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Pakistan: rumeurs de coup d’Etat et démentis

La tension entre l’armée et le gouvernement pakistanais est montée d’un cran ces dernières semaines à la suite du scandale du « memogate ».

Aucun coup d’Etat imminent n’est à craindre au Pakistan, a assuré vendredi le plus haut magistrat du pays, le président de la Cour suprême Iftikhar Muhammad Chaudhry. Il s’exprimait dans un contexte de fortes tensions entre le pouvoir civil et les militaires, en plein déballage sur le « mémogate ».

La veille, le Premier ministre Yousuf Raza Gilani avait dénoncé des « complots » visant à faire chuter son gouvernement, mis en difficulté par une affaire de mémo diplomatique envoyé aux Etats-Unis. D’ordinaire mesuré, Yousuf Raza Gilani a martelé que l’armée devait être subordonnée au gouvernement, révélant ses craintes d’être renversé par les militaires. L’armée a toujours cornaqué le gouvernement civil au Pakistan, quand elle ne gouvernait pas elle-même, depuis la création du pays.

« Soyez assuré qu’aucun coup d’Etat n’est imminent dans ce pays », a déclaré Iftikhar Chaudhry lors d’une audition chargée d’examiner les demandes d’enquête sur le scandale du mémo, envoyées notamment par le principal dirigeant de l’opposition, Nawaz Sharif.

Le scandale du « memogate »
La tension entre l’armée et le gouvernement, très impopulaire car considéré comme inefficace et très corrompu, est montée d’un cran ces dernières semaines à la suite du scandale du « mémogate ». Dans cette affaire, le pouvoir civil est accusé d’avoir, en mai dernier, fait passer aux Etats-Unis un mémorandum secret demandant de l’aide pour empêcher un possible coup d’état de l’armée. En échange, les auteurs du memo aideraient Washington sur certain dossiers: la lutte contre Al-Qaïda et les sanctuaires de rebelles afghans dans les zones frontalières pakistanaises. La révélation de l’existence de ces mémos en octobre avait créé un scandale au Pakistan. Le général Ashfaq Parvez Kayani, chef d’état-major de l’armée, avait alors exigé du président Zardari qu’il rappelle l’ambassadeur pakistanais à Washington.

Cette réaction était inévitable, dans un pays arc-bouté sur sa souveraineté, partagé entre une opinion publique très anti-américaine, mais bénéficiaire chaque année de milliards de dollars d’aide américaine. D’autant que cette affaire intervient dans un contexte de crispation croissante des relations de l’armée avec ses partenaires occidentaux. D’un côté, ceux-ci accusent les militaires d’entretenir des liens avec des groupes islamistes anti-occidentaux, tandis qu’en face, l’armée manifeste chaque jour un peu plus son exaspération face aux attaques de américaines de drones responsables de multiples bavures.

Les turbulences diplomatiques avec les Etats-Unis avaient connu un sommet après le raid américain qui a tué le chef d’Al-Qaïda Oussama Ben Laden à Abbottabad en mai dernier. Yousuf Gilani s’est d’ailleurs demandé, jeudi, « comment Oussama Ben Laden avait pu vivre pendant six ans à Abbottabad », une ville où sont implantées de nombreuses unités de l’armée. C’est à la suite de ce raid, à la fois humiliant et discréditant pour l’armée pakistanaise, que des responsables gouvernementaux auraient fait passer le fameux mémo à Washington.

Rumeurs autour de l’hospitalisation de Zardari
La fébrilité au sommet de l’Etat et les rumeurs de renversement ou de démissions ont été renforcées par l’hospitalisation récente à Dubaï du président Zardari, accusé par certains d’être l’auteur du mémo.

Arrivé au pouvoir en 2008, le gouvernement mené par le Parti du Peuple du Pakistan (PPP) de Asif Ali Zardari, veuf de l’ancien Premier ministre Benazir Bhutto, a su se maintenir au pouvoir malgré son impopularité et l’instabilité récurrente d’un pays en grande difficultés économiques et ensanglanté par les rébellions islamistes.

La pression sur le gouvernement pourrait s’accroître si la Cour suprême décidait d’enquêter sur le « mémogate », comme l’armée le lui a demandé. La prochaine audience de la Cour suprême sur cette affaire est prévue ce vendredi. Depuis la création du Pakistan en 1947, aucun gouvernement civil n’a jamais réussi à se maintenir jusqu’au terme des cinq ans de législature prévus.

LExpress.fr

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