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Nouveau bain de sang en Egypte

Le Vif

Des violences entre partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi, mobilisés par milliers, et forces de l’ordre ont fait au moins 70 morts vendredi en Egypte, avec des quartiers entiers transformés en champs de bataille.

Le pouvoir mis en place par l’armée après la destitution de M. Morsi affirme désormais se battre contre un « complot terroriste malveillant des Frères musulmans », la confrérie du président déchu, et a autorisé ses hommes à ouvrir le feu sur les manifestants.

Face à cette escalade, qui fait craindre que le pays – sous état d’urgence et où un couvre-feu nocturne est imposé – ne bascule dans le chaos, les Européens envisagent de « prendre des mesures », Berlin allant jusqu’à vouloir réexaminer ses relations avec Le Caire.

Dans le monde arabe, des centaines de personnes ont manifesté à l’appel de groupes islamistes à Khartoum, Amman, Rabat, Jérusalem-Est et en Cisjordanie pour dénoncer « le coup d’Etat » contre Mohamed Morsi et le coup de force contre ses partisans.

Au Caire, verrouillée par l’armée déployée en masse et quadrillée par des « comités populaires » pro-pouvoir, des tirs d’armes automatiques résonnaient dans différents quartiers, notamment autour de la place Ramsès où étaient massés des milliers de partisans des Frères musulmans.

Dans deux morgues improvisées dans des mosquées attenantes, au moins 39 corps ont été comptés. En outre, des sources de sécurité ont affirmé que 31 personnes avaient été tuées dans différentes provinces, sans évoquer de bilan pour Le Caire.

Les télévisions égyptiennes montraient des hommes tirer au fusil d’assaut Kalachnikov depuis un pont du Caire mais il était impossible de savoir s’il s’agissait de manifestants ou de policiers en civil qui quadrillent la ville aux côté des soldats.

Des tirs ont également été entendus dans d’autres grandes villes du pays où les pro-Morsi manifestent comme Alexandrie, Beni Soueif et Fayoum au sud du Caire, et la ville touristique de Hourghada sur la mer Rouge.

Les partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi ont manifesté vendredi, notamment au Caire où les chars de l’armée ont barré les principaux accès et où policiers et soldats ont l’autorisation d’ouvrir le feu, selon les chaînes locales.

La police a tiré à la chevrotine et des grenades lacrymogènes sur des manifestants islamistes dans la ville de Tanta, dans le nord du pays, selon des responsables de la sécurité. Les partisans de M. Morsi ont appelé à manifester « par millions » pour protester contre le « massacre » de près de 600 personnes il y a deux jours notamment dans la dispersion sanglante de rassemblements dans la capitale.

Hollande et Merkel demandent une concertation européenne « urgente »

Le président français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel ont demandé vendredi « une concertation urgente au niveau européen » sur la sanglante crise égyptienne, a annoncé vendredi la présidence française.

Les deux dirigeants se sont entretenus au téléphone et « ont appelé à une cessation immédiate des violences », selon un communiqué de la présidence.

Ils ont également appelé au « retour au dialogue entre Égyptiens. L’Egypte doit retrouver au plus vite le cours de sa vie démocratique ». Le président et la chancelière « ont également demandé une concertation urgente au niveau européen. Ils souhaitent que les ministres des Affaires étrangères de l’Union puissent se réunir rapidement, la semaine prochaine, afin de faire le point sur la coopération entre l’Union européenne et l’Egypte et d’élaborer des réponses communes », selon l’Elysée.
M. Hollande devait s’entretenir vers 16H30 GMT avec le Premier ministre britannique David Cameron, toujours sur le dossier égyptien.

Réunion des ambassadeurs de l’UE lundi à Bruxelles Les représentants des 28 Etats membres de l’UE se réuniront lundi à Bruxelles pour faire le point sur la situation en Egypte, a annoncé vendredi le Service d’action extérieure de Catherine Ashton.

« Une réunion des ambassadeurs (chargés de la politique étrangères et de la sécurité) aura lieu lundi pour évaluer la situation en Egypte », a indiqué le service dirigé par la chef de la diplomatie de l’UE sur son compte twitter. Le but de cette réunion est, précise-t-on, de trouver une position commune des Etats membres et de l’UE concernant la situation en Egypte en vue « de possibles actions ». Cette réunion pourrait également « préparer une possible réunion » des ministres européens des Affaires étrangères.

Une réunion informelle des ministres européens des Affaires étrangères, prévue de longue date, est programmée les 6 et 7 septembre en Lituanie, pays qui a la présidence de l’UE jusqu’à fin 2013.

L’annonce de cette réunion intervient alors que le président français François Hollande a prévu de s’entretenir vendredi de la sanglante crise égyptienne avec deux des principaux dirigeants européens, la chancelière allemande Angela Merkel d’abord, le Premier ministre britannique David Cameron ensuite.

