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Prise d’otages en Algérie: « Un pays occidental n’aurait pas demandé à ses forces anti-terroristes d’agir de la sorte »

Le Vif

La prise d’otages à In Amenas, en Algérie, connait, semble-t-il, « un dénouement dramatique ». Que nous dit cette opération des forces islamistes dans la région? Comment comprendre la réaction des autorités algériennes? L’avis de Jean-Luc Marret, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique.

Le timing et le mode opératoire de cette prise d’otages en Algérie vous ont-ils surpris?

Comme toujours, oui et non. Non, parce que les spécialistes de BP travaillaient sur ces aspects depuis plusieurs mois et qu’on sait que depuis des années cette zone est un lieu de passage des djhadistes. Oui, car si la prise d’otages massive était une pratique émergente depuis plus de 10 ans dans la mouvance djihadiste mondiale, elle n’avait jamais été adoptée jusqu’ici par les djihadistes algériens. Des enlèvements, oui, pas des prises d’otages. De ce point de vue-là, il s’agit clairement d’une dramatisation.

Que nous dit cette prise d’otages de l’état d’esprit des djihadistes?

Les individus qui ont perpétré cela semblaient graviter autour de Belmokhtar, qui fut marginalisé au sein d’Aqmi au point de créer son propre groupuscule. J’observe que plus au sud un groupe touarègue comme Ansar Eddine, engagé contre la France, semble avoir condamné cette action. On peut donc considérer qu’il s’agit d’une action aggravant la situation, mais qui aurait permis, si elle avait réussi, de faire revenir ces individus dans le jeu régional dans son entier.

Les autorités algériennes, et notamment les services de sécurité, sont connus pour leur intransigeance face au terrorisme. Négocier, ce serait perdre la face? Que peuvent faire ou dire les gouvernements étrangers dans de telles circonstances?

Je crois sincèrement que la partie algérienne considère culturellement le terrorisme local comme quelque chose de beaucoup plus meurtrier qu’en Europe, au regard du nombre de morts durant les années 1990. Je pense aussi qu’en raison de la nature de leur régime, il existe moins de barrières morales pour frapper d’une manière peu nuancée, disons, ainsi qu’ils l’ont fait.
Enfin, il faut aussi se poser la question de la capacité algérienne à disposer d’une force contre-terroriste, comme le GIGN ou le RAID, capable d’agir dans un milieu très contraignant pour libérer des otages. En revanche, je ne crois pas qu’une démocratie occidentale aurait accepté ou demandé à ses forces anti-terroristes d’agir de la sorte.

Par Thierry Dupont

Jean-Luc Marret est maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique

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