© Reuters

Pape François: « La réforme a déjà commencé avec son nouveau style »

Le Vif

Alors que Jorge Mario Bergoglio s’apprête à vivre ses premières Journées mondiales de la jeunesse, à Rio, au Brésil, le vaticaniste Andrea Tornielli – auteur de la biographie « François, le pape des pauvres », sortie en avril chez Bayard – décrypte le style du nouveau pape.

Le pape François tranche avec le style de son prédécesseur, Benoît XVI. Cet « effet » Bergoglio va-t-il durer?

Chaque pape a sa spécificité: Jorge mario Bergoglio a vingt ans d’expérience pastorale, notamment dans les favelas. Mais sa vision théologique est la même: comme Ratzinger, il pense que ce n’est pas le pape qui guide l’Église, mais Dieu. Le pontife n’est qu’un serviteur. Benoît XVI a lui-même désacralisé la mission papale en renonçant à sa charge. Ce qui est sûr, c’est que depuis l’élection de François, la place Saint-Pierre est pleine le dimanche. Plusieurs prêtres italiens m’ont confié que des fidèles étaient revenus se confesser au lendemain de Pâques, après avoir entendu le nouveau pape dire que Dieu ne se fatiguait jamais de pardonner. Le changement est aussi visible au sein de la curie: deux jours après son élection, les cardinaux qui rencontraient le pape François dans la salle clémentine avaient troqué leur croix en or autour du cou pour une croix en fer, la même que celle du pontife!

Ce style très proche, voire familier, et son franc-parler vis-à-vis des membres de la curie suscitent déjà des critiques au Vatican…

Il peut déplaire à certains courants conservateurs, c’est vrai. Par le passé, Bergoglio avait été décrié parce qu’il organisait des pèlerinages durant lesquels il baptisait les gens au bout de seulement deux jours! Mais si son message de miséricorde de l’Église et de proximité avec les fidèles passe, les critiques cesseront. Il n’est pas sûr, du reste, qu’il ne compte pas autant d’adversaires dans le camp des progressistes, qui n’apprécient pas forcément sa dévotion populaire aux saints, un peu trop « naïve » à leur goût, ou la distance qu’il a pris en Argentine vis-à-vis de la théologie de la Libération. Il faut se garder d’adopter des grilles de lecture trop simplistes: ce n’est pas parce qu’on met l’accent sur les pauvres qu’on est progressiste. Les cardinaux d’Amérique latine qui ont appuyé François lors du conclave sont aussi très fidèles à Rome.

Le choix de Jorge Mario Bergoglio a-t-il été un choix par défaut, pour assurer une transition?

Je ne crois pas du tout qu’il ait été une solution de secours. Sa candidature s’est très vite imposée durant le conclave. Les cardinaux ont voulu un pape animé d’une foi profonde et qui sache aussi parler aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui. Ils ont été très marqués par son intervention du 7 mars, durant le conclave. Elle n’a duré que trois minutes et demies, mais elle a marqué les cardinaux: « Il a parlé avec son coeur », ont-ils pensé.

Qu’a-t-il dit?

Il a insisté sur le fait que l’Église ne devait pas rester auto-centrée – les questions de partage du pouvoir ou de réforme des organes de gouvernement dans la curie renvoient à l’institution, alors que Bergoglio, sans nier l’importance de ces dossiers-là, veut une Église qui soit non seulement plus ouverte, mais qui aille vraiment à la rencontre des gens, une Église totalement évangélisatrice. Une Église de la périphérie, qui ne parle pas seulement des pauvres, mais aussi de ceux qui souffrent dans leur for intérieur, qui n’ont pas goût à la vie. Cette ouverture comporte sa part d’aventure. Lors de son discours durant le conclave, il a aussi glissé: « Lorsqu’on sort et qu’on marche dans la rue, on court le risque d’avoir un accident, mais mieux vaut prendre ce risque ».

Certains estiment qu’il n’avance pas suffisamment sur les réformes, celle de la curie, notamment…

La réforme a déjà commencé avec son nouveau style. Sa grande simplicité – il sert lui-même le petit déjeuner! – est un message fort en ces temps de crise. Mais c’est aussi un homme de gouvernement, il sait très bien ce qu’il veut: oeuvrer pour une Église plus proche des gens et plus crédible dans ce monde sécularisé. Au sein même de la curie, il a déjà insufflé un esprit très collégial en nommant un petit groupe de cardinaux experts auprès de lui pour le conseiller sur les réformes, notamment amender la constitution « Pastor Bonus » sur l’organisation de la Curie. Sur les huit prélats qui se réuniront du 1er au 3 octobre prochain au Vatican, sept n’appartiennent pas à la curie, même s’ils la connaissent très bien – c’est une façon de dire que celle-ci ne peut pas se réformer toute seule – et ils appartiennent à divers courants. Cette forme de collégialité n’est pas une nouveauté : elle a été appliquée dès le XIIIe siècle. Toutefois, François a volontairement choisi des cardinaux de divers horizons géographiques : Amérique du Nord, Europe, Asie, etc. Là encore, c’est un signe fort.

Propos recueillis par Claire Chartier

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire