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Pourquoi la guerre commerciale entre la Chine et Trump est-elle dangereuse pour Charles Michel ?

La semaine prochaine débute une nouvelle manche dans la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. Quelles sont les conséquences pour la Belgique ? Et est-ce le prélude d’une véritable guerre ?

Connaissez-vous « la chute de Thucydide » ? Au cinquième siècle avant Jésus Christ, cet historien grec raconte comment Athènes a détrôné Sparte et est devenu le centre de gravité de la civilisation grecque. Leur rivalité a entraîné une guerre de trente ans. C’est ainsi qu’on aboutit à la chute de Thucydide : de grandes puissances qui gagnent en pouvoir se heurtent à des grandes puissances qui perdent du pouvoir, et cela dégénère souvent en guerre. Il s’avère difficile d’échapper à ce piège.

Les États-Unis et la Chine vont-ils suivre la même voie ? La guerre commerciale est-elle le prélude d’une véritable guerre ? En tout cas, aucune des deux grandes puissances ne semble vouloir céder, au contraire. Dès le 23 août, les deux pays instaurent de nouvelles taxes, annoncent-ils. Les Américains relèveront les tarifs d’importation sur 33 groupes de produits chinois de 10 à 25% ; les Chinois prélèveront 25% sur une quantité similaire de produits américains, dont le diesel, le charbon, l’acier et la technologie médicale. C’est oeil pour oeil, dent pour dent.

Les États-Unis souffrent d’un déficit commercial d’environ 800 milliards de dollars, rien que par rapport à la Chine le déficit est de 350 milliards de dollars. En d’autres termes, l’Amérique importe beaucoup plus qu’elle n’exporte. Et cela dérange le président Donald Trump. Il souhaite que ses compatriotes achètent des produits américains. Comme il augmente les tarifs étrangers et chinois, ils deviennent plus chers et moins attrayants aux États-Unis. C’est l’America First en pratique. En augmentant les tarifs, Trump souhaite également mettre les Chinois sous pression, afin qu’ils répondent rapidement à son exigence d’autoriser les produits américains sans trop d’entraves sur le marché chinois, ce qui doit donner encore plus d’ailes aux entreprises et à l’économie chinoises. Et c’est ainsi que cet autre slogan de Trump ‘ Make America Great Again’, devient réalité.

L’astuce de négociation de Trump est connue: miser haut et mettre l’adversaire sous pression pour engranger un maximum. C’est ainsi qu’il a eu ce qu’il voulait de la part de l’Union européenne : il a menacé de relever les taxes d’importation sur les voitures européennes à 25%. Cela aurait surtout touché durement l’économie allemande. On craignait également que Trump divise l’UE. Alors les États-Unis auraient pu conclure des accords commerciaux avec chaque pays séparément, et en tant que grand pays tirer à chaque fois son épingle du jeu. À la fin du mois dernier, le président de la Commission Jean-Claude Juncker s’est précipité à Washington pour conclure un accord commercial, scellé par un baiser sur la joue du président. Résultat : l’UE embarquera plus de gaz des États-Unis et en échange, Trump retire sa menace. Mission américaine réussie et l’Europe ne gagne rien.

Par rapport aux Chinois, c’est plus difficile. Ils agissent plus de concert et économiquement, ils sont beaucoup plus forts que l’Europe. Et la faim américaine de produits chinois semble insatiable. Le mois dernier, les exportations chinoises vers les États-Unis ont augmenté de plus de 12% comparé à l’année précédente. Cela n’indique que la guerre commerciale n’a pas encore vraiment commencé. Reste à voir si elle peut être évitée. Elle toucherait durement l’Europe, car nous avons beaucoup d’importations et d’exportations. En Allemagne, la nervosité se ressent déjà. Les entreprises allemandes ont investi pour 400 milliards d’euros aux États-Unis et pour 80 milliards en Chine. Elles souffrent des tarifs imposés : 41% des entreprises allemandes en Chine paient déjà des tarifs plus élevés quand elles exportent aux États-Unis, alors que 46% doivent payer des tarifs plus élevés quand elles importent depuis les États-Unis.

La Belgique est une petite économie ouverte. Nous sentirions rapidement des conséquences d’une guerre commerciale. Sur le plan économique, notre pays est décrit comme le dix-septième état fédéré d’Allemagne – si nos voisins de l’est souffrent, nous aussi on souffre. Nous avons eu un semestre relativement faible : au premier et au deuxième trimestre de 2018, notre économie a progressé chaque fois d’0,3%. Pour toute l’année, les économistes comptent sur 1,8% de croissance. Si la guerre commerciale éclate, ce chiffre sera difficile à atteindre. Et aujourd’hui, une grande partie de notre progrès, tel que la baisse du chômage, un budget plus sain, la diminution de la dette publique, est basée sur cette croissance économique et pas tant sur la politique. Si elle ne se produit pas, beaucoup de choses risquent d’être compromises. Et cela un an avant les élections nationales et régionales.

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