Carte blanche

Quel est le problème d’Hillary?

Un Belge a participé à la campagne électorale d’Hillary Clinton. « Pourtant, je doute encore d’elle. Pourquoi ? », se demande-t-il.

En 2008, Obama était l’homme de l’espoir et du changement. Il était l’outsider à l’expérience politique limité. Nous espérions un meilleur avenir, plus de justice sociale, moins de racisme, moins d’inégalités entre riches et pauvres. Nous espérions sortir indemnes de la crise financière et voir la fin de ces deux guerres insensées en Irak et en Afghanistan. Et qu’Obamacare permette aux millions d’Américains non assurés d’obtenir enfin une assurance maladie.

À cette époque, je n’ai pas hésité à devenir bénévole de la ‘campaign for change’ de Barack Obama. Je consacrais mes loisirs à appeler les électeurs américains depuis notre maison des faubourgs new-yorkais afin de les convaincre de voter pour mon candidat. Et manifestement, ça a marché: Barack Obama a gagné. Un zéro. Ha!

Le premier président noir des États-Unis, c’était presque incroyable. C’était un giant leap aussi énorme pour les États-Unis que le premier pas de Neil Armstrong sur la Lune. Or, depuis 2008, le climat politique aux États-Unis a changé du tout au tout. Ces dernières années, il y a eu une polarisation énorme, tant à gauche (Bernie Sanders) qu’à droite (le Tea Party). Des millions d’électeurs éprouvent une insatisfaction générale vis-à-vis de Washington, surtout dans les régions les plus pauvres dans le sud et le Midwest.

Et maintenant Hillary

C’est clair qu’elle est très intelligente. Elle a intégré la Yale Law school, elle est devenue la première associée féminine d’un cabinet d’avocats en Arkansas. En 2000 elle est élue sénatrice de l’état de New York, et ensuite Secrétaire d’État dans le cabinet de Barack Obama. Et qui ne voudrait pas de Bill Clinton comme First Gentleman de la Maison-Blanche ? Il ne fait pas de doute qu’on lui devra quelques histoires croustillantes…

Mais d’où viennent mes doutes ? Beaucoup d’électeurs américains éprouvent des réserves vis-à-vis d’Hillary. Ma conversation avec Tommy, vendeur de bagels au coin de la 48th Street et de Park Avenue, en dit long. « Je ne lui fais pas confiance. Elle est fausse. En plus, elle est arrogante, elle pense qu’elle est hors d’atteinte. Personne n’est au-dessus de la loi. Personne. » Tommy me désigne d’un index accusateur, ce qui me pousse à déposer quelques dollars dans son gobelet à pourboires. « Et tout ce qu’elle veut, c’est de l’argent et du pouvoir » ajoute-t-il. « Le problème, c’est qu’elle est une femme ambitieuse ? », dis-je, l’accusant à mots couverts de sexisme. Tommy hausse les épaules et me tend mon bagel au fromage frais. « Elle me fait penser à mon ex-femme », conclut-il en soupirant. Il est clair qu’il ne votera pas pour Hillary.

Et qu’en est-il des Millenials, le segment le plus faible d’Hillary? Je pose à la question à mes filles Eva (16 ans) et Eline (14 ans). « Que pensez-vous des candidats à la présidence ? » J’étais pratiquement certain qu’elles seraient du « bon » côté du spectre, mais c’était tout de même palpitant. Ma femme et moi les avions-nous bien éduquées ?

« Bernie! », crient-elles toutes les deux, pleines de conviction. « Comme presque tous les élèves de ma classe », ajoute Eline. « Hillary ? Je ne sais pas bien ce qu’elle représente. Aura-t-on un Obama III? Mais sans Obama? », se demande Eva.

Voilà qui promet pour l’avenir – apparemment, la high school locale voterait en masse pour Bernie Sanders. Le profil de Sanders a au moins le mérite d’être clair, et il a toujours été conséquent. Il se qualifie lui-même de socialiste athée d’origine juive, même si politiquement c’est un peu difficile aux États-Unis. Quand un journaliste lui a demandé d’un ton sarcastique s’il voulait transformer les États-Unis en Suède, il a répondu sans se démonter qu’il n’y a rien à redire de la Suède. Rien à redire sur la Suède ? Je l’aime bien, moi, ce Sanders.

L’agenda politique d’Hillary Clinton est effectivement moins clair, et au fond elle n’est pas de gauche. En tout cas, pas plus que le VVD aux Pays-Bas ou l’Open VLD en Belgique. Je réalise en souriant que ce serait donc un pas vers la droite de soutenir Hillary.

Sur papier, Hillary Clinton a pourtant un CV magnifique pour devenir présidente

Sur papier, Hillary Clinton a pourtant un CV magnifique pour devenir présidente. Si on regarde son adversaire, elle est peut-être surqualifiée, me dis-je en regardant le chêne noueux de notre jardin. C’est exactement à ce moment-là – c’est du moins ainsi que je m’en souviens – que je vois mon voisin (un agent de police) passer dans son pick-up beaucoup trop gros. Je lis « Make American Great Again – Vote The Donald » sur son parechoc.

Je clique résolument sur l’icône dollar sur mon écran pour confirmer mon don à la campagne d’Hillary. Je recevrai aussi un autocollant, pour notre Prius.

Pour des raisons professionnelles, l’auteur souhaite rester anonyme et a écrit ce texte sous le pseudonyme de Jack Kappelhof. Les données personnelles des électeurs dans cet article sont fictives.

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