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Où étiez-vous le 11 septembre 2001 ?

11 septembre 2001, des avions s’écrasent, les tours jumelles du World Trade s’effondrent. Le Pentagone est éventré. Ces images restent gravées dans la mémoire collective. Mais où étiez-vous, que faisiez-vous, lorsque vous les avez vues pour la première fois?

A la rédaction du Vif L’Express, les journalistes se mobilisent pour traiter dans l’urgence l’actualité. « La troisième guerre mondiale a commencé » fut la réflexion de Marie-Cécile, journaliste. « Nous étions en bouclage et nous avons complètement modifié le journal. »

Pierre, secrétaire de rédaction, explique: « J’ai regardé les images terribles d’abord à la télé comme tout le monde et découvert l’existence d’Al-Qaeda (orthographe exacte encore incertaine à ce moment) et de Oussama Ben (chef, faut-il orthographier Bin ?) Laden. »

« Le choc absolu »
Il poursuit: « Que le monde avait changé ce jour-là, on l’avait vite compris à la rédaction du Vif/L’Express qui a planché tout de suite sur un plan de journal spécial qui a impeccablement été mis en place sous l’action coordonnatrice, notamment, du rédacteur en chef adjoint Jean-François Dumont, pour boucler, en deux jours de travail, un numéro historique et fort complet embrassant tous les aspects prévisibles de l’événement et du basculement de l’histoire, résumé par ce titre en couverture : « Le choc absolu ».

Soraya, journaliste, était en voyage de presse en Suisse, à Berne, sur l’état de l’harmonisation fiscale européenne, et le cas particulier de la Suisse. « Les journalistes allaient justement visiter une chaîne de télévision. A l’entrée, il y avait un grand écran. C’est là qu’on a vu la première tour s’effondrer. Nous n’avons pas tout de suite compris. Puis, le choc. Tous les journalistes sont entrés à l’hôtel. Le voyage a été interrompu. Tout le monde voulait rentrer, porter sa contribution à ses collègues, à Bruxelles. Galère pour trouver des vols. Moi, j’ai déniché un train de nuit : Berne-Bruxelles. Je suis arrivée à 7 heures, à 8 heures, j’étais sur le pont, au Vif : un mercredi, jour de bouclage. »

« Allo, Yalta ? Ici Bruxelles, répondez ! »
Olivier, journaliste au Vif/L’Express, se trouvait à Yalta, en Crimée, le 11 septembre 2001. Il couvrait un sommet Europe-Ukraine, auquel participaient Romano Prodi, président de la Commission européenne, Guy Verhofstadt, Premier ministre et président en exercice de l’Union, Louis Michel, ministre des Affaires étrangères, et Javier Solana, Haut représentant pour la politique étrangère commune. « Quelques journalistes et moi avions pu entrer dans le Palais de Marbre de Livadia, à trois kilomètres de Yalta, où se tenait le sommet, se souvient-il. Dans la cour italienne du palais, un élégant patio construit en 1911 pour le tsar Nicolas II, il y avait une fontaine, des parterres de fleurs, des palmiers aux troncs immenses. Cinquante-six ans plus tôt, Churchill, Roosevelt et Staline avaient été pris en photo dans cette même cour, assis sur un banc, cliché qui a immortalisé la conférence de Yalta où ont été redessinées les frontières du Vieux continent. »

Olivier poursuit : « Sous les arcades blanches, Verhofstadt est en tête à tête avec Leonid Koutchma, le président ukrainien, qui paraît peu commode. Soudain, les GSM de la délégation belgo-européenne et ceux des journalistes se mettent à grésiller les uns après les autres.  » Yalta ? Ici Bruxelles. Vous êtes au courant ? Un avion a percuté une tour, à New York. » Les appels se suivent, de plus en plus alarmants. On parle d’un autre avion, d’une catastrophe sans précédent. On s’échange des bribes de nouvelles et rumeurs contradictoires. Certains se demandent si ce n’est pas un canular, d’autres semblent pétrifiés. Prodi, Solana et les Belges plantent là Koutchma, s’engouffrent dans des voitures officielles, qui roulent à tombeau ouvert jusqu’à l’aéroport de Sébastopol, où un jet Embraer se tient prêt à décoller. Par mesure de sécurité, le ciel européen a été vidé de ses avions, mais l’appareil de la Force aérienne belge est autorisé à rejoindre Melsbroek. Pendant le vol, j’essaie d’obtenir une première réaction de Michel et de Verhofstadt, mais ils cherchent eux-mêmes à comprendre ce qui se passe.  » Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible ! », répètent les responsables belges et européens. Il leur faut néanmoins préparer dans l’urgence un communiqué, un message fort, car des centaines de caméras et de micros les attendent déjà à l’aéroport. »

Journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies, Vincent était, pour sa part, en interview dans une annexe du palais du Heysel pour préparer un numéro spécial consacré au salon « Média Planet ». « La secrétaire du patron du Heysel est entrée dans la pièce et nous a conseillé d’allumer la télé : un avion venait de s’écraser sur New York. On a donc pu voir « en direct » le deuxième appareil percuter le World Trade Center. Dans le métro qui me ramenait à la rédaction, les gens ne parlaient que de ça. C’est bizarre comme cette information s’est rapidement diffusée alors qu’il n’existait pas encore de smarphones reliés au net… De retour au bureau, j’ai passé des heures à surfer sur le web afin de trouver les dernières infos pour le numéro spécial du Vif/L’Express qui a été bouclé en une journée et demie. »

« Ce qui me restait d’insouciance venait de fondre comme les poutres du WTC. »

Laurent, rédacteur en chef du Focus Vif, s’en souvient « comme si c’était hier ». Je faisais l’interview de Serge De Schryver, l’ancien patron de Scripta, la régie publicitaire des quotidiens La Libre, La DH, De Standaard et consorts. On discutait audiences, évolution du marché, initiatives pour muscler la position des journaux en sirotant un café. Au milieu de la conversation, la secrétaire a fait irruption dans la salle, une drôle de grimace sur le visage. Elle a bredouillé quelques mots -« New York« , « attaque« , « avion« – en montrant l’écran géant recouvert de graphiques. Serge De Schryver a basculé sur le canal télé et on a pris les images de la tour en flammes en pleine figure. Le choc. Et très vite l’angoisse quand le deuxième avion a percuté l’autre immeuble. On était là tous les deux, silencieux et hagards. Tous les scénarios, y compris les plus fous, défilaient dans ma tête. Avec cette question lancinante: d’autres avions allaient-ils tomber à Paris, Londres ou… Bruxelles? Les images tournaient en boucle, hypnotiques, impossible de décrocher. Quand j’ai finalement quitté les lieux une bonne heure plus tard pour aller chercher ma fille -que j’ai embrassée comme si j’avais failli ne pas la revoir- et rentrer au plus vite chez moi, l’air était électrique, vicié, pâteux. Je regardais sans cesse le ciel avec appréhension. Dans la rue, les gens se dévisageaient bizarrement. Je ne le savais pas encore mais ce qui me restait d’insouciance venait de fondre comme les poutres du WTC.

« Quelle blague ! » Roland, journaliste au Vif L’Express, est dérangé en congé et croit d’abord à une blague. « Allo ! C’est Jean-Claude », dit une voix que j’ai aussitôt reconnue car c’est celle d’un ami véritable autant que d’un collègue. « Ecoute, on sait bien que c’est embêtant, mais il faudrait que tu viennes quand même au journal, parce quelque chose de très spécial vient d’arriver ». Je l’interromps, persuadé, vu la très bonne ambiance qui règne à la rédaction de mon journal d’alors, que Jean-Claude m’a mitonné une blague de derrière les fagots : « Oui, c’est ça, la Terre vient de se fendre en deux… », crois-je nécessaire de répondre. « Non, non », reprend-il, un peu désarçonné, « un avion est tombé sur le World Trade Centre ». Bien vu, je me dis : l’attrape-nigaud est original. Un jet sur les tours, et puis quoi encore… Il insiste, insiste vraiment. Et plus il en fait, moins je le crois. C’est que la farce bien rôtie est une tradition chère à notre service « informations générales » et que je ne suis pas le dernier à le savoir. Finalement, mort de rire, je raccroche, un peu au nez et à la barbe de mon camarade, je l’avoue. Mais il rappelle, plus sévère : « Bon sang, regarde au moins la télé ! ». Son ton inhabituel m’interpelle. J’allume le poste… tout juste à temps pour voir la seconde explosion. Je m’excuse, pour mon incrédulité mal placée. Puis je saute dans la voiture. Une heure après, je suis à Bruxelles. Et là, horreur et stupéfaction, à hauteur de la place Madou, j’entends des coups de klaxon en nombre, lancés sur le thème « joyeux » de « On a gagné, on a gagné… ». Pauvres fous, pensai-je, avec à l’idée tous ces innocents morts pour la déraison de quelques-uns. Là, il n’y avait vraiment plus de quoi rire.

« 9/11, ma première approche du métier de journaliste. » Pour Trui, journaliste au Knack.be, fraîchement engagée au sein de l’agence Belga en tant que traductrice, ce fut sa première approche du métier de journaliste. « Quand nous avons vu le second avion se fracasser contre le WTC, tout le monde a commencé à courir comme des hystériques dans la rédaction et à crier dans tous les sens. Je ne savais pas ce qu’il se passait, je fus immédiatement réquisitionnée et intégrée dans l’équipe des journalistes qui traitaient l’actualité internationale. Le 9/11 fut donc ma première approche du métier de journaliste. »

« Jusqu’aux petites heures pour mettre à jour les éditions du journal »Eddy, rédacteur en chef de Knack.be: « Lorsque le premier avion s’est écrasé sur l’une des deux tours, j’étais chez le dentiste. Après cette intervention relativement lourde, je suis arrivé juste à temps à la rédaction du journal où je travaillais à l’époque, pour voir en direct comment le second avion entraîna la deuxième tour dans sa chute. Je me suis directement mis à écrire la une et la page 2 du journal. Je suis resté jusqu’aux petites heures pour mettre à jour des éditions sans cesse renouvelées du journal. »

Caroline, journaliste au VifWeekend.be, a vécu les événements des Pays-Bas où elle était en échange Erasmus. « Dans la chambre que je louais, il y a avait une petite télévision. En l’allumant cette après-midi là, je suis tombée sur une édition spéciale diffusée par une télévision néerlandaise juste au moment où le deuxième avion s’écrasait sur l’une des tours. Je n’ai pas compris tout de suite que c’était les Twin Towers, je pensais qu’il s’agissait d’un immeuble en feu quelque part aux Pays-Bas et puis j’ai réalisé l’horreur de la situation. Nous nous sommes alors réunis avec d’autres étudiants étrangers pour suivre les événements. Parmi eux, il y avait un New Yorkais qui venait de débarquer pour l’année académique aux Pays-Bas, il était horrifié et en totale panique. Il se sentait tellement impuissant en regardant en boucle les images de l’attentat qui avait touché sa ville,…

« Nous faisions du sport. »

Et puis, il y a ceux qui ont appris la nouvelle après coup. Kevin, journaliste au Knack.be avait 18 ans à l’époque et était en vacances avec des amis en Crête, il n’a vu les images que tard en dans la soirée, au moment de l’impact, il faisait du sport. « Tous les jours, des animations étaient organisées dans notre hôtel. Le soir du 11 septembre, nous étions au bar de la piscine lorsque l’on nous a annoncé que le show de la soirée était annulé et remplacé par un écran géant sur lequel nous pouvions suivre les événements. Ce n’est qu’à partir de ce moment, pas avant 21 heures, soit 6 heures après la catastrophe, que nous avons été mis au courant. Tout de suite, nous nous sommes rendu compte de la gravité de la situation et le jour suivant, nous avons suivi l’actualité en lisant les journaux. Quand nous avons quitté Heraklion quelques jours plus tard, les mesures de sécurité à l’aéroport avaient été renforcées. »

Maaike, journaliste au Knack.be était en vacances aux Etats-Unis: « Nous campions dans le Grand Teton National Park et avons entendu tôt à la radio d’une station-service que l’ensemble de l’espace aérien américain était fermé. Les personnes présentes nous ont alors raconté qu’un avion s’était écrasé et qu’un autre avait touché les Twin Towers qui ne s’étaient à ce moment-là pas encore effondrées. Toutes les personnes présentes dans le camping en parlaient et nous suivions les événements de près. Mais les images de l’attentat, nous ne les avons vues qu’un jour après, dans un restaurant. »

Anthony, journaliste au Sportfootmagazine.be a appris la nouvelle de la catastrophe par son cousin, au retour de l’école: « En coup de vent, il m’a dit qu’un avion s’était écrasé devant la Maison Blanche à Washington. Je me suis donc dépêché de rentrer chez moi et d’allumer ma télévision. C’est alors que je me suis rendu compte que ce n’était pas la Maison Blanche qui était touchée mais bien les Twin Towers de New-York. De plus, j’étais persuadé qu’il s’agissait d’un accident. Mais en voyant le deuxième avion s’écraser sur l’autre tour, le doute n’était plus permis : une attaque terroriste d’une ampleur jusque là inimaginable se déroulait juste sous mes yeux. »

Vincent, journaliste au KnackWeekend.be, était à l’époque à l’école secondaire: « Je n’ai compris qu’en revenant de l’école en voyant ma soeur et son ami scotchés devant l’écran de télévision que quelque chose de très grave s’était passé. Je suis entrée, j’ai fait valser mon cartable et j’ai découvert les images des Twin Towers en feu. »

LeVif.be

Le 9/11 des politiques

Isabelle Durant, eurodéputée Ecolo, ministre belge des Transports en 2001 « En raison de la présidence belge de l’Union européenne, je suis à Washington le 11 septembre pour une réunion à 8h15 avec mon homologue américain, le secrétaire d’Etat aux Transports, Norman Mineta. Les discussions portent sur la question des « hush kit », des diminueurs de bruit pour les avions fabriqués par Boeing et interdits par l’UE. Un de ses conseillers le prévient qu' »un avion a heurté le World Trade Center » à New York. Il pense dans un premier temps à un accident avec un petit avion civil. Mais il ajoute : « Cela me tracasse parce qu’il y a quelques mois déjà, on a trouvé des colis piégés dans le WTC ». Cinq minutes plus tard, on l’informe qu’un autre appareil s’est écrasé sur la deuxième tour. La thèse de l’attentat terroriste s’impose. La réunion, évidemment, est close. Norman Mineta nous quitte. Plus personne ne sait qui on est dans ce ministère. Il y a une grande confusion. »

André Flahaut, président de la Chambre, ministre belge de la Défense en 2001
« Je suis à mon bureau, au ministère de la Défense à Bruxelles. avec un journaliste allemand de la ZDF qui m’interroge sur l’Europe de la Défense dans la perspective de la présidence belge de l’Union européenne. Mon chef de cabinet m’informe qu’il y a eu un attentat à New York. J’allume la télévision. Et je vois un avion heurté une tour du WTC. Je pense que la chaîne diffuse un replay de l’attentat. Mais non, il s’agit en fait du deuxième avion détourné par les pirates de l’air. Par la suite,on apprend qu’un 3e avion s’est abattu sur le Pentagone, à Washington. Comme je l’avais visité en tant que ministre de la Défense, l’événement prend encore une autre dimension pour moi. »

Guy Verhofstadt, eurodéputé OpenVLD, premier ministre en 2001 « Avec le président de la Commission européenne Romano Prodi et le Haut Représentant pour la politique extérieure Javier Solana, j’assiste, en tant que président en exercice de l’Union européenne, au sommet UE – Ukraine, à Yalta. Nous sommes dans l’ancienne datcha de Staline, en train d’écouter un petit orchestre de jeunes Ukrainiens qui jouent du jazz américain, un environnement symbolique. Mon chef de cabinet m’informe qu’un attentat a eu lieu aux Etats-Unis. J’en avertis le président ukrainien, Leonid Koutchma. Nous rentrons directement à Bruxelles. A l’aéroport de Melsbroeck, je donne une conférence de presse où je dénonce un acte de barbarie contre les Etats-Unis, contre la liberté, la démocratie et la civilisation occidentale ».

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