Philippe Maystadt

Pour une Europe moins « gendarme »

Philippe Maystadt Ex-président de la BEI

L’euroscepticisme progresse. Dans plusieurs pays, des partis europhobes enregistrent des gains électoraux et, plus généralement, des sondages révèlent un désenchantement croissant à l’égard de l’Europe.

En réaction, les fédéralistes européens (entre autres, Guy Verhofstadt) multiplient les appels à négocier un nouveau traité « refondateur » et à constituer les « Etats-Unis d’Europe ». Si je puis souscrire au contenu de ces appels, je doute qu’ils soient entendus par des opinions publiques de plus en plus sceptiques.

Les fédéralistes européens sont en difficultés parce que la méthode « fonctionnaliste » conçue par Jean Monnet n’est plus adaptée. Cette méthode qui voulait que l’on passe « naturellement », pour des raisons fonctionnelles, de la Communauté du charbon et de l’acier au Marché commun, puis au marché unique, puis à la monnaie unique pour déboucher sur l’union politique, a permis de réaliser des transferts de souveraineté, mais sans que les citoyens l’aient eux-mêmes véritablement décidé. Cela ne marche plus aujourd’hui.

u003cstrongu003eIl faut que la Commission cesse d’apparaître comme le gendarme de l’austérité et montre que son objectif cardinal est la protection des citoyens. u003c/strongu003e

Les citoyens veulent pouvoir vérifier leur adhésion et ils ne diront pas oui s’ils ne sont pas convaincus qu’une action européenne commune donne de meilleurs résultats que la juxtaposition d’actions nationales lorsqu’il s’agit d’affronter les grands défis de ce siècle : migrations, terrorisme, réchauffement climatique, révolution numérique… Pour mener l’indispensable débat sur une « refondation » de l’Europe, l’image de l’actuelle Union européenne doit se modifier au préalable. Il faut que la Commission cesse d’apparaître comme le gendarme de l’austérité et montre que son objectif cardinal est la protection des citoyens.

Le premier préalable est en train de se réaliser, comme en témoignent les dernières décisions de la Commission en matière budgétaire : elle a refusé d’imposer des sanctions à l’Espagne en pleine campagne électorale et elle lui a donné un an de plus pour « rentrer dans les clous » ; elle a accordé une marge supplémentaire à l’Italie, justifiée par les dépenses de ce pays pour l’accueil des réfugiés ; elle a été conciliante à l’égard de la Belgique qui n’atteint pas ses objectifs, mais qui subit les conséquences des attentats ; elle se montre plus compréhensive envers la Grèce…

D’aucuns critiquent ce « laxisme » de la Commission ; ils lui reprochent de quitter son rôle de gardienne rigide des règles budgétaires pour tenir des raisonnements économiques et politiques. Mais c’est précisément ce que Jean-Claude Juncker avait annoncé dès son investiture : la Commission doit être plus politique, en ce sens qu’elle doit mieux tenir compte des réalités économiques et sociales.

Le second préalable est plus difficile à réaliser, notamment parce que les autorités nationales font écran entre la Commission et les citoyens. Les gouvernements ont trop souvent tendance à attribuer à « Bruxelles » la responsabilité des décisions impopulaires et à se parer des plumes des mesures positives, même lorsqu’elles ne sont que la transposition des directives européennes. Néanmoins, si la Commission pouvait obtenir un accord sur des mesures qui protégeraient mieux les citoyens sur le plan financier (une garantie commune des dépôts bancaires) et de leur sécurité (renforcement de Frontex ; création d’un embryon de FBI européen), cela permettrait de démontrer que l’intégration a des effets positifs et d’ouvrir le débat sur la « refondation » dans de meilleures conditions.

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