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Qui paye 100 millions pour un tableau ?

Muriel Lefevre

La vente aux enchères d’une des oeuvres de Bacon vient de pulvériser tous les records. Mais qui est prêt à dépenser une telle fortune pour quelques centimètres de couleur ? Plongée dans le monde des collectionneurs.

Les hautes sphères de l’art étaient auparavant la chasse gardée de quelques initiés. Les temps changent puisque c’est aujourd’hui le nouveau terrain de jeu des ultras riches. L’exemple clinquant des Trois études de Lucian Freud de Francis Bacon vendu 106 millions d’euros aux enchères est là pour le prouver. Ce n’était pourtant pas la seule vente record du jour. Moins commenté, mais tout aussi surprenant, le Balloon Dog (Orange) du sculpteur américain Jeff Koons est parti pour 43,4 millions d’euros. Une première pour une oeuvre d’un artiste vivant. Deux ventes spectaculaires qui ne viennent que confirmer une tendance du secteur. En effet, le produit des ventes d’oeuvres d’art a atteint 8,7 milliards d’euros en 2011, soit un bond de 21% par rapport à 2010. Les oeuvres sont désormais considérées comme des trophées, et les artistes comme des produits de consommation. Un intérêt qui n’aurait donc plus rien d’artistique. Ou presque.

La Belgique, terre de collectionneur

Selon les experts, la Belgique est l’un des pays qui comportent le plus de collectionneurs d’art moderne au monde. S’ils sont nombreux, parmi les plus importants on peut citer Walter Vanhaerents, 68 ans, qui a débuté sa collection il y a plus trente ans et vient de créer à Bruxelles son propre « petit musée ». Pourquoi l’art fascine-t-il tant dans notre plat pays ? Il ne s’agit pas uniquement de placement. Ils sont nombreux à trouver absurde la somme folle dépensée pour le Bacon. Non, ce qui animerait le collectionneur belge, c’est la soif de découverte et l’envie d’encourager des talents en devenir. C’est le collectionneur-découvreur qui domine. Selon Tanguy Eeckhoud interviewé par le Morgen : « ce qui fait courir les collectionneurs, c’est l’artiste, un personnage qui les fascine. C’est pour cela que les collectionneurs tentent de repérer au plus tôt les talents prometteurs pour pouvoir les soutenir dès le début. Leur trip, c’est le contact personnel avec l’artiste ».

Pour beaucoup ce ne serait donc que l’amour de l’art qui primerait. Peter Bernaerts de la maison Bernaerts nuance tout de même dans le Morgen « si le collectionneur belge est connu pour sa capacité à ne pas trop s’attacher aux tendances du marché, l’art est et reste une question de statut. Quelqu’un qui est capable de débourser 100 millions le fait aussi pour se démarquer au sein de l’infime partie de la population qui fait partie des super riches ».

Les Chinois dominent le marché de l’art

Si la discrétion et le silence sont les règles d’or du secteur, les nouveaux riches venus de Chine, de Russie et du Moyen-Orient font pourtant de parfaits candidats en tant qu’acheteurs du Bacon. Prenons l’exemple de la famille royale du Qatar qui aurait, selon le Vanity Fair, acquis pour 250 millions de dollars l’un des cinq joueurs de cartes de Cézanne en février 2012. Le véritable poids lourd du marché est néanmoins à chercher, selon Artprice, du côté des Chinois qui occuperaient 41% du marché mondial. Les collectionneurs chinois se répartissent en trois catégories. La première cherche à reconstituer le patrimoine national, la deuxième considère l’art comme un investissement et accessoire bling-bling ultime et la dernière utilise l’art pour blanchir de l’argent. Cette dernière étant par essence plus difficile à prouver.

On peut tous devenir collectionneurs

Tout le monde peut entamer une collection puisqu’au niveau mondial la moitié des transactions autour des oeuvres d’art sont inférieures à 1 000 euros et la demande est plus importante que l’offre. Il y a actuellement plus de 900 000 artistes contemporains vivants qui gèrent leur carrière et n’ont plus rien à voir avec le mythe de l’artiste maudit. Il existe à l’heure actuelle 37 millions d’amateurs et de collectionneurs à travers le monde qui disposent d’un budget global de 1 million de dollars par an.

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