Hillary Clinton est en bonne voie pour remporter les primaires démocrates. © AFP

Pourquoi Clinton aujourd’hui et pas en 2008 ?

Stagiaire Le Vif

La candidate démocrate à l’élection présidentielle devrait vraisemblablement être opposée à Donald Trump à l’issue des primaires. Pourtant, l’ex First Lady, ultra favorite dès le début de la campagne, se voit petit à petit freiner dans sa course. Est-elle en si bonne position par rapport à 2008 ?

Lors des primaires démocrates pour l’élection présidentielle de 2008, Hillary Clinton avait dû se confronter à la montée en puissance fulgurante d’un certain Barack Obama, alors qu’elle était déjà donnée favorite à l’époque. Les deux candidats se sont vite montré les plus sérieux dans la course à l’investiture de leur parti. Sur les 56 votes des primaires, l’actuel et 44e Président des Etats-Unis en avait remporté 35, contre 21 pour l’ancienne sénatrice de l’Etat de New York. En nombre de délégués, l’écart semblait plus minime : 2015 pour Clinton contre 2277 pour Obama, suffisants à l’époque pour être désigné candidat face à John McCain pour le parti républicain.

Si l’actuelle favorite à l’élection présidentielle n’a pu gagner en 2008, c’est, entre autres, à cause de son adversaire. L’ascension exceptionnelle d’un homme politique comme Obama, jusqu’ici complètement inconnu du grand public, conjugué à son charisme et au vent de changement qu’il semblait insuffler, ont eu raison de la défaite de Clinton. Mais pas que.

Aujourd’hui, la donne a-t-elle vraiment changé ?

Sauf retournement de situation improbable, Hillary Clinton va remporter la primaire démocrate aux dépens de son adversaire, Bernie Sanders, qui, même si rien n’est encore terminé, se sera montré un adversaire des plus coriaces pour celle qui était encore donnée gagnante d’avance. Bernie Sanders, encore inconnu du grand public il y a quelque temps à peine, a mené une campagne impressionnante et inattendue, et insufflé un vent de changement, qui a freiné le parcours de Clinton.

« Même s’il est presque acquis qu’elle sera la candidate démocrate pour l’investiture, Clinton aura été très concurrencée par Bernie Sanders. Pour moi, Si Donald Trump n’avait pas bénéficié de toute cette couverture médiatique (et fait de l’ombre à Sanders), conjuguée au vote des super-délégués, qui sont des élus de l’establishment… qui votent pour des candidats issus de l’establishment évidemment (donc Clinton, NDLR), Sanders l’aurait probablement emporté », nous confie Charles Voisin, spécialiste de la politique américaine.

Il y a encore quelques mois, il ne faisait presque aucun doute que Clinton allait devenir le 45e Président des Etats-Unis. Son réseau, son CV et l’expérience acquise aux côtés de son mari plaidaient en sa faveur. Et puis surtout parce qu’elle n’avait aucun concurrent sérieux dans son camp, à ce moment-là.

« Il y a quelque temps, Clinton était seule en course, car elle était la plus « légitime ». Beaucoup de gens avaient compris que c’était son tour. Elle devait faire tomber le plafond de verre et devenir la première femme à être élue Présidente des USA. Mais son succès aujourd’hui est quand même très relatif », poursuit Charles Voisin.

En effet, plus la campagne avance, plus Hillary Clinton semble fragilisée. Cette élection est totalement différente des précédentes, voire hors-normes. Cette fois-ci, et ce ne sont pas les montées en puissance de Trump et Sanders qui le contrediront, on assiste à un vote massivement anti-élites et anti-establishment. L’expérience de Clinton (comparée à celles des deux précités) n’est plus perçue comme un atout, mais bien comme un défaut.

« Clinton est la plus qualifiée, mais, aussi incroyable que cela puisse paraître, cela joue contre elle, car les électeurs semblent se détourner des politiciens de carrière. On assiste à une révolte populaire contre l’establishment dans les deux partis. De son côté, Trump multiplie les déclarations scandaleuses sans que rien ne l’atteigne. Au contraire il semble renforcé à chaque fois. C’est vu comme de l’indépendance d’esprit. D’ordinaire une campagne ne se remet pas de ce genre de scandales », déclare M. Voisin.

