© Belga

Poutine face à Hollande et Merkel, USA en peine de stratégie

Le Vif

Les Russes ont affirmé vendredi avoir frappé le fief du groupe Etat islamique (EI) en Syrie, juste avant des discussions entre le président Vladimir Poutine et les dirigeants français et allemand sur les raids aériens menés par Moscou, dont les objectifs suscitent la controverse.

Selon le ministère russe de la Défense, des bombardiers tactiques Soukhoï-34 ont frappé notamment un « poste de commandement qui était camouflé à Kasrat Faraj, au sud-ouest de Raqa ». Les bombardements ont également visés les provinces d’Alep et d’Idleb.

« Les frappes russes ont visé jeudi soir la périphérie ouest de la ville de Raqa et la région où se trouve l’aéroport militaire de Tabqa, plus au sud-ouest, tuant au moins 12 jihadistes », a confirmé à l’AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

Cette annonce intervient alors que Washington et ses alliés soupçonnent la Russie de s’en prendre surtout aux opposants de son allié Bachar al-Assad, dans le nord-ouest du pays où l’EI est peu présent. Moscou, de son côté, affirme lutter contre l’EI et « tous les autres groupes terroristes ».

.

Sort du président syrien

Le président français est opposé à son homologue russe sur le sort à réserver au président Bachar al-Assad. Paris l’accuse d’être le principal responsable du chaos en Syrie et veut le voir partir au plus vite, Moscou qui le soutient juge au contraire qu’il faut l’aider à lutter contre l’EI.

La Russie reproche pour sa part à la France d’avoir lancé dimanche des frappes aériennes sur la Syrie au nom de la « légitime défense », estimant n’avoir « pas de preuves » que des attentats contre Paris se préparent depuis la Syrie.

Déclenché en mars 2011, le conflit syrien, déjà très complexe, a pris un tournant avec l’implication des Russes. Une coalition d’une cinquantaine de pays pilotée par les Etats-Unis, et à laquelle la Russie ne participe pas, a effectué depuis un an des milliers de frappes contre l’EI en Syrie et en Irak. Mais sans en venir à bout.

De ce fait, le ciel syrien est encombré par les missions de la coalition, les raids de l’aviation syrienne et désormais les Russes qui ont déployé plus de 50 avions et hélicoptères.

La campagne de frappes aériennes russes va durer « trois à quatre mois » et s’intensifier, a précisé vendredi le président de la Commission des Affaires étrangères de la Douma (chambre basse du Parlement russe), Alexeï Pouchkov.

Afin de se coordonner et d’éviter des incidents entre leurs aviations, Washington et Moscou ont eu jeudi, par vidéo-conférence, une première réunion entre militaires. Rien n’en a filtré jeudi soir et « aucun nouveau rendez-vous » n’a été fixé, selon le ministère américain de la Défense.

USA en peine de stratégie

Le secrétaire d’Etat américain John Kerry, à New York, a annoncé d’autres discussions militaires russo-américaines « dans les prochains jours ».

Prise de court par l’action russe, l’administration américaine démocrate s’attire les foudres des républicains. Le sénateur John McCain a même accusé les Russes d’avoir bombardé des rebelles syriens formés par la CIA.

De fait, un groupe soutenu par Washington, Souqour al-Jabal, a affirmé avoir été visé par des missiles russes.

D’après une source de sécurité syrienne, les avions de Moscou ont ciblé à Idleb et Hama « l’Armée de la conquête », une coalition regroupant le Front Al-Nosra (branche syrienne d’Al-Qaïda) et des groupes islamistes et qui combat à la fois Damas et l’EI.

L’EI est absent à Idleb, sa présence est marginale à Hama, et à Homs il ne se trouve que dans la région désertique et à Palmyre.

Selon des experts, Moscou tente de réduire la pression rebelle sur les territoires tenus par le régime syrien dans l’ouest et le centre du pays.

Parallèlement à son action militaire, la Russie a distribué au Conseil de sécurité de l’ONU un projet de résolution antiterroriste qui associerait Damas à une coalition internationale élargie contre les jihadistes.

Washington est de son côté en peine de stratégie pour régler un conflit qui a fait plus de 240.000 morts, détruit la Syrie et provoqué une crise migratoire sans précédent depuis plus d’un demi-siècle.

