la politique migratoire.

30 mai : La présidente de la Chambre de Commerce américaine affirme à La Havane que le moment est venu d’ouvrir un nouveau chapitre entre les deux pays. . 17 oct : Le secrétaire d’Etat américain John Kerry remercie Cuba pour son aide dans la lutte internationale contre le virus Ebola. Fidel Castro propose à Washington de collaborer dans ce domaine.

3 décembre : Washington conditionne une détente avec Cuba à la libération de Gross.

17 décembre : Alan Gross est libéré pour des raisons humanitaires. Un espion américain, emprisonné depuis 20 ans à Cuba a été libéré en même temps en échange de trois espions cubains incarcérés aux Etats-Unis. Barack Obama annonce « un nouveau chapitre » avec Cuba, affirme que l’isolement de Cuba n’a pas fonctionné et prône une « nouvelle approche ». « Nous sommes tous Américains », dit-il en espagnol. Raul Castro confirme le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays mais précise que la question de l’embargo reste à régler.

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