Les Américains veulent du changement et un renouvellement de leur classe politique. Nombreux sont ceux qui soutiennent des candidats qui n’ont pas l’habitude de l’exercice du pouvoir. Clinton incarne quant à elle l’image du « passé ». En 2008, le ras-le-bol grondait déjà et la population était ouverte au changement, mais refusait de voir se succéder pendant 25 ans la dynastie Bush-Clinton. En 2008, Obama a pu profiter de cette envie de renouveau, alors que l’ex secrétaire d’Etat subissait « l’usure du pouvoir ». En 2016, les gens n’ont pas voulu de l’affiche qui s’annonçait pourtant au début inévitable : le duel Hillary Clinton-Jeb Bush.

Des similitudes entre 2008 et 2016

En 2008, la candidate démocrate était déjà critiquée pour son engagement en faveur de l’intervention américaine en Irak. Huit ans plus tard, Bernie Sanders ne se prive pas lui non plus de tacler son adversaire sur le même sujet.

Pour Charles Voisin, on peut distinguer plusieurs « défauts » qui collent à la campagne de Clinton, tant cette année qu’en 2008 :

« Son opportunisme politique tout d’abord. Elle ne retourne pas sa veste, mais attend toujours le bon moment pour prendre position sur un sujet, comme sur le Traité transatlantique notamment. Si Bernie Sanders n’avait eu le succès qu’il a actuellement, il y a fort à parier qu’elle ne se serait pas récemment prononcée contre ce projet. Sur le mariage gay par exemple, elle a changé d’avis en 2013, sujet auquel elle était précédemment opposée. En 2008, c’était pareil, elle a attendu avant de prendre position sur le fait d’accorder ou non le permis de conduire aux immigrés clandestins ».

M. Voisin estime que Clinton n’inspire pas confiance, et pointe son manque d’honnêteté et d’authenticité :

« L’affaire des e-mails en est une preuve. En 2008, elle invente qu’à son arrivée en Bosnie, elle a dû essuyer des tirs depuis sa voiture, ce qui était complètement faux. Selon les sondages, 6 Américains sur 10 ne trouvent pas Clinton honnête et digne de confiance ».

Clinton a tout de même de bonnes chances de l’emporter

Quoi qu’il en soit, même si Hillary Clinton doit aujourd’hui composer avec une concurrence rude, un climat changeant et une défiance pour le pouvoir établi dans son pays, elle semble tout de même en position de force pour la victoire finale. Même si, récemment, plusieurs Etats ont été remportés par Sanders, l’investiture démocrate ne semble désormais plus pouvoir échapper à l’ex-Première Dame. A première vue, l’écart n’a pas l’air si important entre les deux candidats (1251 délégués pour Clinton, 1012 pour Sanders), mais les « super-délégués » auront raison de la défaite du sénateur de 74 ans. Ceux-ci sont des élus, des personnalités du parti ou des bailleurs de fonds qui votent pour qui ils veulent lors de la convention nationale du parti. Et à ce petit jeu-là, Clinton écrase littéralement son adversaire : 482 à…27. Pour l’emporter, Sanders doit gagner avec 16 points d’écart lors de tous les prochains scrutins. Or il est très peu probable qu’il gagne avec une marge pareille dans des états comme New York, la Californie, le New Jersey ou la Pennsylvanie, où l’électorat est plus favorable à Clinton.

Malgré les nombreux obstacles qui se dressent devant elle, Clinton peut toujours autant compter sur ses soutiens indéfectibles, comme les minorités notamment, là où le parti républicain ne glane que peu de succès.

« Si on regarde les choses au point de vue démographique, le parti républicain a un problème que Trump ne fait que renforcer. Électorat trop blanc, protestant et masculin. Par contre, le milliardaire américain est très fort avec les cols bleus. Il pourrait capter ce vote aux dépens des démocrates comme Ronald Reagan en 80 », ajoute Charles Voisin. Il termine : « Hillary Clinton va certainement remporter la nomination démocrate cette fois, et elle a de bonnes chances de remporter la présidentielle face à (normalement) Trump. Mais rien n’est joué, car sa personnalité ne plaît pas ».

La situation est plutôt paradoxale. En 2016, Hillary Clinton doit composer avec bien plus de paramètres qu’en 2008, où elle a été battue par Barack Obama pour l’investiture du parti démocrate, alors qu’elle semble cette fois-ci mieux partie et bien mieux placée pour briguer, dans un premier temps, l’investiture démocrate, et dans un deuxième temps, la Présidence de son pays. Pour rappel, il faudra 2383 délégués pour être désigné candidat démocrate.

Maxime Defays

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