Steve Bannon et Trump © Reuters

Qu’est-ce que l' »alt-right », la nébuleuse d’extrême droite séduite par Trump

Le Vif

« Hail Trump! (…) Hail notre victoire! ». Des incantations régulièrement prononcées par ceux qui disent appartenir à cette frange de la nouvelle extrême droite américaine. Plongée dans cette mouvance hybride et radicalisée.

Depuis la victoire de Trump, il n’est pas rare que cette mouvance hybride baptisée « alt-right » se réunisse pour savourer l’instant et rêver à une Amérique blanche, virile et anti-immigrés autour d’un de ses chefs de file informels, Richard Spencer.

« A l’avenir, l’alt-right peut, en tant qu’avant-garde intellectuelle, compléter le travail de Trump », dit à la tribune ce trentenaire cintré dans un élégant costume et coiffé, comme beaucoup de ses compagnons de route, à la « fasci »: ras sur les côtés, les cheveux soigneusement peignés sur le haut du crâne.

A la tête d’un obscur think tank, le National Policy Institute, ce diplômé d’études supérieures est l’un des visages de cette nébuleuse qui est née et prospère sur internet, rallie des jeunes plutôt éduqués et compte parmi ses alliés l’ex-directeur général de la campagne du républicain, devenu son haut conseiller en stratégie du président élu Trump, Steve Bannon.

Steve Bannon, 63 ans, Conseiller en stratégie. Il dirigeait le site d’informations Breitbart, proche de l’extrême droite, jusqu’à son recrutement en août par Donald Trump en tant que directeur général de sa campagne. Breitbart est considéré comme la plaque tournante de la « droite alternative », mouvement associé aux idées nationalistes et partisan de la supériorité de la « race blanche ». Sa nomination a été très controversée.

La mouvance, qui a récemment fait irruption sur la scène publique, n’a pas de structure formelle et son idéologie puise dans l’extrême-droite traditionnelle et la théorie de la suprématie blanche autant que dans une dénonciation du libre-échange économique.

« L’alt-right pense qu’un certain degré de séparation entre les peuples est nécessaire pour que la culture soit préservée », écrivaient deux figures liées à ce mouvement dans un manifeste publié en mars sur le site Breitbart News, alors dirigé par M. Bannon.

Le Ku Klux Klan rêve d’une improbable renaissance

Dans le sillage de la victoire de Donald Trump et la poussée du mouvement extrémiste « alt-right », une organisation raciste vieille de 150 ans se verrait bien pousser des ailes: le Ku Klux Klan.

« Le nombre de nos membres augmente de jour en jour, (…) on a reçu 1.000 demandes d’information depuis l’élection », affirme Gary Munker, qui se présente comme un porte-parole de ce mouvement qui prône depuis 1866 une Amérique blanche et chrétienne, devenu synonyme de lynchages et d’assassinats. Comme l’ex-leader du KKK David Duke, qui a soutenu Donald Trump pendant la campagne – un soutien avec lequel Trump a pris ses distances -, Gary Munker reconnaît avoir été séduit par le discours du magnat de l’immobilier, notamment ses attaques contre les immigrés.

Pas de résurgence

Loin des assassinats ou des croix enflammées qui ont fait la réputation du Ku Klux Klan dans le passé, la distribution de tracts est aujourd’hui « la première activité » du KKK et avec 14 Etats concernés, celle qui lui « assure une visibilité nationale », explique Carla Hill, chercheuse au Centre sur l’extrémisme de l’Anti-Defamation League, une grande association juive de lutte contre l’intolérance. Mais les derniers chiffres disponibles, dit-elle, ne suggèrent aucune résurgence du mouvement, quoi qu’en dise Gary Munker: 74 distributions de tracts ont été recensées depuis début 2016, contre 86 en 2015.