Une réunion à Paris pour faire avancer la paix en Ukraine

Les dirigeants français, russe, allemand et ukrainien travaillaient vendredi à Paris à faire avancer la paix en Ukraine, ex-république soviétique meurtrie par un an et demi d’un conflit séparatiste que Moscou est accusé d’avoir alimenté. Les discussions, qui se tiennent dans l’ombre du conflit syrien au coeur d’un intense agenda diplomatique, pourraient déboucher sur un allègement dans les prochains mois des sanctions qui étranglent la Russie. « Je vous garantis que nous n’allons pas y passer la nuit », a lancé M. Hollande au dirigeant ukrainien au début d’un entretien bilatéral avant la réunion, en référence au précédent sommet quadripartite à Minsk en février où les négociations avaient duré 17 heures. « Pourquoi pas ! », a répondu en français son homologue, suscitant des rires parmi les délégations. « Il ne tient qu’à toi ! », a rétorqué sur le même ton François Hollande. Lors de cet entretien, M. Hollande a accepté une invitation à se rendre en Ukraine, selon le site internet de la présidence ukrainienne. Les deux hommes ont évoqué la situation dans la région industrielle du Donbass mais aussi dans la péninsule de Crimée annexée par la Russie l’an dernier.

Avant l’entame des travaux formels, un café a réuni les quatre responsables avec leurs conseillers sur la terrasse ensoleillée du Palais de l’Elysée, côté jardin, selon l’entourage du président français. Depuis leur première rencontre le 6 juin 2014 en Normandie (France) pour tenter de résoudre une crise qui a déclenché les pires tensions entre la Russie et les Occidentaux depuis la Guerre froide, les quatre dirigeants s’étaient déjà retrouvés dans ce format à deux reprises. Pour l’Ukraine, « le temps presse. Il faut travailler au plus haut niveau, créer un climat, +booster+ l’ensemble pour essayer de lever les obstacles » à l’application concrète des accords de Minsk 2 d’ici à la fin décembre, avait-on expliqué avant la rencontre de source diplomatique française. Ces accords, conclus entre les mêmes protagonistes le 12 février dans la capitale bélarusse, visent à mettre fin à un conflit opposant les rebelles prorusses à l’armée ukrainienne, qui a fait plus de 8.000 morts dans l’Est ukrainien depuis avril 2014. Le conflit ukrainien a conduit à l’isolement de la Russie, accusée d’avoir envoyé soldats et armes pour soutenir les rebelles du Donbass et visée depuis par de lourdes sanctions occidentales.

‘Normalisation’

« Beaucoup a été fait depuis (Minsk). Le plus important, le plus spectaculaire mais aussi le plus fragile, c’est le cessez-le-feu », souligne-t-on de source française. « L’ultime point des accords de Minsk, c’est la +normalisation+ en Ukraine, c’est-à-dire le retrait des forces stationnées dans ce pays et la sécurisation de la frontière russo-ukrainienne », dont 400 kilomètres sont aujourd’hui aux mains de séparatistes, ajoute-t-on de même source. Cette normalisation passe aussi par des élections locales, qui permettraient de réintégrer le Donbass séparatiste dans l’ensemble ukrainien, et par l’octroi d’une plus grande autonomie à cette région dans le respect de la Constitution ukrainienne. Ce processus politique, censé aboutir d’ici à la fin de l’année, avance très difficilement, les séparatistes entendant organiser les élections locales selon leurs propres règles et le Parlement restant divisé à Kiev sur le vote des mesures d’autonomie. Le pouvoir pro-européen de Kiev réclame l’annulation des élections programmées par les séparatistes le 18 octobre à Donetsk et le 1er novembre à Lougansk ainsi que la libération de tous les prisonniers, dont la pilote militaire Nadia Savtchenko, au centre d’un procès très controversé en Russie. Moscou pourrait de son côté espérer un allègement des sanctions qui pèsent fortement sur son économie si les accords de paix se concrétisent d’ici la fin de l’année. Les Européens doivent décider en décembre s’ils poursuivent cette politique de sanctions et selon quel format.

Ce sujet, qui inquiète au plus haut point les Ukrainiens, a été abordé lors d’un entretien téléphonique jeudi de MM. Hollande, Porochenko et Mme Merkel, a indiqué à l’AFP un responsable ukrainien sous couvert d’anonymat. Kiev redoute que Moscou n’utilise la crise syrienne pour détourner l’attention de l’Ukraine et que les Occidentaux ne baissent la garde sur les sanctions s’ils coopèrent avec la Russie sur d’autes dossiers. « La position de la France c’est que les sanctions doivent être levées si (l’accord de) Minsk est mis en oeuvre. C’est la même que celle de l’Allemagne et de l’Union européenne », a assuré un diplomate français.

Le vice-chancelier allemand, le social-démocrate Sigmar Gabriel, a redit de son côté vendredi qu’il fallait tendre la main aux Russes et lever progressivement les sanctions, l’Occident ayant besoin du Kremlin dans d’autres crises, notamment en Syrie.

Avec AFP

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire