Carte blanche

Présidentielle française : l’Europe, sans hésiter

Au soir du 23 avril, les partis traditionnels de la Vème République ont été balayés et les électeurs ont désormais à choisir entre deux candidats qui bousculent le système. Depuis, nos partenaires européens et le monde ont les yeux braqués sur la France ; ses 47 millions d’électeurs et son armée d’abstentionnistes.

Cet entre-deux-tours où le Front National pourrait faire un score historique serait en grande partie causé par les politiques européennes et le fait qu’une — trop — grande partie des Français s’estime laissée-pour-compte. Il est vrai que l’Europe ne s’est pas assez inquiétée des perdants de la mondialisation, des droits sociaux, de la crise migratoire et de la protection de l’environnement. L’Europe de 2017 est loin d’être idéale.

Cependant, si un mauvais gouvernement ne justifie pas la dissolution du pays, d’insuffisantes politiques ne justifient pas d’abandonner le lent et patient travail de coopération entre des nations hier ennemies jurées. La promesse de paix n’est pas rompue — pas encore –, mais il ne faut pas perdre de vue que la plus grande menace est la gronde des citoyens en colère et son instrumentalisation par des illusionnistes politiques. Le 7 mai, l’un des choix proposés par ces derniers aux Français est d’en finir avec la construction politique de l’Union européenne. Les perdants deviendront-ils alors les gagnants ? Rien n’est moins sûr.

Dans cet entre-deux tours, la crainte de ceux qui sont attachés à la construction européenne se nourrit de l’ambivalence d’une partie de l’électorat et de certains de ses représentants. Ces derniers se retrouvent, pour une grande partie, derrière une certaine France animée de la rage de se sauver seule, imperméable aux battements du monde, incapable de solidarité européenne et hostile à tout compromis.

Les pressions et contraintes qui s’exercent sur nos responsables nationaux aujourd’hui sont par essence plus larges et plus fortes que du temps de la France puissance coloniale et industrielle… même la Corée du Nord ne peut pas s’isoler du monde. Cela s’explique par le fait que le changement climatique, les migrations, les épidémies, les mafias, le terrorisme et même les échanges sont par nature transnationaux ; ils ne respectent pas plus les frontières qu’un nuage radioactif en provenance de Tchernobyl.

La mondialisation peut et doit-être régulée. Et cela ne peut se faire qu’avec ceux qui en connaissent ses rouages, mais aussi avec ceux qui la critiquent, même violemment. Évidemment, il est plus aisé de simplement déclarer la guerre à la mondialisation et même de faire comme si elle n’existait pas…

Le 7 mai, il faudra choisir entre une France croyant se protéger du monde hostile par d’invisibles lignes Maginot, écartelée entre le sentiment de sa soi-disant grandeur passée et la conscience de ses faiblesses et la France de la Révolution, de la démocratie, de l’innovation, du progrès et des Lumières ; une République consciente de la force de son idéal et du message qu’elle veut donner au monde.

Dans le tumulte et la confusion des invectives sur l’abstention des uns ou le vote blanc des autres, il est trop dangereux de perdre de vue certains enjeux. Plus que jamais, le 7 mai prochain conclura une bataille farouche entre deux visions de l’avenir, deux idées de la France.

Deux France pour deux avenirs, car l’enjeu de ce 7 mai, c’est celui de la place de notre pays dans le monde : rejoindre une version du nationalisme identitaire, mâtiné de discours social hypocrite ? Ou bien résister à la tentation du pire et consolider la maison commune européenne ? À la fois sexagénaire et hésitant, l’idéal européen n’est plus dans l’enthousiasme de la jeunesse. Toutefois, le changement climatique, le dumping fiscal et social, le protectionnisme, le nationalisme étroit, la remise en cause de nos valeurs nous menacent tous et, il serait sage de se donner les moyens d’être force de propositions plutôt que de se replier sur ses frontières nationales.

Le monde a les yeux rivés sur la France, car, le 7 mai, va s’y jouer l’avenir d’une certaine idée de la France et d’une certaine idée de l’Europe ; les deux emmêlés. Le plus difficile est de le faire de façon harmonieuse : l’Europe est l’avenir de la France, non pour s’y perdre, mais pour y gagner l’influence qui lui ferait défaut si elle se séparait de ceux qui partagent ses idéaux. Rester dans l’Europe non pour s’y dissoudre, mais pour s’y trouver et retrouver les siens ; choisir de patiemment tirer sur les bons fils et non pas de se couper du monde. Le 7 mai, c’est aussi pour cela qu’il faudra voter… en toute connaissance de cause.

Le Collectif EuropaNova

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