Paris, Londres et Berlin ont chacun convoqué les ambassadeurs d’Egypte en poste chez eux, au lendemain des violences qui ont fait mercredi au moins 578 morts dans ce pays, selon le dernier bilan officiel égyptien.

Le Royaume-Uni et l’Allemagne l’ont fait au niveau de leurs chancelleries respectives. Dans un geste très inhabituel, le chef de l’Etat français l’a fait au palais présidentiel, interrompant pour cela sa semaine de vacances.

Berlin « condamne vigoureusement la violence » Berlin « condamne vigoureusement la violence » en Egypte et appelle toutes les parties à négocier, a déclaré à Berlin le porte-parole du gouvernement.

« Le gouvernement condamne vigoureusement la violence qui au Caire et dans d’autres villes a fait plus de 600 morts, selon des informations officielles », a déclaré Steffen Seibert. « Il n’y a qu’une bonne solution, et c’est celle à laquelle nous appelons, c’est le retour aux discussions. »

« Nous demandons à toutes les parties d’agir pacifiquement et de s’abstenir de tout acte de violence, en particulier aujourd’hui », a-t-il ajouté, alors que les Frères musulmans ont appelé à un « vendredi de la colère ».

« Une escalade pourrait plonger l’Egypte dans un chaos de violence et de représailles », a commenté M. Seibert lors d’une conférence de presse régulière du gouvernement. Il a souligné la « grave inquiétude » du gouvernement allemand après « les informations sur des attaques contre des lieux de cultes ».

Le ministère des Affaires étrangères a lancé quant à lui un avertissement aux touristes, leur déconseillant l’ensemble de l’Egypte. « Les voyages sont déconseillés dans l’ensemble de l’Egypte, celui qui n’est pas obligé d’y aller doit s’en abstenir », a déclaré le porte-parole du ministère, Andreas Peschke.

Selon le dernier bilan officiel egyptien, 578 personnes ont été tuées et plus de 3.000 blessées dans la répression de mercredi.

Rome déconseille séjours et excursions Le gouvernement italien a déconseillé à ses ressortissants de se rendre en Egypte et demandé aux touristes se trouvant dans des localités balnéaires d’éviter les excursions. « Il est vivement conseillé d’éviter les excursions hors des localités touristiques et en particulier dans les villes », a indiqué le ministère italien des Affaires étrangères sur son site internet. « En raison de la présence de conditions de sécurité très précaires dans le Nord du Sinaï, il est déconseillé de s’y rendre. »

Actuellement, selon les opérateurs touristiques locaux cités par l’agence Ansa, environ 19.000 Italiens se trouvent dans les localités touristiques égyptiennes, soit 5.000 de plus que le semaine dernière, un accroissement sans doute lié au pont du 15 août tombant un jeudi.

Mardi, le président de la fédération des tours opérateurs Fiavet, Fortunato Giovannoni, avait déploré « une chute de 80% du nombre de touristes italiens en Egypte, et même de 85% au Caire » par rapport à la même période de l’an passé, en raison de l’instabilité politique des derniers mois.

« Les incidents (de ces derniers jours, ndlr) ont un impact négatif sur les conditions de sécurité aussi bien dans la capitale que dans les principales villes du pays. Il convient donc de suivre attentivement l’évolution de la situation et d’éviter ou limiter au maximum les déplacements dans les zones concernées, en restant à distance de tout type de rassemblement », a encore indiqué le ministère.

« Le risque d’actions terroristes demeure. Une prudence toute particulière est recommandée dans les localités touristiques du Sinaï, dans la région qui fait frontière avec la bande de Gaza, à Alexandrie et au Caire. Il est en outre recommandé d’adopter la plus grande prudence dans les lieux avec de la foule. »

Les tours-opérateurs russes appelés à ne plus vendre des séjours en Egypte

Les autorités russes ont recommandé aux tours-opérateurs du pays de ne plus vendre de séjours en Egypte, alors que plus de 50.000 ont été déjà vendus pour fin août et l’automne, a indiqué une responsable du secteur.

L’agence russe pour le tourisme a recommandé jeudi soir aux tours-opérateurs de cesser de vendre des séjours en Egypte jusqu’à la normalisation de la situation dans ce pays.

« Les séjours (en Egypte) ont été vendus jusqu’à fin septembre, certains pour octobre et début novembre. Il peut s’agir en gros de 50.000 séjours vendus », a indiqué Maïa Lomidzé, directrice de l’Association des tours-opérateurs russes citée par l’agence Ria Novosti.

« Le coût moyen d’un séjour pour une personne s’élève à 600-700 dollars, un manque à gagner pour les sociétés touristiques (en cas d’annulation) qui pourrait atteindre 35 millions de dollars », a-t-elle ajouté.

Le ministère russe des Affaires étrangères a recommandé jeudi aux Russes de s’abstenir de voyager en Egypte en raison des « troubles » qui touchent des zones touristiques.

Plus de 50.000 touristes russes se trouvent actuellement en Egypte, selon l’agence russe pour le tourisme.

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