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Pakistan: la mort d’Abou Yahya al-Libi, nouveau coup dur pour Al Qaïda

Le Libyen Abou Yahya al-Libi, a été tué dans un bombardement de drone au Pakistan, ont annoncé mardi les Etats-Unis. Portrait de la « pièce maîtresse » de la machine de propagande d’Al-Qaïda.

Des Kalachnikov en évidence derrière lui, un index menaçant: dans ses vidéos, le Libyen Abou Yahya al-Libi, que Washington annonce avoir éliminé au Pakistan, incarnait le théoricien d’Al-Qaïda dont il ordonnait la machine de propagande.

Qui était Abou Yahya al-Libi ?

Au sein de la nébuleuse, « Libi », dont le patronyme indique son pays d’origine, était diplômé en chimie et spécialiste des nouveaux médias. Il avait le statut de numéro deux, juste derrière Ayman al-Zawahiri, promu après la mort d’Oussama ben Laden, en mai 2011. Les experts s’accordent pour lui conférer le rôle de théoricien du mouvement. Selon un responsable américain s’exprimant sous couvert de l’anonymat, Libi était chargé des opérations d’Al-Qaïda au Pakistan et d’entretenir les contacts avec les différentes branches de l’organisation, notamment Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (Aqpa).

Né en 1963, il avait accédé à une certaine notoriété en 2005, lors de son évasion pour le moins rocambolesque de la base américaine de Bagram en Afghanistan. Lui et trois autres détenus avaient réussi à crocheter une serrure, puis à échapper à la surveillance de leurs gardiens pour gagner la liberté…

Mais Abou Yahya al-Libi était aussi connu pour ses enregistrements audio et vidéo produits par le réseau et diffusés sur As-Sahab, un média proche d’Al-Qaïda. Il y alternait monologues sur l’islam et diatribes. Bon orateur, Libi était constamment en mouvement, alternant séjours entre le Nord et le Sud-Waziristan, ces régions montagneuses à la frontière de l’Afghanistan, où il avait appris le pachtoune et l’ourdou.

Libi, relais entre ancienne et nouvelle génération d’Al-Qaïda
Avant de l’éliminer par un tir de drone contre des zones tribales du nord-ouest du Pakistan, les Etats-Unis avaient mis la tête de Libi à prix pour un million de dollars. A en croire Bill Braniff, de START, un centre américain gouvernemental d’étude du terrorisme, « Libi servait de relais entre la vieille garde d’Al-Qaïda et la nouvelle génération, qui commet des attentats en s’inspirant justement des générations précédentes ».

De même, à la lumière des documents retrouvés dans la villa qu’occupait Oussama ben Laden à Abbottabad au Pakistan, le défunt leader d’Al-Qaïda semblait « parfaitement conscient d’avoir besoin d’individus comme Libi, dotés de la capacité à inciter les jeunes générations à commettre des actes de violence ». « C’était une pièce maîtresse dans l’appareil de propagande » d’Al-Qaïda, souligne Bill Braniff.

Les circonstances de sa mort inconnues

Les responsables américains ont refusé de confirmer les circonstances de sa mort, mais un bombardement de drone avait été annoncé lundi par les autorités pakistanaises sur un complexe situé dans les régions tribales du nord-ouest du pays, un sanctuaire d’Al-Qaïda près de la frontière afghane. Le tir aurait fait 15 morts du côté des insurgés islamistes, un chiffre non confirmé par Washington.

Faisant écho au jugement de la Maison Blanche, qui y a vu un « revers majeur » pour Al-Qaïda, Jarret Brachman, expert en antiterrorisme, voit dans la mort de Libi un « coup dévastateur » porté à la direction du réseau extrémiste dont elle « n’arrivera sans doute jamais à se remettre ». « Aucun des dirigeants encore vivants d’Al-Qaïda n’arrive, comme lui, à combiner érudition, charisme et capacité à guider tant les branches régionales d’Al-Qaïda que le mouvement dans sa totalité », a-t-il expliqué.

La question de sa succession

Reste la question de sa succession. Pour Bill Braniff, « Al-Qaïda aura beaucoup moins de difficultés à trouver quelqu’un capable de mener une mission que quelqu’un qui peut servir de porte-parole de façon crédible ». Le réseau, croit-il, « va avoir besoin d’un homme vers lequel tous (ses membres) peuvent se tourner ».
Ben Venzke, expert auprès de l’IntelCenter, un centre de surveillance des sites islamistes, juge que « la mort de Libi va être ressentie à travers toute la communauté des djihadistes, car c’était l’une des figures les plus visibles parmi tous les groupes qui existent à travers le monde ».

LeVif.be avec L’Express

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