Rafael Correa, en janvier 2018 à Quito © AFP

Quel avenir pour Rafael Correa, ex-président et leader de gauche charismatique et polémique?

Le Vif

L’ex-président Rafael Correa vient de connaître sa première défaite électorale et a été cité par la justice pour témoigner dans une affaire de corruption présumée, un retournement de situation amer pour celui qui a été l’homme le plus puissant d’Equateur.

Equateur: l’ex-président Correa, de la défaite à la justice

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Quito, Equateur | AFP | lundi 05/02/2018 – 19:47 UTC+1 | 695 mots

par Paola LÓPEZ

L’ex-président Rafael Correa vient de connaître sa première défaite électorale et a été cité par la justice pour témoigner dans une affaire de corruption présumée, un retournement de situation amer pour celui qui a été l’homme le plus puissant d’Equateur.

Les Equatoriens ont voté dimanche lors d’un référendum, contre la possibilité qu’il revienne au pouvoir en 2021 et ont aussi enterré certaines des réformes promues par ce leader de la gauche latino-américaine charismatique et polémique.

Blessé à vif par le résultat de ce scrutin qui comportait sept questions, l’ex-président devait témoigner lundi devant le parquet à Guayaquil, deuxième ville du pays, sur un préjudice présumé envers l’Etat équatorien dans la vente de pétrole à la Chine et à la Thaïlande.

Cet économiste de 54 ans n’est pour le moment cité que comme témoin.

L’ex-président, qui en dix ans de pouvoir (2007-2017) a relevé 14 défis électoraux, voit derrière cette convocation une ultime manipulation pour l’écarter définitivement. Les électeurs ont également voté dimanche en faveur de la « mort politique » des condamnés pour corruption.

« La politique en Equateur est en train de se judiciariser, comme pour Dilma (Rousseff, ex-présidente du Brésil), Lula (son prédécesseur) ou Cristina (Kirchner, ex-présidente d’Argentine). Ici, nous avons Jorge Glas (ancien vice-président emprisonné dans le cadre de l’affaire Odebrecht) et ils s’en prennent à moi », a affirmé M. Correa dimanche.

Retour en Belgique

Selon le politologue Simon Pachano, les 74% de oui à la question sur la corruption « signifient la mort civile et cela peut totalement exclure (Correa) de la politique s’il est condamné, comme il semble que cela puisse arriver ».

L’ex-président a participé au triomphe de la gauche qui a secoué l’Amérique latine dans les années 2000. Sur la même ligne que le défunt leader vénézuélien Hugo Chavez, il a dirigé un gouvernement, alors très populaire, qui a réformé l’Etat, défié les Etats-Unis et affronté les secteurs riches comme les médias privés.

Il s’est aussi montré implacable envers ses adversaires et beaucoup lui reprochent son caractère autoritaire.

Personne jusqu’à l’an dernier n’aurait imaginé que sa marginalisation pourrait venir d’un allié devenu son successeur et plus sévère critique: Lenin Moreno, qui a convoqué le référendum visant à enterrer une bonne partie de l’héritage corréiste.

Rafael Correa devrait regagner mardi la Belgique, pays de son épouse où il s’est installé avec sa famille après avoir quitté le pouvoir en mai dernier.

Pour l’analyste Santiago Basabe, l’ex-président est « blessé » politiquement, mais « il ne faut pas encore le perdre de vue » car il bénéficie d’un appui important au sein de l’électorat.

La fin?

M. Correa va devoir se défendre face aux soupçons sur sa gestion de ventes anticipées de pétrole, stratégie qui a permis à l’Equateur de percevoir des milliards de dollars pour des livraisons à terme, principalement à la Chine, devenue son principal créancier. « Je n’ai rien à voir avec ça car jusqu’en 2010 je n’autorisais que les préventes pétrolières, mais je ne me chargeais pas du coût du transport, de l’assurance, des décomptes et autres détails », a-t-il dit, ajoutant qu’il n’avait autorisé qu’une vente anticipée d’un montant d’un milliard de dollars à la Chine en 2010.

Mais le journaliste et homme politique Fernando Villavicencio a dénoncé des irrégularités ayant causé 2,2 milliards de dollars de pertes à l’Etat.

Personne ne peut prévoir si l’ex-président se remettra de ce revers ou sera contraint de se retirer définitivement de la politique, comme il s’était dit prêt à le faire quand il pensait que sa « révolution citoyenne » était en sécurité avec Lenin Moreno.

Les Equatoriens ont dit oui à son successeur et ont claqué la porte au président resté le plus longtemps au pouvoir dans l’histoire récente de l’Equateur, auparavant marqué par une grande instabilité politique.

M. Correa considère quand même comme un « grand triomphe » le fait que le non pour lequel il avait fait campagne ait remporté dimanche 36% des suffrages.

Selon M. Pachano, professeur de la faculté latino-américaine des sciences sociales (Flacso), ce résultat « va donner à Rafael Correa une présence politique forte dans le pays » et il lui reste « la possibilité de promouvoir une Assemblée constituante » avec l’aide de ses partisans au Congrès pour tenter de revenir au pouvoir.

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