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Présidentielle en Iran: mode d’emploi

Le Vif

Le scrutin pour l’élection présidentielle iranienne s’est ouvert ce vendredi matin. Qui sont les candidats en lice pour ce scrutin en Iran? Comment ont-ils été sélectionnés? Quel est le véritable enjeu de ce rendez-vous électoral?

Qui vote pour quoi?

50,5 millions d’électeurs, sur un total de 75 millions d’habitants, sont appelés aux urnes pour la présidentielle Iran, ce vendredi 14 juin, pour remplacer le président sortant Mahmoud Ahmadinejad. Sur cet électorat, certaines estimations évaluent la proportion des jeunes de 18 à 35 ans à la moitié des électeurs, en vertu de la transition démographique que vit l’Iran aujourd’hui. Reste à savoir quelle proportion d’entre eux se rendra aux urnes et quelle proportion s’abstiendra.

Le président qu’ils doivent élire est le deuxième personnage de l’État, selon la constitution. Les dossiers stratégiques, comme le nucléaire, sont toutefois sous l’autorité directe du Guide de la révolution, Ali Khamenei. Le président est élu au suffrage universel direct, pour un mandat de 4 ans, renouvelable une fois. Parallèlement à la présidentielle, les Iraniens votent aussi pour des élections locales, ce qui pourrait favoriser le taux de participation. Un deuxième tour est possible le 21 juin.

Le précédent de 2009

Le précédent scrutin, en juin 2009, a donné lieu à un vaste mouvement de protestation durement réprimé après la réélection considérée comme frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad, dès le premier tour, face notamment aux candidats réformateurs Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, qui sont depuis en résidence surveillée.

Comment ont été sélectionnés les candidats?

Le Conseil des gardiens de la Constitution n’a validé que huit candidatures, le 22 mai, sur plus de 600 inscrits. Bien que la constitution n’interdise pas formellement qu’une femme se présente, aucune des trente femmes qui ont postulé n’a été retenue, en dépit de la place toujours plus forte qu’elles occupent dans le pays, notamment en termes d’éducation.

Deux figures majeures ont été écartées par le conseil des gardiens de la constitution: l’ancien président Hachémi Rafsandjani, qui aurait probablement fait trop d’ombre au Guide de la révolution Ali Khamenei, et le candidat pro Ahmadinejad Esfandyar Rahim Mashaie. Sans doute le guide voulait-il éviter un nouveau bras de fer comme celui qui l’a opposé au cours de ces deux dernières années au président sortant, l’ancien protégé sorti de nulle part qui a osé ensuite défier son mentor.

Des huit candidats retenus, deux ont jeté l’éponge avant le scrutin, le conservateur Gholam-Ali Hadad-Adel, et le seul candidat considéré jusque-là comme réformateur, Mohammad Reza Aref. Il a choisi de se désister au profit du candidat modéré Hassan Rohani, afin de permettre à ce dernier, mieux placé que lui dans la course, d’avoir une chance d’accéder au second tour.

Qui sont les favoris?

CONSERVATEURS

Saïd Jalili(47 ans).

Le plus jeune des candidats est l’actuel secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale. Considéré comme un proche d’Ali Khamenei, il est son représentant direct dans les négociations avec les grandes puissances sur le programme nucléaire iranien. Saïd Jalili est un vétéran de la guerre Iran-Irak (1980-88) durant laquelle il a perdu une partie de sa jambe droite. Cet apparatchik est soutenu par les ultra-conservateurs qui saluent sa fermeté dans le dialogue avec les grandes puissances. Une intransigeance que lui reproche d’ailleurs son rival Ali Akbar Velayati, ou plutôt « l’inefficacité de son intransigeance », comme le relève Fariba Adelkhah, chercheuse au CERI-SciencesPo. Son caractère effacé et son absence de réseaux fait de lui le profil idéal aux yeux du Guide, selon certains observateurs.

Mohammad Bagher Qalibaf

Originaire de Machhad, ville sainte du nord-est de l’Iran, ce technocrate de 51 ans peut se prévaloir de son bilan positif à la tête de la mairie de Téhéran depuis huit ans, ce qui explique sa popularité dans la capitale. Son passage à la tête de la police a également permis d’améliorer l’image et le professionnalisme des forces de l’ordre. Ancien commandant des Gardiens de la révolution, l’armée d’élite du régime, il a également dirigé l’armée de l’air de cette force et « jouit de son aura de héros de la guerre Iran-Irak (1980-1988) », souligne Bernard Hourcade, chercheur au CNRS. « Au moment des émeutes de 2009, il a tenu une position relativement modérée, précise Bernard Hourcade, au point qu’il y a un an, certains membres de la mouvance des « verts » (réformateurs) déclaraient qu’il serait le moins mauvais candidat à leurs yeux » si aucun des leurs n’était autorisé à se présenter. Mais c’était avant que Hassan Rohani n’occupe cette place.

Ali-Akbar Velayati

A 67 ans, ce pédiatre de formation a passé plus de 16 ans (1981-1997) à la tête du ministère des Affaires étrangères avant de devenir conseiller pour les affaires internationales auprès du guide suprême. Ali-Akbar Velayati, l’un des piliers de la République islamique montre une certaine volonté de changement de diplomatie face à l’Occident dans le dossier nucléaire afin de réduire l’effet des sanctions. Il a formé une « Alliance pour le progrès » avec Mohammad Bagher Qalibaf.

Mohsen Rezaïe (58 ans), ancien chef des Gardiens de la révolution, a déjà été candidat à la présidentielle en 2005 et 2009, où il avait seulement obtenu 1,7% des voix.

MODÉRÉS

Hassan Rohani

Seul religieux parmi les candidats, celui qui est devenu le candidat de secours des réformateurs est un proche de l’ex-président Hachémi Rafsandjani. Âgé de 64 ans, il est surtout connu pour avoir dirigé les négociations nucléaires entre l’Iran et les grandes puissances sous la présidence du réformateur Mohammad Khatami jusqu’en 2005. En 2003, lors de négociations avec les ministres des Affaires étrangères de la France, de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, Hassan Rohani avait accepté la suspension de l’enrichissement d’uranium et l’application du protocole additionnel au Traité de non-prolifération(TNP), permettant des inspections inopinées des installations nucléaires de Téhéran. Désormais, les partisans du « mouvement vert » de 2009 placent leurs espoirs en lui.

Mohammad Gharazi, (72 ans) est un ancien ministre du Pétrole et des Télécommunications. Il a déclaré qu’il n’avait « ni argent, ni porte-parole, ni structure de campagne ».

Quel est le véritable enjeu de cette élection?

« Fondamentalement, explique Bernard Hourcade, tous les candidats ont tous le même objectif stratégique: l’ouverture vers les Etats-Unis, la remise en ordre de l’économie, en finir avec les sanctions internationales qui pèsent sur l’économie et enfin trouver une solution à la question nucléaire ». Vaste programmme…

par Adèle Moreno

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