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Plus de 50 pays signent un traité interdisant l’arme nucléaire

Le Vif

Une cinquantaine de pays, Brésil en tête, ont lancé mercredi à l’ONU la signature d’un traité bannissant l’arme atomique, malgré le boycott des puissances nucléaires qui invoquent la menace nord-coréenne pour dénoncer la naïveté du texte.

Le traité, élaboré en quelques mois, a été adopté en juillet par 122 pays. Il entrera en vigueur dès lors qu’il aura été ratifié par 50 d’entre eux, ce qui pourrait prendre des mois.

Même s’il n’aura aucun impact sur les quelque 15.000 têtes nucléaires actuellement stockées dans le monde, le traité marque « une étape importante vers l’objectif universel d’un monde sans armes nucléaires », a affirmé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, lors de la cérémonie de signature en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, en soulignant « l’inquiétude croissante » face au risque posé par ces armes.

Mais il a reconnu que « la route serait difficile » pour arriver à leur élimination, et qu’elle nécessiterait « dialogue et construction de passerelles ».

Car si les défenseurs du traité qualifiaient mercredi la signature de « journée historique », les neuf puissances nucléaires – Etats-Unis, Russie, Chine, Inde, Pakistan, Israël, France, Royaume-Uni, Corée du Nord – ont refusé jusqu’ici d’entendre parler d’un texte dont la gestation a coïncidé avec la montée de la crise nord-coréenne.

Une crise qui a fait dire aux Etats-Unis, à la France et au Royaume-Uni, que les partisans du traité faisaient dans la naïveté face à la gravité de la menace venue de Pyongyang.

« Il n’y a rien que je souhaite tant pour ma famille qu’un monde sans arme nucléaire, mais nous devons être réalistes. (…) Qui peut croire que la Corée du Nord accepterait une interdiction des armes nucléaires? « , avait ainsi déclaré en mars l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley.

« Cette initiative ignore clairement les réalités de l’environnement sécuritaire international », avaient encore fustigé la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis à l’issue de la rédaction du texte en juillet.

Mercredi, c’est l’Alliance atlantique qui a condamné le texte.

« Alors que le monde doit rester uni face à des menaces grandissantes, en particulier la grave menace que représente le programme nucléaire nord-coréen, ce traité ne tient pas compte de ces défis de sécurité urgents », ont souligné les 29 membres de l’Otan dans une déclaration commune.

Les trois puissances nucléaires occidentales ont même catégoriquement rejeté l’idée de rejoindre a posteriori les signataires du texte, parmi lesquels figurent uniquement deux pays de l’Union européenne, l’Irlande et l’Autriche.

On est loin du discours de l’ex-président américain Barack Obama, qui laissait espérer en 2009 « un engagement de l’Amérique pour la paix et la sécurité d’un monde sans armes nucléaires ».

Même le Japon, seul pays à avoir subi une attaque atomique en 1945, a boycotté les pourparlers d’élaboration du traité.

La menace venue de Corée du Nord a d’ailleurs contribué à rouvrir le débat sur le déploiement d’armes nucléaires américaines dans l’archipel nippon, qui a pourtant renoncé à tout déploiement nucléaire depuis 1971.

Mais malgré cette levée de boucliers, le texte pose pour la première fois l’interdiction de développer, stocker ou menacer d’utiliser l’arme nucléaire.

« Certains nous reprochent de diviser, parce qu’ils veulent garder leurs armes nucléaires. Mais ce traité tiendra bon, car il est moralement juste et cohérent avec le cadre posé par les accords internationaux sur le désarmement », a affirmé Beatrice Fihn, présidente de l’ICAN, une coalition d’ONG de plus de 100 pays qui a poussé à adopter le traité.

L’une des principales motivations des artisans de ce texte est en effet d’accentuer la pression sur les grandes puissances pour qu’elles reprennent les négociations sur le désarmement, en panne depuis des années.

Les défenseurs du texte font valoir notamment qu’en présentant l’arme atomique comme indispensable pour leur sécurité dans le contexte tendu actuel, les puissances nucléaires donnent du grain à moudre aux pays qui se sentent vulnérables faute de détenir cette arme. Affaiblissant d’autant le Traité de non-prolifération (TNP), qui vise depuis 1968 à empêcher la diffusion de ces armes.

L’autre grande motivation est de ne plus jamais avoir à faire face aux « conséquences humanitaires catastrophiques » d’une conflagration atomique, a expliqué Peter Maurer, président du Comité international de la Croix-Rouge.

« Même si le traité n’éliminera pas les armes nucléaires du jour au lendemain, il les délégitimise et constitue un moyen dissuasif fort », a-t-il estimé. Et « si les puissances nucléaires ne peuvent pas le signer en l’état actuel, nous les enjoignons à prendre des mesures pour empêcher l’utilisation intentionnelle ou accidentelle de ces armes ».

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