© Reuters

Qui était Cheikh Yassine, le guide des islamistes marocain?

Muriel Lefevre

Le cheikh marocain est mort jeudi laissant son mouvement Al Adl Wal Ihsane orphelin. Retour sur un parcours original.

Abdessalam Yassine est né en 1927 à Marrakech. Fils d’un paysan berbère, il est d’abord instituteur, puis inspecteur de l’enseignement primaire et enfin directeur de l’école normale. Dans les années soixante, attiré par le mysticisme soufi, il devient adepte de la confrérie Bushichiya. Il s’oriente ensuite vers une conception plus politique de l’islam. En 1974 il rédige, avec deux amis, une lettre ouverte au roi, L’islam ou le déluge. Hassan II, « roi oublieux des obligations de l’Islam « , y est invité à faire « acte de rédemption.
Le Cheikh Yassine conteste surtout sa légitimité de Commandeur des croyants. Un crime de lèse-majesté qui lui vaut d’être immédiatement arrêté. Il est d’abord envoyé dans un hôpital psychiatrique, puis incarcéré. Libéré en 1980 il crée l’association Al Adl wal Ihsane (Justice et spiritualité)- qui ne sera jamais légalisée- et la revue Al Jema’a. Cette dernière est rapidement interdite. Il lance alors successivement deux autres publications, As-Sobh, puis Al-Kitab qui seront à leur tour interdites. Arrêté une nouvelle fois en 1983, il est condamné à deux ans de prison. En 1985 il regagne sa maison de Salé, où il est sera assigné à résidence.

L’après Hassan II

Peu après l’accession au pouvoir de Mohammed VI, en janvier 2000, il convoque la presse et remet aux journalistes un fascicule d’une trentaine de pages, sobrement intitulé « mémorandum à qui de droit ». Une lettre au vitriol, rédigée en français, avec des accents gauchistes, dans laquelle il demande au « jeune roi au coeur tendre » de « pousser ses sollicitudes envers les pauvres au-delà de la bienfaisance organisée » en consacrant la « grande fortune amassée par Hassan II » au remboursement de la dette extérieure du Maroc.
Cet appel est précédé d’un long développement sur tous les maux du royaume. Le Cheikh évoque « la gabegie générale, la misère pour beaucoup, le confort criard pour quelques-uns, la corruption comme moyen d’administrer et de gouverner, le tripatouillage des élections (…) bref, la ratatouille makhzenienne ».

Le cheikh Yassine est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages qui sont une synthèse entre les enseignements du soufisme, la pensée politico-religieuse de Hassan Al Banna, le fondateur des Frères musulmans, et les théories de Sayed Qotb le « père » de l’islamisme révolutionnaire.

Par Dominique Lagarde, L’Express

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire