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Ouverture du procès de l’opposant numero 1 de Vladimir Poutine

Le Vif

Reporté la semaine dernière, le procès du blogueur et avocat, Alexeï Navalny s’ouvre ce mercredi à Kirov à 800km de Moscou. Ce leader de l’opposition, âgé de 35 ans, représente un danger substantiel pour le pouvoir.

Le procès qui s’ouvre ce mercredi à Kirov (790 kilomètres au nord-est de Moscou) contre l’opposant et blogueur russe Alexeï Navalny marque une accélération dans l’infernale spirale répressive où s’enfonce la Russie de Vladimir Poutine.

Bien davantage que les punks féministes des PussyRiot, dont deux membres ont été condamnés à deux ans de camp de travail en août dernier, ce leader de l’opposition âgé de 35 ans représente un danger substantiel pour le pouvoir. Pourfendeur numéro un de la corruption, son audience va croissant dans divers secteurs de la société, bien au-delà de la seule intelligentsia moscovite. Voilà pourquoi Alexeï Navalny, marié et père de deux enfants, se retrouve accusé de corruption par le Comité d’enquête, l’équivalent du FBI, qui est directement contrôlé par le président Vladimir Poutine.
L’opposant est accusé de « détournements de fonds » et de « constitution de bande criminelle »

Il risque dix ans de prison. S’il est effectivement condamné au terme de ce procès fabriqué de toutes pièces, Navalny accéderait au statut de « prisonnier personnel de Poutine », au même titre que l’ex-oligarque Mikhaïl Khodorkovski, lequel croupit en prison depuis près d’une décennie pour avoir osé défier le président russe. « Je suis prêt à aller en prison » a récemment déclaré Navalny, persuadé que cette période de purgatoire contribuerait à renforcer son prestige, à consolider son image d’homme viril et courageux et, enfin, servirait son ambition déclarée de devenir président de la Russie en 2018.
Navalny accéderait au statut de « prisonnier personnel de Poutine »
L’opposant est accusé de « détournements de fonds » et de « constitution de bande criminelle » en rapport avec une prétendue affaire de corruption liée à la société forestière d’Etat Kirovles, sise à Kirov, où il officiait en tant que conseiller du gouverneur libéral Nikita Belykh, en 2009. Il aurait alors favorisé un accord entre Kirovles et la société priv ée VLK, dirigée par Piotr Ofitserov, l’un de ses amis. Cependant, l’accusé a publié sur son blog plusieurs documents qui invalide cette thèse fantaisiste.
Formé à l’université Lumumba de Moscou puis à Yale (Etats-Unis), Alexeï Navalny, est lui-même avocat. Agé de 37 ans, il est l’un des principaux leader de la contestation anti-Poutine de l’hiver 2011-2012. A l’époque, des dizaines de milliers de Moscovites étaient descendus dans la rue pour protester contre les fraudes aux élections législatives. Blogueur, Alexeï Navalny est aussi le fondateur, en 2010, d’un site internet interactif très populaire, Rospil ( www.rospil.ru), consacré à la dénonciation du pillage du budget de l’Etat par les dirigeants installés au sommet du pouvoir et liés avec les structures du crime organisé. Pourfendeur du pourrissement des institutions, Navalny est, par ailleurs, l’inventeur de l’expression « parti des voleurs et des escrocs », qui a fait florès et qui désigne Russie unie, la formation de Vladimir Poutine.

Une fragilisation croissante du pouvoir politique chaque jour un peu plus illégitime

Selon un observateur russe installé à Londres mais bien informé sur les luttes de pouvoir au sommet de l’Etat russe, Alexeï Navalny séduirait jusqu’à certains membres dusystème poutinien en raison de sa personnalité charismatique et de son nationalisme notoire. Autre raison: certains mesurent que le système de pillage du budget national par ceux qui sont censés le gérer porte en lui-même une fragilisation croissante du pouvoir politique chaque jour un peu plus illégitime. Selon l’analyste Lilia Chevtsova, du Centre Carnegie, à Moscou, la spirale de la répression où s’est engagé Vladimir Poutine trahit « une faiblesse intrinsèque du système ». « Et il n’y a pas de marche arrière », déplore-t-elle. « Car lorsqu’un pouvoir s’engage dans la voie de la répression, il est obligé de se montrer chaque fois un peu plus dur ».

Ces dernières semaines, la police russe a multiplié les perquisitions dans les ONG (Transparency International, Human Rights Watch, Mémorial, etc.), désormais accusées d’être des « agents de l’étranger », selon une terminologie qui rappelle le temps de l’Union soviétique. Cependant, il ne s’agit-là que des hors-d’oeuvre. Un autre procès retentissant se profile à l’horizon: celui des manifestants arrêtés le 6 mai 2012 sur la place Bolotnaya, à Moscou, lors de la manifestation organisée à la veille de l’investiture de Vladimir Poutine. « Une vingtaine de jeunes adultes sont depuis lors en détention préventive, rappelle le Pr. Bill Bowring, spécialiste de la Russie à l’Université de Londres, ce qui donne le temps au parquet de fabriquer patiemment des dossiers épais comme ça pour chacun d’entre eux afin de mieux les accabler devant un tribunal le moment venu ». Le harcèlement contre les opposants à Vladimir Poutine ne fait que commencer…

Par Axel Gyldén

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