David Cameron et Sigmundur David Gunnlaugsson © Reuters

Panama Papers : Le premier « scalp » politique

Le Vif

Les « Panama Papers » ont fait leur première victime de taille : le Premier ministre islandais a démissionné mardi, emporté par la pression de la rue outrée par les révélations sur ses placements dans des paradis fiscaux. Mais il risque de ne pas être le dernier. Le point sur les derniers remous.

C’est le premier « scalp » obtenu par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont les membres dévoilent depuis dimanche les pratiques financières et fiscales opaques de personnalités, chefs d’Etat, entrepreneurs, sportifs, banques… tout un éventail de clients du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, spécialisé dans la domiciliation offshore d’entreprises.

Sigmundur David Gunnlaugsson faisait face à la bronca depuis dimanche et les révélations sur des millions de dollars qu’il a détenus via une société ayant son siège aux îles Vierges britanniques, appelée Wintris, avec son épouse Anna Sigurlaug Palsdottir, fille d’un riche concessionnaire automobile.

Des milliers de manifestants – une mobilisation massive à l’échelle de l’Islande – avaient réclamé sa démission lundi en jetant du « skyr », un fromage blanc local, devant le Parlement.

L’affaire est extrêmement sensible dans un pays marqué par les excès des années 2000, pendant lesquelles un secteur financier euphorique ainsi que ses dirigeants et ses cadres usaient et abusaient des sociétés écrans. L’économie s’était retrouvée terrassée par la crise financière en 2008, provoquant une envolée du chômage et une intense colère populaire.

Le Premier ministre démissionnaire sera remplacé par le ministre de l’Agriculture Sigurdur Ingi Johannsson.

Depuis dimanche, les médias participant à l’ICIJ distillent les noms des clients qu’ils ont trouvés en épluchant plus de 11 millions de documents confidentiels de Mossack Fonseca, provoquant des remous dans le monde entier. Jusqu’ici, seules des personnalités tout à fait secondaires (un cadre politique local hongrois, le responsable de l’antenne chilienne de l’ONG de lutte contre la corruption Transparency) avaient été emportées par ces révélations

« Un énorme problème »

Le Premier ministre britannique David Cameron était aussi sous pression mardi, mais dans des proportions bien moindres. Son père Ian ayant dirigé un fonds d’investissement dont le siège est aux Bahamas et dont les profits ont échappé au fisc britannique à la suite d’un montage effectué via Mossack Fonseca, le chef de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn a demandé « une enquête indépendante ».

Le Premier ministre Pakistanais, Nawaz Sharif, dont la famille est éclaboussée par les révélations, a quant à lui annoncé mardi la création « une commission judiciaire de haut niveau dirigée par un juge à la retraite de la Cour Suprême », qui « tranchera sur la réalité et sur le poids de ces allégations ».

Réagissant à ces tombereaux de révélations, le président américain Barack Obama considère pour sa part que « la question de l’évasion fiscale est un énorme problème », insistant sur la nécessité de durcir les législations en vigueur et de renforcer la coopération internationale sur ce thème.

A cet égard, le gouvernement français a annoncé mardi qu’il réinscrivait le Panama sur sa liste des paradis fiscaux.

En France, le quotidien français Le Monde, un des participants à l’opération de l’ICIJ, a mis en cause l’entourage de Marine Le Pen, la présidente du Front National (extrême droite), l’un des principaux partis politiques français. L’un des proches cités par le journal, Frédéric Chatillon, a protesté de la « parfaite légalité » des opérations.

Aux Pays-Bas, le quotidien Trouw affirme que parmi les centaines de Néerlandais qui ont fait appel aux services du cabinet panaméen pour créer des sociétés dans des paradis fiscaux, figure l’ancien footballeur international Clarence Seedorf.

Le Monde a en outre placé la banque française Société Générale, dans le top 5 des banques qui ont eu le plus recours à Mossack Fonseca pour créer des sociétés offshore (une pratique qui n’est pas illicite), derrière HSBC, UBS, Crédit Suisse.

Programme nucléaire

Certains noms font en revanche planer un nuage plus sulfureux sur les « Panama Papers ».

Selon Trouw, John Bredenkamp, un négociant d’armes, a eu « au moins 13 sociétés » via Mossack Fonseca, dont « au moins cinq se sont retrouvées sur des listes internationales de sanctions pour une implication présumée dans la vente d’armes au président du Zimbabwe » Robert Mugabe.

Les médias britanniques BBC et The Guardian font aussi état d’activités allant au-delà de la simple évasion fiscale, affirmant qu’une société écran nord-coréenne utilisée pour financer le programme nucléaire de Pyongyang a figuré parmi les clients de Mossack Fonseca.

DCB Finance, domiciliée à Pyongyang, a été enregistrée dans les Iles Vierges britanniques en 2006 et fut légalement constituée par Mossack Fonseca, qui a cessé de la représenter en 2010. La DCB a été visée à partir de juin 2013 par des sanctions de Washington qui la soupçonnait d’avoir, à compter de 2006, fourni des services financiers à deux entités nord-coréennes jouant un « rôle central » dans la mise au point des programmes nucléaire et balistique nord-coréens.

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