Bachar el-Assad © REUTERS

Pourparlers de paix : « Assad est plus fort et peut exploiter les négociations »

Astana, la capitale du Kazakhstan, est le théâtre de nouveaux pourparlers de paix sur le conflit en Syrie, sous la houlette de la Russie, la Turquie et l’Iran. L’arabiste Chams Eddine Zaougui estime toutefois qu’il ne faut pas s’attendre à une paix durable. « Il s’agit surtout d’une solution militaire pour un problème politique plus profond ».

Cette nouvelle conférence de paix doit permettre à la Russie, la Turquie et l’Iran d’entreprendre une nouvelle tentative pour trouver une solution au conflit sanglant qui ravage la Syrie depuis près de six ans et qui a coûté la vie à près d’un demi-million de personnes et fait fuir plus d’onze millions de personnes.

« Concrètement, il faut d’abord consolider l’armistice conclu fin de l’année passée, mais mal respecté », explique l’arabiste Chams Eddine Zaougui à nos confrères de Knack.be Il suit la situation en Syrie et est l’auteur du livre « Dictators. Een Arabische geschiedenis ». (Dictateurs. Une histoire arabe – non paru en français) « Ensuite, il faudrait une solution politique. »

La concertation précédente sur la Syrie, sous l’égide des Nations-Unies, a été suspendue début 2016. Cette conférence a-t-elle plus de chances de réussir ?

Zaougui: La différence principale, c’est qu’entre-temps il y a eu quelques grands changements sur le terrain, qui donnent favorise Assad. Ainsi, Alep, la plus grande ville du pays et le dernier grand bastion des rebelles, est retombée aux mains du régime en décembre. Grâce au soutien des Russes et des milices chiites, Assad est en train de l’emporter. Et la Turquie, qui a toujours soutenu les rebelles contre Assad, s’est rapprochée de la Russie par considérations opportunistes : un état kurde autonome au nord de la Syrie serait plus problématique qu’Assad. Lors des conférences précédentes, le maintien d’Assad était non discutable pour l’opposition, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Sur le plan du contenu, c’est une différence cruciale. »

Pouvons-nous nous attendre à des résultats concrets?

« Le meilleur résultat possible de cette concertation c’est que le cessez-le-feu soit respecté. C’est là aussi le grand talon d’Achille : il s’agit d’une solution militaire pour un problème politique. S’il n’y a pas de réformes politiques crédibles, cela ne changera rien à la question plus profonde. Assad souhaite que les rebelles ploient définitivement et acceptent qu’il reste à son poste. En outre, le régime est en position d’exploiter les négociations à son avantage au détriment de l’opposition. Dans ce cas, il est impossible d’obtenir un accord équitable. Je crains qu’ainsi le sentiment de révolte se maintienne encore très longtemps ».

Outre l’État islamique et Jabhat Fatah al-Sham (l’ancien al-Nosra), les États-Unis sont également absents. En revanche, des membres des rebelles syriens armés assistent aux négociations.

« Les conférences précédentes étaient organisées par les États-Unis, les Nations-Unies et la Russie, aujourd’hui la Russie est aux premières loges. C’est également une rupture importante avec le passé et un peut-être un coup de chance pour Vladimir Poutine. Les Russes ont fait la différence sur le terrain et essaient de consolider cette nouvelle situation. Pour ce qui est des groupements terroristes tels que l’EI et Jabhat Fatah al-Sham : non seulement c’est inutile de les impliquer, mais en plus ils ne sont pas le plus grand problème d’Assad. C’est l’opposition qu’il veut faire plier. En outre, les djihadistes ont perdu une grande partie de leur légitimité auprès de la population. « 

« En revanche, le risque existe que l’opposition se sente de nouveau opprimée et cela peut donner de l’oxygène à l’EI. N’oublions pas que l’EI n’est pas connu chez nous depuis longtemps, mais que c’est un phénomène qui existe depuis plus de dix ans. Il a pu se développer suite aux frustrations consécutives de la répression installée par le gouvernement irakien après l’invasion des États-Unis en 2003. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire