Carles Puigdemont lors de sa conférence de presse à Bruxelles. © ISOPIX

Puigdemont va rester en Belgique par « sécurité » mais ne demandera pas l’asile

Le Vif

Le président catalan destitué Carles Puigdemont a annoncé mardi qu’il resterait en Belgique avec une partie de son gouvernement « par sécurité », sans y demander l’asile, et accepté que le projet d’indépendance soit « ralenti » pour éviter des troubles.

« Je ne suis pas ici pour demander l’asile politique » mais par « liberté et sécurité », a déclaré M. Puigdemont lors d’une conférence de presse à Bruxelles, s’exprimant tour à tour en catalan, français, espagnol et anglais devant des dizaines de journalistes.

Il a indiqué qu’il comptait rester à Bruxelles, « coeur institutionnel de l’Europe », avec une partie de son gouvernement pour « expliquer au monde les défaillances démocratiques de l’Etat espagnol », martelant qu’il reste le président « légitime » de la Généralité (exécutif) de Catalogne.

Démis de ses fonctions par Madrid le 27 octobre, quelques heures après la proclamation unilatérale de la « république » indépendante de Catalogne, le dirigeant indépendantiste s’est rendu en Belgique dès lundi.

M. Puigdemont a expliqué que son gouvernement se partagerait désormais la conduite des affaires entre la Belgique et la Catalogne: à Barcelone, les autres membres du gouvernement, dont le vice-président Oriol Junqueras, « poursuivront leurs activités politiques en tant que ministres légitimes ».

Les déclarations de M. Puigdemont étaient très attendues dans la région de 7,2 millions d’habitants passée vendredi sous contrôle de l’Etat espagnol, où son départ pour la Belgique a laissé nombre de ses partisans désemparés.

Afin d’éviter des troubles dans sa région, M. Puigdemont a par ailleurs jugé nécessaire de « ralentir » le processus d’indépendance.

« Nous avons été obligés d’adapter notre plan de travail pour éviter la violence » et « si cette attitude a pour prix de ralentir le déploiement de la République, alors il faut considérer que c’est un prix à payer raisonnable dans l’Europe du 21e siècle », a-t-il expliqué.

Insurrection

Son départ en Belgique intervient alors que le procureur général de l’Etat espagnol a requis des poursuites pour « rébellion », « sédition » et « malversations » contre lui et les membres du gouvernement catalan destitués.

Le parquet les accuse d’avoir « encouragé un mouvement d’insurrection au sein de la population face à l’autorité légitime des institutions de l’Etat pour atteindre leur objectif sécessionniste », évoquant un soulèvement violent.

En Belgique, M. Puigdemont a rencontré un avocat expert des questions d’asile et ancien défenseur de Basques espagnols membres présumés d’ETA. Me Paul Bekaert a expliqué que ce « premier contact » visait à se préparer juridiquement à ce que sera l’attitude de Madrid à l’égard du leader catalan.

Même s’il en faisait la demande, il apparaît très improbable que M. Puigdemont puisse obtenir un quelconque statut de réfugié politique en Belgique.

« C’est très exceptionnel d’obtenir l’asile pour un ressortissant d’un pays de l’Union européenne », a déclaré à la chaîne francophone RTBF Dirk Van Den Bulck, commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) en Belgique. Il lui faudrait démontrer « un risque de persécution » en Espagne, et l’impossibilité d’y être protégé.

M. Puigdemont « sera traité comme n’importe quel citoyen européen », a déclaré de son côté le Premier ministre belge Charles Michel.

‘Valeurs’ de l’Europe

Lors de sa conférence de presse tenue non loin des institutions communautaires, M. Puigdemont a exhorté « la communauté internationale, et en particulier l’Europe, à réagir » face à la crise institutionnelle entre l’Etat espagnol et la Catalogne, estimant que la réaction du gouvernement de Mariano Rajoy minait les « valeurs » sur lesquelles se fondent l’Union européenne.

La déclaration d’indépendance n’a pour l’heure été reconnue par aucun Etat à l’étranger, et les institutions européennes, solidaires de Madrid, ont assuré à l’AFP qu’aucune entrevue avec Carles Puigdemont n’était prévue à Bruxelles.

Dans le sillage de l’activation de l’article 155 faisant passer la Catalogne sous le contrôle de Madrid, M. Puigdemont avait appelé les Catalans à la résistance « démocratique ».

Les quelque 200.000 fonctionnaires catalans sont cependant passés sans heurts sous la tutelle de l’Etat espagnol, et la région est désormais officiellement administrée par la vice-présidente du gouvernement de Madrid, Soraya Saenz de Santamaria.

Quant aux élections régionales convoquées par Mariano Rajoy pour le 21 décembre, M. Puigdemont a déclaré mardi à Bruxelles qu’il en acceptait le « défi », assurant qu’il « respecterait » leur résultat.

« Je veux un engagement clair de la part de l’Etat (espagnol). L’Etat respectera-t-il des résultats qui pourraient donner une majorité aux forces indépendantistes? » a-t-il toutefois ajouté.

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