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Qui est Matteo Renzi, l’Obama à l’italienne?

Le Vif

Matteo Renzi a été élu, dimanche, à la tête de la première force politique italienne, le parti démocrate. Retour sur la stratégie de celui que l’on surnomme tour à tour l’Obama à l’italienne ou le Berlusconi de gauche.

« Vous m’avez donné le brassard de capitaine et il ne se passera pas un jour sans que je lutte contre tous les ballons. » Dans l’air du temps, c’est par une métaphore footballistique que le jeune et dynamique maire de Florence, Matteo Renzi a remercié les Italiens qui ont voté pour lui dimanche aux primaires du Parti démocrate. A seulement 38 ans et avec près de 68% des suffrages, il est devenu ce weekend le secrétaire général du Parti démocrate, la formation qui dirige la coalition actuellement au pouvoir en Italie. Une victoire d’autant plus impressionnante qu’il y a un an et demi Matteo Renzi n’était guère connu en dehors de sa Toscane natale.

Son atout : la jeunesse

Militant dès 19 ans, président de la région de Florence à 29 ans, maire de la ville cinq ans plus tard puis à la tête de la première force politique du pays à même pas 40 ans… En Italie, gérontocratie où le président Giorgio Napolitano a célébré cet été ses 88 printemps, la précocité du Florentin fait figure d’exception. Or ce dernier compte bien en faire la norme.

Même allure de gendre idéal qu’un Tony Blair qui avait amorcé la transformation du Labour Party en New Labour, Matteo Renzi veut rénover le Parti démocrate, le rendre « plus agile et innovateur ». Selon lui, cela passe nécessairement par le renouvellement de la classe politique. Depuis des mois, il ne cesse de répéter que pour avancer l’Italie doit « mettre à la casse » tous ses anciens dirigeants qu’il estime obsolètes. « Le temps est venu d’un nouvelle génération qui ne fera pas moins bien qu’une génération, plus experte. C’est à nous de conduire la machine « , a-t-il ainsi expliqué dimanche lors d’un discours devant une foule conquise et échaudée par la récente période d’instabilité politique qu’a traversée le pays.

Sa stratégie : une communication de pointe

Le Toscan prend bien soin d’incarner ce discours de rupture prometteur. Qualifié d’Obama à l’italienne pour son allure décontractée – Matteo Renzi préfère retrousser les manches de ses chemises plutôt que de porter un costume austère – il manie les réseaux sociaux et la formule aussi bien que le président américain. « Je change Florence ou je change de métier et retourne travailler », n’a-t-il ainsi pas hésité à affirmer lors de la campagne municipale de 2012. Un slogan grâce auquel il remporte 40% des suffrages et la mairie de Florence.

La stratégie médiatique est bien rodée. Lorsqu’il n’est pas filmé en train de courir un marathon ou parcourir Florence à vélo, Matteo Renzi se promène de plateau télévisé en plateau télévisé. Sa première apparition dans le poste remonte à 1994 pour la version italienne de la Roue de la fortune. Reparti avec 48 millions de lires de l’émission, la rumeur veut que la roue n’ait toujours pas cessé de tourner en sa faveur. Il est en tout cas devenu le chouchou des média italiens, en témoigne la couverture de novembre de Vanity Fair où il pose comme une vedette de cinéma.

Une mise en scène dont le jeune politicien ne se cache pas. « La gauche pense que la communication est un gros mot. Pour moi, le marketing entendu comme communication est une belle chose », expliquait-il à Vanity Fair. N’en déplaise à ceux qui voient dans l’omniprésence médiatique de Matteo Renzi l’émergence d’un « Berlusconi de gauche », son opération séduction porte ses fruits. Outre sa victoire de dimanche, selon un sondage de l’institut iXè de Trieste, Matteo Renzi arrive juste derrière le respecté président Giorgio Napolitano dans le classement des dirigeants auxquels les Italiens font le plus confiance.

Son point faible : une ligne politique « floue »

« Y-a-t-il quelque chose sous ce beau packaging? » se demande en revanche les commentateurs italiens. Le nouveau secrétaire du PD martèle par exemplaire qu’il veut « simplifier », « amincir », « réduire la bureaucratie », mais reste souvent assez évasif sur les moyens d’action, ce qui lui vaut d’être décrit comme un candidat « creux » par ses opposants. « Salut, je suis Matteo Renzi, le néant qui avance « , a même ironisé un comique italien.

Perdre une élection, voici son premier acte de gauche

Du côté de son propre parti, « trop centriste » est un reproche qui revient très souvent. Pour le mariage homosexuel et la lutte contre l’évasion fiscale, Matteo Renzi plaide aussi en faveur d’une diminution des impôts et de la pression fiscale sur les petites entreprises. Bien que la gauche italienne soit nettement plus tiède que le PS français, cette ligne aux contours floues a le don d’agacer. Lorsqu’en 2012 il perd les précédentes primaires démocrates, ses détracteurs ironisent d’ailleurs « perdre une élection, voici son premier acte de gauche ».

Mais Matteo Renzi n’a pas peur de faire bouger les lignes ou de critiquer le gouvernement en place. Lorsque Berlusconi l’invite à déjeuner il y va sans reculer et défend ses choix: « On m’accuse de voler des voix à droite mais je vous donne un scoop: on a perdu les dernières élections ». Lui semble décidé à gagner les prochaines.

Par Hélène Pillon

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