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Peña Nieto, qui est le nouveau président mexicain ?

Avec sa gueule d’acteur, le président, qui entre en scène ce samedi 1er décembre, incarne l’espoir d’un retour au premier plan de la plus grande nation hispanophone. En a-t-il l’envergure ?

Vu de France, il est l’homme qui pourrait faire libérer Florence Cassez. Avant même son entrée en fonction, le 1er décembre, le président Enrique Peña Nieto a clairement laissé entendre qu’il souhaitait résoudre le cas de la Française.

La condamnation de celle-ci, sur la base d’un dossier pipé, pour des enlèvements auxquels elle nie avoir participé, s’est transformée en affaire d’Etat et empoisonne depuis sept ans les relations franco-mexicaines. Amnistier la jeune femme serait difficile: l’opinion n’y est pas prête. En revanche, à la différence de son prédécesseur, le nouveau chef de l’Etat devrait s’abstenir d’exercer des pressions sur la Cour suprême, qui se prononcera définitivement sur le dossier Cassez dans les prochains mois ou semaines. De quoi espérer, peut-être, l’extradition de la jeune femme.

« Notre dette publique fait rêver la zone euro » Pour le Mexique, aussi, l’avènement de cet ambitieux au look d’acteur symbolise un nouvel espoir. Sous Felipe Calderon (2006-2012, droite conservatrice), ce pays de 115 millions d’âmes a donné l’impression de toucher le fond. Principale raison: l’échec patent de la guerre à outrance déclarée aux cartels de la drogue, avec l’appui de l’armée. Bilan: au moins 60 000 morts violentes, une aggravation de l’insécurité et des dommages collatéraux sur l’économie.

A la tête du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), qui sort de douze ans d’opposition après avoir régné sans partage sur le pays pendant sept décennies, Peña Nieto, 46 ans, ne manque pas d’atouts. « Malgré sa tradition de corruption, le PRI est de loin le parti le plus expérimenté dans la conduite des affaires de l’Etat », rappelle David Recondo, chercheur à Sciences po détaché au Colegio de Mexico. De surcroît, la conjoncture est favorable à la 12e économie mondiale. « Après les années Bric [Brésil, Russie, Inde, Chine], voici que s’ouvre l’ère des Mist [Mexique, Indonésie, Corée du Sud -South Korea en anglais- et Turquie], se félicite, à Mexico, l’économiste Luis de la Calle. A 43%, notre dette publique a de quoi faire rêver la zone euro. De plus, l’inflation est maîtrisée (4%) et le secteur industriel se consolide. » Autre signe encourageant: Enrique Peña Nieto, ancien gouverneur du très chaotique Etat de Mexico (15 millions d’habitants), est réputé pragmatique.

« Faire rentrer l’armée dans les casernes »

Son équipe entend réformer la fiscalité, puisque, parmi les pays de l’OCDE, le club des pays développés, le Mexique est celui qui collecte le moins d’impôts. Vieux serpent de mer, la modernisation de Pemex est enfin à l’ordre du jour : la compagnie pétrolière nationalisée en 1938, aujourd’hui engluée dans la bureaucratie, devrait se rapprocher du secteur privé, à l’instar du brésilien Petrobras. « Sur le plan de la sécurité publique, il faudra progressivement faire rentrer l’armée dans les casernes et attaquer les trafiquants au portefeuille plutôt qu’à coups de fusil », explique Diego Gomez, un conseiller du nouveau président.

Enfin, sur la scène diplomatique, la plus grande nation du monde hispanophone veut retrouver la place de grande puissance latino-américaine qui fut naguère la sienne.

Reste à savoir si « Peña » possède la trempe d’un chef d’Etat capable de s’imposer dans un pays aussi complexe que l’ancien empire aztèque. Pendant la campagne électorale (par ailleurs réussie), il est resté muet lorsqu’un journaliste lui avait demandé de citer les trois derniers livres qu’il avait lus… A propos de ce couac, l’économiste Luis de la Calle résume le sentiment général : « Il y a des intellectuels qui ratent leur présidence et des pragmatiques qui la réussissent. » Le nouveau venu est attendu avec le bénéfice du doute.

De notre envoyé spécial Axel Gyldén

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