Eduardo Cunha, Machiavel brésilien qui veut en finir avec Dilma Rousseff © Reuters

Qui est Eduardo Cunha, ce Machiavel brésilien qui veut la perte de Dilma Rousseff?

Le Vif

Bien qu’inculpé pour corruption, le sulfureux président du Congrès des députés brésilien Eduardo Cunha, 57 ans, tire les ficelles de la destitution de la présidente Dilma Rousseff dont il a juré la perte.

Depuis décembre, ce député évangélique ultra-conservateur a réussi la prouesse de faire avancer la procédure de destitution de la dirigeante de gauche aussi vite qu’il est parvenu à paralyser par mille subterfuges les débats de la Commission d’éthique de la chambre basse sur la cassation de son propre mandat.

Vendredi matin, c’est donc bien ce Machiavel brésilien aux cheveux poivre et sel et costumes italiens impeccables qui a ouvert solennellement l’assemblée plénière historique des députés brésiliens sur le sort de l’impopulaire Dilma Rousseff.

Il est soupçonné d’avoir touché des pots-de-vin dans le cadre du scandale de corruption Petrobras. Elle est accusée d’avoir ordonné des tours de passe-passe budgétaires pour minimiser l’ampleur des déficits du Brésil. « Nous avons face à nous un accusé qui commande une farce! », a enragé au micro le député d’extrême-gauche Ivan Valente.

Arbitre buteur

Eduardo Cunha, lui, jubile, derrière ses lunettes à monture fine. Son heure de gloire est arrivée. « Je me sens comme l’arbitre de la finale de la Coupe du monde », a-t-il confié cette semaine à ses proches. « Un arbitre qui marque des buts », a rétorqué un député de gauche.

Si Dilma Rousseff est finalement destituée, elle le devra en effet pour beaucoup à M. Cunha, incarnation du côté obscur du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), la grande formation centriste du vice-président Michel Temer.

M. Temer, discret homme d’appareil sans relief, succèderait alors à son ennemie jurée. Et M. Cunha deviendrait le second personnage de l’Etat dans l’ordre de succession…Temer et Cunha « sont les chefs de la conspiration, mais je ne saurais dire avec certitude qui en est le vrai chef et qui en est l’adjoint », a ironisé amèrement Dilma Rousseff.

Né en 1958 de parents italiens à Rio de Janeiro, Eduardo Cunha s’est formé en Economie et a touché à tout avant d’embrasser la politique. Il a été courtier en assurances, économiste chez Xerox, propriétaire de radio évangélique, dirigeant d’entreprises publiques avant de devenir député de l’Etat de Rio en 2001, puis député fédéral à partir de 2002.

Partisan de la création d’un « Jour de la fierté hétérosexuelle », adversaire acharné de l’avortement, il s’est assuré au fil des années de solides soutiens au parlement.

Eduardo Cunha est l’égérie du groupe parlementaire informel « BBB », pour « Boeuf, Bible, Balles », qui veille aux intérêts des puissants lobbies néo-pentecôtistes, des armes à feu et de l’agro-business.

Réélue de justesse en 2014, en même temps que l’Assemblée la plus conservatrice de l’histoire récente du Brésil, Mme Rousseff avait senti le danger. Elle a tenté, sans réussir, d’empêcher l’élection d’Eduardo Cunha au perchoir de cette Assemblée, le 1er février 2015.

La guerre était déclarée.

M. Cunha a imposé un ordre du jour très droitier en faisant voter par exemple la réduction de la majorité pénale de 18 à 16 ans.

Usufruitier

En pleine récession économique, il s’est ingénié à inscrire aux débats des projets dépensiers, tout en dirigeant la guérilla parlementaire contre l’impopulaire programme d’austérité du gouvernement.

Et le jour même où le Parti des travailleurs (PT) au pouvoir s’est résolu à soutenir son renvoi devant la commission d’éthique du parlement en décembre 2015, il a déclenché l’arme atomique en déclarant recevable la demande de procédure de destitution de l’opposition de droite contre Mme Rousseff.

Depuis, il n’a eu de cesse d’inciter son parti à divorcer de la coalition gouvernementale et de pousser Dilma Rousseff vers la sortie. Les députés du « bas clergé » du PMDB ont soutenu dès le début leur héros. Les caciques du parti, d’abord réticents, ont fini par suivre.

Volubile sur les règlements du parlement, Eduardo Cunha se referme comme une huître quand on l’interroge sur ses comptes en Suisse et les folles dépenses de son épouse, une ex-présentatrice de la TV Globo, dans les boutiques de luxe de Paris. « Ce ne sont pas mes comptes, j’en suis seulement l’usufruitier » esquive-t-il avec son aplomb confondant.

Il a souvent été comparé au personnage de Franck Underwood, le vice-président américain ambitieux et sans scrupules qui s’empare de la Maison Blanche dans la série télévisée « House of Cards ».

Eduardo Cunha ne l’a pas mal pris, mais a tenu à nuancer: « Lui c’est un voleur, un homosexuel et un assassin. Moi pas ».

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