À Douma, à l'est de la capitale Damas. © AFP/Abd Doumany

Premières frappes françaises en Syrie

La France a mené ses premières « frappes » contre le groupe Etat islamique (EI) en Syrie, au nom de sa « sécurité nationale » et après deux semaines de vols de reconnaissance au-dessus du territoire syrien.

La France « a frappé en Syrie », a annoncé dimanche la présidence française dans un communiqué. « Nous l’avons fait sur la base de renseignements collectés au cours des opérations aériennes engagées depuis plus de deux semaines ».

Le communiqué ne précise ni l’objectif ni la localisation de ces frappes françaises, les premières en Syrie.

Elles ont été faites « dans le respect de notre autonomie d’action, en coordination avec nos partenaires de la région », selon l’Elysée, qui souligne qu’elles confirment la détermination à « lutter contre le menace terroriste que constitue Daech » (acronyme arabe de l’EI).

« Nous frapperons à chaque fois que notre sécurité nationale sera en jeu », a ajouté la présidence.

Jusqu’alors, la France s’était interdit d’intervenir militairement en Syrie, craignant que cela ne serve les intérêts du président syrien Bachar al-Assad dont Paris réclame le départ, le jugeant principal responsable de la guerre dans son pays.

Mais « la donne a changé et nous ne pouvons plus nous permettre de laisser la Syrie, principal repaire de Daech, demeurer un angle mort de notre politique au Levant », avait argumenté mi-septembre le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, pour justifier ce changement stratégique.

La France avait lancé le 8 septembre des vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie. Depuis un an, elle mène une campagne de bombardements sur l’Irak voisin (opération Chamal, avec près de 215 frappes et 344 objectifs détruits selon l’état-major), et a ainsi étendu ses opérations au théâtre syrien.

Selon Paris, qui a exclu toute intervention terrestre, ces frappes en Syrie ont pour objectif de prévenir des actes terroristes en Europe et se justifient par la légitime défense.

Elles viseront, de façon ciblée, des centres de commandements, des camps d’entraînement et la logistique du groupe jihadiste.

L’annonce des premiers vols de reconnaissance sur le théâtre syrien avait été faite en pleine crise des réfugiés syriens en Europe, alors que certains responsables politiques assurent que des bombardements sur l’EI pourraient aider à tarir le flot de ces réfugiés.

Depuis un an, et au 22 septembre, la coalition internationale menée par les Etats Unis a bombardé près de 7.000 fois (4.444 frappes sur l’Irak, et 2.558 sur la Syrie), selon les chiffres du commandement américain. Près de 80% de ces frappes ont été menées par l’aviation américaine.

Jusqu’à présent, cette campagne aérienne de la coalition est loin d’avoir donné les résultats escomptés. En Irak, aucune ville d’importance n’a été reprise par les forces progouvernementales. En Syrie, si l’EI a été contenu en zone kurde, le long de la frontière turque, les jihadistes se sont emparés de Palmyre en mai et ont progressé récemment dans la région d’Alep, menaçant dangereusement les voies d’approvisionnement vers la Turquie d’autres groupes rebelles.

Sur le plan diplomatique, après plus de quatre ans d’un conflit meurtrier qui a fait près de 240.000 morts, l’impasse reste totale, entre les tergiversations du camp occidental, les soutiens turcs, saoudiens, et qataris à une myriade de groupes rebelles sunnites, face au régime de Bachar al-Assad, qui montre de très nets signes d’épuisement mais bénéficie plus que jamais du soutien de l’Iran et surtout de la Russie, en pleine montée en puissance sur le théâtre syrien.

Moscou a ainsi renforcé ces dernières semaines ses moyens militaires – notamment aériens – dans la région de Lattaquié (ouest), bastion du régime. Et le président Vladimir Poutine se prépare à annoncer un vaste plan pour la Syrie, avec la mise en place d’une coalition élargie, officiellement pour combattre l’EI, qui aura surtout pour effet de remettre en selle le président Bachar al-Assad, aujourd’hui paria de la communauté internationale pour les terribles violences infligées à son peuple.

Pour Paris, qui refusait jusqu’à présent tout compromis avec Bachar, « le chaos syrien doit trouver une réponse globale », a estimé dimanche la présidence française, alors que beaucoup voient dans les bombardements français en Syrie un réalignement, voire un net infléchissement de la position française en faveur du régime.

« Les populations civiles doivent être protégées contre toutes les formes de violence, celles de Daech et des autres groupes terroristes, mais aussi contre les bombardements meurtriers de Bachar al-Assad », a insisté l’Elysée.

« Plus que jamais, l’urgence est à la mise en place d’une transition politique, qui associe des éléments du régime et de l’opposition modérée(…) », selon la présidence.

Les premières frappes françaises en Syrie interviennent alors que le président François Hollande est à New York dimanche et que s’ouvre lundi la 70e Assemblée générale de l’ONU. Elles replacent opportunément la France dans le grand jeu diplomatique sur la Syrie qui s’annonce dans les couloirs des Nations unies.

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