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Pollution radioactive: faut-il s’inquiéter ?

Muriel Lefevre

De la pollution radioactive a été détectée fin septembre par divers services météorologiques. La Russie jure pourtant mordicus qu’aucun accident nucléaire n’a eu lieu sur son territoire. Peut-on la croire ? Et si nuage radioactif il y a, est-ce grave ? Le point.

Entre le 26 septembre et le 1er octobre, des concentrations extrêmement élevées de ruthénium-106, un produit de fission issu de l’industrie nucléaire, ont été relevées par l’agence météorologique russe Rosguidromet dans le sud de l’Oural. Ce taux excédait même de 986 fois « les taux enregistrés le mois précédent ». L’agence météorologique russe précise encore que le ruthénium 106 se fixe à partir du 29 septembre « dans tous les pays européens, à partir de l’Italie et vers le nord de l’Europe ».

Des données qui inquiètent, car elles sont corroborées par des conclusions de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) français, un organisme indépendant, qui avait estimé début novembre, après une enquête, que la pollution radioactive détectée en Europe fin septembre avait son origine « entre la Volga et l’Oural ».

Un tel taux faisait craindre un accident nucléaire puisque la station en question se trouve à Arguaïach. Une ville située à proximité du complexe nucléaire Maïak, touché en 1957 par l’un des pires accidents nucléaires de l’histoire. Une panne du système de refroidissement d’une cuve avait alors provoqué le rejet de déchets nucléaires liquides qui avait touché 260.000 personnes et requis l’évacuation de plusieurs localités.

Les installations russes font frémir l’Europe

Depuis la catastrophe de Tchernobyl en 1986, qui avait contaminé une bonne partie de l’Europe, les craintes de l’Occident sur la sécurité des installations nucléaires soviétiques puis russes n’ont jamais été levées.

Pourtant Rosatom, l’entreprise publique qui gère le secteur nucléaire en Russie, a affirmé dans un communiqué que « la pollution radioactive au ruthénium-106 détectée par l’agence Rosguidromet n’est pas liée » à ses activités. Le complexe, qui sert aujourd’hui de site de retraitement de combustible nucléaire usé, ajoute n’avoir pas « manipulé de ruthénium-106 » au cours de l’année 2017 et n’en apas produit depuis plusieurs années.

Si la source exacte de la pollution n’est pas connue, « c’est obligatoirement une source terrestre, certainement d’une installation de traitement d’effluents liquides d’un combustible usé », a estimé Jean-Marc Peres, directeur adjoint de l’IRSN, évoquant « du gaz qui se serait échappé ». « C’est en tout cas l’hypothèse la plus probable », a-t-il ajouté.

Un responsable régional a pour sa part suggéré que l’IRSN aurait accusé la Russie pour aider au développement de l’industrie nucléaire française. « La source de cette information est la France, où un concurrent de notre Maïak recycle des déchets nucléaires. Cela fait réfléchir », a déclaré Evguéni Savtchenko, ministre de la Sécurité publique de la région de Tchéliabinsk, au site Ura.ru.

Une mise en cause réfutée catégoriquement par l’IRSN. L’institut « n’a aucun intérêt à intervenir dans des intérêts industriels », a assuré M. Peres de l’IRSN, avant d’ajouter: l’institut a « soumis (ses) calculs à un panel d’homologues étrangers, dont des Russes » et « aucun n’a mis en cause » ses méthodes de calculs.

Sans danger?

Dès le début du mois d’octobre, l’IRSN et plusieurs réseaux européens de surveillance de la radioactivité ont donc mesuré des taux anormaux de ruthénium-106, un élément artificiel qui n’existe pas à l’état naturel. Malgré des taux détectés en Europe inférieurs aux seuils d’alerte et sans conséquence pour la santé, l’IRSN précisait alors que « les conséquences d’un accident de cette ampleur en France auraient nécessité localement de mettre en oeuvre des mesures de protection des populations ».

En Russie, Maïak assure que les doses enregistrées sont « 20.000 fois inférieures à la dose annuelle admissible et ne présentent pas de risque pour la santé ». Ces conclusions ont été soutenues par plusieurs institutions, dont l’agence de protection des consommateurs selon qui « les teneurs maximales de ruthénium-106 dans l’atmosphère étaient plus de 200 fois moins élevées que le niveau admissible ». Le ministère de l’Environnement a aussi mis en cause la « position d’organisations publiques » dont « les estimations incompétentes » ont provoqué la diffusion de fausses informations, visant implicitement Greenpeace qui s’est inquiétée des conséquences sanitaires de cette pollution.

Quoi qu’il en soit, les conséquences ne devraient pas se faire sentir en Belgique puisque « les niveaux de concentration dans l’air en ruthénium 106 qui ont été relevés en Europe sont sans conséquence tant pour la santé humaine que pour l’environnement », assure l’IRSN.

Il est par contre moins conseillé de consommer certains aliments comme les légumes avec feuilles ou les champignons qui pourraient être éventuellement contaminés par des dépôts. Néanmoins, comme le précise Le Monde, même dans ce cas-là, le risque est faible puisque pour qu’il y ait un danger pour la santé des consommateurs les plus à risque, dans ce cas-ci un enfant âgé de 2 à 7 ans, devraient consommer 32 kg d’aliments contaminés.

Avec l’AFP

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