Leila Khaled © Bluewind/Wikicommons

Quarante-sept ans après avoir détourné un avion, Leila Khaled ne regrette pas ses actes

Annelies Van Erp

Première femme à détourner un avion en 1969, la Palestinienne Leila Khaled est devenue le symbole de la résistance palestinienne contre Israël. Presque 50 ans après les faits, notre consoeur de Knack.be s’est entretenue avec la militante – une terroriste pour les uns, une héroïne pour les autres – qui défend toujours la cause palestinienne. « Je ne regrette pas mes actes » dit-elle.

Âgée aujourd’hui de 71 ans, Leila Khaled rayonne quand elle parle de son dernier petit-enfant. Pourtant, elle est tout sauf une grand-mère ordinaire. Le 29 août 1969, l’activiste est devenue mondialement célèbre en détournant un avion de la ligne Rome-Athènes. Le détournement ne fait pas de victime, Khaled fait exploser l’avion après que tous les otages ont quitté l’appareil.

Le 6 septembre 1970, Leïla Khaled tente de détourner un second avion avec le Nicaraguayen Joseph Arguello. Leur tentative échoue. Khaled est enfermée moins d’un mois dans une prison britannique. Le 1er octobre 1970, elle a été libérée lors d’un échange de prisonniers.

Les attentats, qui ont fait la une de l’actualité dans le monde, ont mis en lumière les problèmes du peuple palestinien. Âgée de 24 ans à l’époque des faits, Khaled devient un exemple pour beaucoup, le pendant féminin de Ché Guevara. Son effigie – munie d’un keffieh et d’un fusil – a fait le tour du monde. « Je ne m’attendais pas du tout à ça » raconte-t-elle à Bruxelles.

Sonner l’alerte

Leïla Khaled ne renie pas ses actes, elle explique qu’ils étaient obligés de passer par là. « Nous n’avions pas le choix, nous devions lancer l’alerte. »

Après la Guerre des Six Jours, en 1967, Israël a quadruplé la zone occupée, obligeant ainsi de nombreux Palestiniens à se réfugier dans des camps. « Notre pays était occupé, et nous voulions y retourner. Personne n’écoutait nos plaintes ou ne s’interrogeait sur les arrestations de Palestiniens innocents. Ce n’est que quand nous avons détourné un avion, que les journaux se sont mis à en parler. Tout à coup, on était prêt à nous écouter. »

Une grenade entre les dents

« Nous recevions des instructions strictes avant les opérations, nous n’avions pas le droit de blesser des innocents » se défend Khaled. « Oui, j’avais des grenades en poche, et si j’avais voulu, j’aurais pu faire exploser l’avion. Mais je n’ai pas fait. Lors du second détournement, mon compagnon a été tué sous mes yeux, mais je n’ai pas réagi violemment » raconte-t-elle.

D’après une reconstruction des services de sécurité israéliens, Khaled n’aurait pourtant été maîtrisée qu’après avoir lancé une grenade à main, qui n’a pas explosé. Les services de sécurité affirment qu’elle aurait menacé le personnel de bord, une grenade entre les dents.

« Je n’ai tué personne et je ne regrette pas mes actes. La seule chose que je regrette dans ma vie, c’est de ne pas avoir pu terminer mes études supérieures » se défend-elle.

Pas de lutte religieuse

Pour l’instant, Khaled vit dans la capitale jordanienne où elle travaille pour le parti d’extrême gauche Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Elle siège au Conseil National palestinien (CNP), l’organe législatif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).

La militante considère son emploi actuel comme une continuation logique de sa lutte entamée il y a plusieurs décennies. « Même enfant, mon engagement à mettre fin aux injustices a toujours été présent. » Un de ses premiers souvenirs se déroule au Liban, où Khaled et ses parents ont fui la guerre de 1948. « J’avais quatre ans et je voulais cueillir des oranges. Mais ma mère m’a dit avec insistance que c’était interdit. En tant que Palestiniens nous n’avions ni droits ni possessions. À Haïfa, nous n’étions plus sur notre propre territoire. »

Khaled voyage régulièrement (quand elle arrive à obtenir un visa) et prononce des conférences pour expliquer les objectifs du FPLP. « Nous souhaitons l’abrogation de l’état Israël et en échange, nous plaidons en faveur d’une démocratie laïque où plusieurs religions et peuples peuvent vivre ensemble. Et pour être claire, par la fin d’Israël, j’entends Israël sioniste. On prétend que la Palestine est un pays sacré qui appartient au peuple élu. Eh bien, je ne crois pas que Dieu divise un pays. »

Contrairement au Hamas, le FPLP n’est pas inspiré par la religion. « Je suis adepte du marxisme, notre lutte est purement politique, les considérations religieuses ne jouent pas de rôle. Je défends des êtres humains, pas Dieu » affirme Khaled.

Le FPLP figure pourtant sur la liste d’organisations terroristes au Canada, aux États-Unis et dans l’Union européenne, même si d’après Khaled, un changement se prépare dans l’UE. « J’étais invitée à Bruxelles par quelques parlementaires et j’ai rencontré le vice-président. Vous voilà bien, face à une terroriste ai-je dit en rigolant. Mais sérieusement, le FPLP fait partie de l’OLP, un parti qui discute avec l’Europe. Il est tout de même impensable que les membres d’une aile soient considérés comme des terroristes alors que les autres sont traités comme des rassembleurs ? »

Leila Khaled
Leila Khaled © Sebastian Baryli/Wikicommons

En revanche, l’Inde, la Chine, la Russie et le Royaume-Uni ne considèrent pas le FPLP comme un groupement terroriste. « Ce que nous faisons, c’est nous défendre » précise Khaled. « Nous sommes confrontés quotidiennement à l’agressivité israélienne et c’est pour cette raison que notre réaction est violente. On ne répond pas à la violence avec des roses. Il est légal qu’une population se défende et résiste à l’oppression. Je ne suis pas la seule à raisonner ainsi, c’est un principe de droit international. »

Pour l’activiste, « l’occupation représente le degré le plus élevé de terrorisme » et « si quelqu’un doit finir sur une liste de terroristes, ce sont les colons israéliens qui continuent à s’implanter illégalement ». Leïla Khaled estime qu’ils maintiennent un régime d’Apartheid. « Abattre des arbres – qui sont la source de revenus d’une famille – voilà un crime de guerre. Construire des murs, aménager des checkpoints pour empêcher les gens de se déplacer entre les zones, emprisonner des gens sans inculpation… voilà ce que j’appelle terrorisme. »

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