‘Espace politique’

Pour Mark Potok, spécialiste du Southern Poverty Law Center, un observatoire de l’extrémisme, si les « nationalistes blancs » ont indéniablement progressé depuis l’arrivée à la Maison Blanche de Barack Obama, le Ku Klux Klan, avec 6.000 membres maximum aujourd’hui contre plus de 40.000 dans les années 60 et plusieurs millions dans les années 20, n’a aucune chance de rebondir. L’élection de Donald Trump a certes, pour ces hérauts de la race blanche, « ouvert un espace politique qui leur permet de présenter leurs idées comme légitimes », alors qu' »ils n’étaient plus pris au sérieux depuis 50 ans ». Comme l’a montré la conférence aux accents néo-nazis qui s’est tenue à Washington le 20 novembre autour du leader d’extrême droite Richard Spencer. Mais ces extrémistes « intellectuels » qui répondent à la nouvelle appellation « alt-right » « ont du mépris pour le Klan », explique M. Potok. Car les membres du KKK, à l’histoire émaillée de violences, « ne peuvent pas, comme Richard Spencer, prétendre vouloir juste défendre les droits des Blancs sans détester personne ». Gary Munker, adepte de chasse et de pêche, reconnaît d’ailleurs se méfier du message plus lisse de l’alt-right: « Nous, nous sommes chrétiens, eux prennent tout le monde. Rien que ça me fait douter de leur intégrité », dit-il.

Théoriciens

Cette séparation doit, sans surprise, être raciale et religieuse: le mouvement, qui revendique une filiation avec l’extrême-droite française et notamment la Nouvelle Droite, fourmille de théories pseudo-scientifiques sur la hiérarchie supposée entre les races et voue une haine tenace aux Juifs et aux musulmans.

« La chose honteuse chez la gauche est qu’ils veulent plus d’immigration musulmane (…) Les gauchistes veulent que cette maladie vienne dans notre société plus qu’ils ne veulent se protéger eux-même », déclarait ainsi Kevin MacDonald, un professeur de psychologie à la retraite, samedi lors de la réunion de Washington.

Selon le Southern Poverty Law Center, spécialisé sur les mouvements extrémistes, l’Alternative Right, ou alt-right, s’est ainsi bâtie sur l’idée que « l’identité blanche » serait menacée par le multiculturalisme, le « politiquement correct » et la justice sociale.

Ce culte de l’homogénéité identitaire les a également conduits à rejeter l’économie de marché défendue traditionnellement par le parti républicain.

« L’establishment républicain, avec leur croyance inoxydable dans le marché libre, pourrait être tenté de détruire une cathédrale pour la remplacer avec un centre commercial, si ça faisait sens économiquement parlant », assure le « manifeste » publié par Breitbart, assurant qu’une telle décision serait une « horreur » pour l’alt-right.

Distances

Nul doute que certains arguments de campagne de Donald Trump ait trouvé grâce aux yeux du mouvement: le candidat républicain a férocement combattu le libre-échange, promis d’ériger un mur à la frontière américano-mexicaine et appelé à interdire les musulmans d’entrée aux Etats-Unis.

Le milliardaire a également pris en grippe la presse traditionnelle, honnie par l’alt-right, et fait preuve d’un machisme outrancier cultivée par cette mouvance qui a le féminisme en horreur. Au point que M. Spencer a évoqué une « connexion psychique » avec le nouveau président américain: l’alt-right était une « tête sans corps » et M. Trump « une sorte de corps sans tête » au début de sa campagne, a-t-il résumé.

Trump tente pourtant de prendre ses distances avec ses sulfureux supporteurs en arguant qu’il avait  » été élu pour être le leader de chaque américain. Affirmer le contraire est une interprétation erronée du mouvement qui a réuni des Américains de tous horizons » a indiqué son équipe dans un communiqué.

La popularité croissante du mouvement a également attiré l’attention de Twitter qui a fermé fin d’année dernièr plusieurs comptes liés à l’alt-right, dont celui de M. Spencer, qui a par ailleurs été interdit d’entrée dans l’espace Schengen en 2014.

« Il y a une grande purge en cours et ils purgent les gens sur la base de leurs opinions », a-t-il commenté.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire