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Pyongyang tire un nouveau missile avant le sommet Xi-Trump

Le Vif

La Corée du Nord a tiré mercredi un missile balistique en mer du Japon, à la veille d’un sommet sino-américain très attendu où la menace du programme nucléaire nord-coréen sera au coeur des discussions.

Le ministère sud-coréen de la Défense a précisé que le missile – tiré quelques jours après que Pyongyang eut menacé la communauté internationale de représailles en raisons des sanctions – avait parcouru une soixantaine de kilomètres.

Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères a fermement condamné ce lancement qui représente « une menace pour la paix et la stabilité du monde entier ».

L’armée américaine a affirmé qu’il s’agissait d’un missile balistique moyenne portée de type KN-15 qui ne présentait aucune menace pour l’Amérique du Nord.

« Le Commandement américain du Pacifique est totalement déterminé à travailler étroitement avec nos alliés japonais et de République de Corée pour maintenir la sécurité », a indiqué l’armée américaine.

Le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson a estimé dans un autre communiqué que les Etats-Unis avaient « assez parlé de la Corée du Nord ». « Nous ne ferons pas d’autre commentaire », a-t-il ajouté.

Le Premier ministre japonais Shinzo Abe a vu dans ce tir « une provocation grave » qui « enfreint clairement les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ».

« Il est possible que (le Nord) se livre à d’autres actions provocatrices », a-t-il ajouté.

‘Au bord de la guerre’

La Corée du Nord a pour ambition de se doter de missiles intercontinentaux susceptibles de porter le feu nucléaire sur le territoire continental des Etats-Unis. Elle a déjà mené cinq essais nucléaires, dont deux lors de la seule année 2016.

La Corée du Nord avait averti lundi qu’elle riposterait si la communauté internationale décidait d’alourdir les sanctions contre ses programmes balistique et nucléaire.

Cette mise en garde est intervenue au lendemain de la publication par le Financial Times de déclarations du président américain Donald Trump qui s’est dit prêt à « régler » seul le problème nord-coréen, sans l’aide de la Chine.

Elle a également été faite dans le contexte du lancement, lundi, de manoeuvres militaires entre Séoul, Tokyo et Washington destinées à contrer la menace des missiles stratégiques mer-sol tirés par les sous-marins nord-coréens.

Ces « actions irresponsables » poussent la péninsule, où la situation est déjà tendue, « au bord de la guerre », a déclaré lundi un porte-parole du ministère nord-coréen des Affaires étrangères cité par l’agence officielle KCNA.

Sixième essai nucléaire?

La Chine est le plus proche allié de Pyongyang, et joue un rôle crucial pour maintenir son économie à flot. Mais Pékin fait très attention au niveau de pression qu’elle met sur la Corée du Nord, redoutant les conséquences géopolitiques d’un éventuel effondrement du régime nord-coréen.

Les multiples sanctions adoptées par le Conseil de sécurité contre les programmes militaires prohibés de Pyongyang n’ont pas entamé l’ardeur nord-coréenne.

En février, la Corée du Nord avait tiré simultanément quatre missiles, dont trois avaient fini leur course dangereusement près du Japon.

Elle avait expliqué qu’il s’agissait d’un exercice en vue d’une attaque contre les bases américaines dans l’archipel.

Fin août 2016, la Corée du Nord avait également tiré depuis un sous-marin un missile qui avait parcouru un demi-millier de kilomètres en direction du Japon, ce qui constituait pour les experts une nette avancée dans les programmes de Pyongyang.

Une véritable capacité de missiles stratégiques mer-sol (MSBS) ferait monter d’un cran la menace nucléaire, car Pyongyang pourrait ainsi porter sa dissuasion bien au-delà de la péninsule et disposerait d’une capacité de « seconde frappe » en cas d’attaque.

S’ils soulignent les progrès nord-coréens, les experts estiment cependant que la Corée du Nord est encore loin de maîtriser la technologie MSBS.

Mardi, les analystes de « 38 North », un site internet qui fait autorité sur le régime nord-coréen, ont affirmé que des images satellites datées du 25 mars montraient des préparatifs en vue d’un sixième test nucléaire.

Xi Jinping en visite chez Trump

Ce nouveau tir survient à la veille du début du premier sommet, en Floride, entre M. Trump et son homologue chinois Xi Jinping, où la menace nord-coréenne sera un sujet central. L’administration Trump a plusieurs fois estimé que Pékin était la clé d’une solution du problème nord-coréen, mais n’en faisait pas suffisamment pour résoudre cette question.

Le président américain Donald Trump reçoit jeudi en Floride son homologue chinois Xi Jinping pour un premier face-à-face très attendu – à l’issue incertaine – qui devrait être dominé par la Corée du Nord et son programme nucléaire. La délicate partie diplomatique qu’ils entameront dans le « Sunshine State » sera scrutée avec attention dans le reste du monde.

L’exubérant président républicain, propulsé à la Maison Blanche à 70 ans sans la moindre expérience politique, a prédit, d’un tweet, une rencontre « très difficile » avec le puissant dirigeant chinois, au pouvoir depuis quatre ans.

Son tête-à-tête avec Xi Jinping, attendu jeudi après-midi en Floride près une brève escale en Finlande, intervient moins de 100 jours après son arrivée au pouvoir, alors que sa politique vis-à-vis du géant asiatique reste entourée d’un large flou.

Si la rhétorique anti-Pékin est un grand classique des campagnes électorales américaines, l’homme d’affaires de New-York a poussé l’exercice très loin. Désignant, devant des foules enthousiastes, la Chine comme responsable de (presque) tous les maux auxquels l’Amérique est confrontée, il a en particulier accusé Pékin de « manipuler » sa monnaie.

‘Trump bluffe’

De reculades en ajustements, il a, depuis son arrivée au pouvoir le 20 janvier, partiellement rectifié le tir. Mais nombre de points d’interrogations demeurent.

Une crise devrait s’imposer au coeur des débats: la Corée du Nord, qui a tiré mercredi son cinquième missile depuis le début de l’année.

Depuis plusieurs semaines, Washington exhorte Pékin à mettre la pression sur son turbulent voisin. Dans un entretien publié dimanche par le Financial Times, le 44e président des Etats-Unis a laissé planer la menace d’une intervention militaire unilatérale, se disant prêt à « régler » seul le problème nord-coréen si la Chine tergiversait trop longtemps.

« Trump bluffe », estime Wu Xinbo, directeur du American Research Centre de Fudan University. « Les Etats-Unis n’ont ni la capacité ni la volonté de résoudre seuls le problème nord-coréen. »

La dernière fois que le président américain a reçu un dirigeant asiatique à Mar-a Lago – le Premier ministre japonais Shinzo Abe – le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un s’était rappelé à leur bon souvenir en lançant une tir de missile balistique.

« Son comportement est un cauchemar pour la Chine autant que pour les Etats-Unis et leurs alliés », relève Jonathan Pollack, de la Brookings Institution.

Soulignant « la frustration croissante » de Pékin vis-à-vis de Pyongyang, dont témoignent les éditoriaux de la presse officielle, il estime que les présidents américain et chinois « ont une occasion sans précédent de réaliser une véritable percée dans cette crise purulente qui menace de plus en plus les intérêts vitaux des deux pays ».

« La question est urgente. Il n’y a plus beaucoup de temps », soulignait cette semaine un responsable de la Maison Blanche.

Pyongyang cherche à développer des missiles balistiques intercontinentaux susceptibles de porter le feu nucléaire jusque sur le territoire continental des Etats-Unis.

Discussions ‘franches’

Les discussions s’annoncent rudes sur la question du commerce, le président américain affichant sa volonté d’aborder frontalement la question du déficit des Etats-Unis avec la Chine (près de 350 milliards de dollars en 2016).

La Maison Blanche a promis des paroles « franches » sur ce thème. L’objectif est clair: « réduire les barrières à l’investissement et aux échanges créées par les Chinois », selon les termes d’un responsable américain.

La Chine impose des droits de douane de 25% sur les importations de voiture, limite les importations de nombreux produits agricoles dont le boeuf et le porc et ferme l’essentiel du secteur des services aux investissements étrangers.

La question climatique, devenue sous la présidence Obama un sujet d’intense coopération entre les deux grandes puissances, devrait être la grande oubliée du rendez-vous de Mar-a-Lago où seront également présentes les épouses des deux dirigeants: Melania Trump, ex-mannequin, Peng Liyuan, ex-cantatrice.

Donald Trump, qui affirmait en 2012 que le réchauffement climatique était un canular des Chinois pour saper la compétitivité des industries américaines, a clairement signifié, depuis son arrivée au pouvoir, sa volonté de détricoter le bilan de son prédécesseur démocrate.

Cette posture se décline en interne, où il a promis de relancer l’industrie du charbon et de s’attaquer à la règlementation environnementale, comme sur la scène internationale, où il laisse planer un doute sur un éventuel retrait de l’accord de Paris, dont Xi Jinping et Barack Obama ont été deux architectes centraux.

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