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Pakistan: attentat meurtrier d’al-Qaïda, au moins 70 morts

Les talibans pakistanais alliés à Al-Qaïda ont revendiqué auprès de l’AFP le double attentat qui a tué vendredi au moins 70 jeunes recrues de la police dans le nord-ouest du Pakistan, une première attaque « pour venger Oussama ben Laden », selon eux.

Deux kamikazes ont tué vendredi 70 personnes en faisant exploser leurs bombes au milieu de cadets de la police qui partaient en permission dans le nord-ouest du Pakistan, les talibans revendiquant là une « première attaque » pour venger Oussama Ben Laden.

Ces insurgés islamistes, qui ont fait allégeance à Al-Qaïda et mènent une campagne d’attentats extrêmement meurtrière au Pakistan, avaient promis des représailles contre Islamabad et ses forces de sécurité, qu’ils accusent de complicité dans le raid américain fatal à Ben Laden il y a 11 jours dans le nord du pays.

A l’aube, à Shabqadar, bourgade du nord-ouest, un kamikaze à moto a fait exploser sa bombe au moment où les cadets, qui avaient revêtu leurs habits civils, s’apprêtaient à monter dans les bus devant les ramener chez eux pour 10 jours de permission, a expliqué à l’AFP Nisar Khan Marwat, le chef de la police du district de Charsadda. L’attentat visait un centre d’entraînement de la Frontier Constabulary, une unité paramilitaire de la police chargé de surveiller les frontières. Puis, alors que policiers et secouristes s’étaient massés pour aider les blessés, un autre kamikaze à moto a provoqué un second carnage.

« Soixante-dix personnes ont péri, dont 65 de la Frontier Constabulary, et cinq civils », a indiqué M. Marwat.

« J’étais assis dans un minibus et j’attendais mes collègues », a raconté à l’AFP Ahmad Ali, un cadet blessé contacté à l’hôpital par téléphone. « J’ai entendu quelqu’un crier ‘Allah Akbar’ (Dieu est le plus grand) avant une puissante explosion », se souvient-il.

« Puis, j’en ai entendu une deuxième, alors j’ai sauté du bus, j’étais en sang », se rappelle encore Ahmad Ali. Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier de cette année au Pakistan.

« C’est une première action pour venger le martyre d’Oussama, elle a été menée par deux de nos combattants », a déclaré par téléphone à l’AFP Ehsanullah Ehsan, porte-parole du Mouvement des Talibans du Pakistan (TTP).

« Attendez-vous à des attaques plus massives au Pakistan et en Afghanistan », a-t-il menacé.

Le TTP, qui a fait allégeance à Al-Qaïda en 2007, est le principal responsable de la vague de plus de 450 attentats, suicide pour la plupart, qui ont fait plus de 4.300 morts dans tout le pays en près de quatre ans. A l’été 2007, juste après Ben Laden en personne, le TTP avait décrété le jihad à Islamabad pour son soutien à Washington dans sa « guerre contre le terrorisme ».

Shabqadar est située aux portes des zones tribales frontalières avec l’Afghanistan, bastion des talibans pakistanais et principal sanctuaire dans le monde d’Al-Qaïda. Ces zones sont aussi la base arrière des talibans afghans, notamment le réseau Haqqani, bête noire des soldats américains qui composent les deux tiers des forces internationales en Afghanistan.

Les camps d’entraînement des talibans pakistanais dans les zones tribales sont également utilisés par Al-Qaïda, qui y a entraîné ses kamikazes ayant ensuite perpétré des attentats ou tenté d’en commettre aux Etats-Unis ou en Europe, de ceux du 11 Septembre 2001, à ceux de Londres en 2005, en passant par Madrid en 2004 et Times Square à New York en 2010.

C’est d’ailleurs dans ces régions frontalières montagneuses que les experts s’attendaient depuis dix ans à trouver Ben Laden et non dans la ville-garnison coquette d’Abbottabad, à deux heures de route au nord d’Islamabad.

C’est là qu’un raid-éclair de 79 soldats d’élite américains l’a déniché et tué dans la nuit du 1er au 2 mai.

Cette action unilatérale menée sous l’égide de la CIA qui dit n’avoir pas voulu avertir Islamabad de peur de fuites, a déclenché une nouvelle passe d’armes entre Washington et son allié.

Les plus hauts responsables américains demandent au Pakistan d’enquêter pour savoir comment Ben Laden a pu se terrer plusieurs années sans complicités au plus haut niveau dans une ville-garnison peuplée de quelque 10.000 militaires. Des accusations qu’Islamabad a qualifiées d' »absurdes », faisant valoir que le Pakistan est le pays qui paye le plus lourd tribut à la « guerre contre le terrorisme », avec la campagne d’attentats menée par les affidés d’Al-Qaïda.

L’opinion publique y est très majoritairement anti-américaine, considérant que les Etats-Unis ont « importé » leur guerre contre Al-Qaïda au Pakistan après une campagne ratée en Afghanistan.

Signe de défiance supplémentaire, Islamabad a menacé jeudi Washington d’une « révision » de sa coopération antiterroriste, et le numéro 2 de l’armée pakistanaise, le général Khalid Shameem Wynne, a annulé vendredi une visite prévue aux Etats-Unis « en raison du climat qui prévaut ».

Le n°2 de l’armée pakistanaise annule une visite aux Etats-Unis
Dans ce climat tendu, le général Khalid Shameem Wynne, considéré comme le numéro deux de l’armée pakistanaise, a annulé vendredi une visite prévue aux Etats-Unis, dans un contexte de vives tensions entre les deux pays depuis la mort d’Oussama Ben Laden, a annoncé un responsable militaire. Cette visite a été annulée « en raison du contexte actuel » des relations entre les deux pays, a précisé à l’AFP ce responsable sous couvert d’anonymat, en référence à l’opération commando américaine unilatérale qui a tué le chef d’Al-Qaïda le 2 mai à Abbottabad, dans le nord du pays.

« Le général Khalid Shameem Wynne a contacté son homologue américain, l’amiral Mike Mullen, et l’a informé de l’annulation de sa visite aux Etats-Unis prévue du 22 au 27 mai », a déclaré le responsable.


LeVif.be, avec Belga

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