Koert Debeuf

« Nous devons parler la seule langue que comprend l’État islamique: celle des armes »

Koert Debeuf Directeur du Tahrir Institute for Middle East Police Europe  

Pour Koert Debeuf, spécialiste du Moyen-Orient, « il ne nous reste malheureusement plus qu’à parler la seule langue que l’État islamique comprenne : celle des armes. »

Les images qui nous parviennent quotidiennement depuis l’État islamique (EI) en Irak et en Syrie répugnent tout le monde. Les différences d’origine, de conviction ou de croyance disparaissent devant la barbarie déployée par l’EI. Ces extrémistes sont fort comparables à l’invasion mongole au Moyen-Orient au treizième siècle et à la tentative de destruction totale de la civilisation. À l’instar de Gengis Khan, le calife autoproclamé Abou Bakr al-Baghdadi installe un régime de terreur qui n’épargne rien ni personne.

L’État islamique nous concerne aussi. Les djihadistes extrémistes ont menacé plusieurs fois de semer la violence en Occident. L’attentat au musée juif à Bruxelles a prouvé que c’était possible. Il y a le problème de « nos garçons » qui rejoignent l’EI. En outre, l’État islamique se rapproche dangereusement des frontières de la Turquie, un allié de l’OTAN. Mais indépendamment de la menace directe à l’égard de l’Europe et des États-Unis, nous ne pouvons laisser un territoire de la taille de la Belgique se faire terroriser par une cruauté barbare.

Malheureusement, il n’y a pas moyen de discuter avec ces combattants fanatiques. Les condamnations venues de l’islam ou de la chrétienté ne servent à rien. Les partisans de l’EI sont convaincus d’être les seuls à avoir raison : les autres sont des infidèles dont il faut se débarrasser. Il ne reste donc malheureusement plus qu’une possibilité. Nous devenons parler la seule langue qu’ils comprennent et qui hélas, est celle des armes.

Nous sommes déjà en guerre avec l’EI

Aujourd’hui, l’Europe est déjà en guerre avec l’État islamique. Le Conseil européen des ministres des Affaires étrangères a autorisé le Royaume-Uni et la France à soutenir les États-Unis dans les bombardements aériens contre l’EI et pour donner des armes aux Peshmerga, les troupes kurdes en Irak.

Ces attaques étaient cruciales puisque les djihadistes étaient en route vers Erbil, la capitale de l’Irak kurde. En outre, des milliers d’yézidis étaient sur le point de mourir de faim. D’un point de vue psychologique, l’attaque était importante pour briser l’image de l’invincibilité des combattants de l’EI.

L’Arabie-Saoudite, la Jordanie et la Turquie doivent prendre les commandes

Cependant, il faudra aller plus loin pour faire cesser la folie de l’EI. Pour éviter les erreurs de la guerre en Irak et en Afghanistan, il est primordial que ce ne soit pas l’OTAN ou une autre alliance occidentale qui prennent les commandes dans la lutte contre l’EI. Cela serait un cadeau du ciel pour les djihadistes qui parleraient d’une nouvelle croisade et attireraient de nouvelles recrues. C’est pourquoi il faut qu’une coalition régionale prenne la tête des opérations.

Idéalement, ce serait les pays voisins : l’Arabie saoudite, la Jordanie et la Turquie. Il faut également impliquer l’Irak pour empêcher les groupes extrémistes chiites de profiter de la perte de l’EI, comme c’est parfois le cas aujourd’hui autour de Bagdad.

Assad complice de l’ascension de l’EI

Le général américain Martin Dempsey a déclaré, il y a quelques jours, qu’il serait illusoire de penser pouvoir battre l’EI en Irak sans le combattre en Syrie. Et comme en Irak, il faut donc un gouvernement inclusif, démocratique et donc antisectaire. Malheureusement, il s’est rapidement avéré lors des négociations à Genève que Bashar Al Assad ne voulait rien savoir.

Armer et renforcer les rebelles syriens

Aussi, Robert Ford, l’ancien ambassadeur américain en Syrie, conclut-il qu’il faut renforcer et armer les rebelles modérés. Ce sont en effet les seuls à avoir combattu systématiquement l’ISIS de l’époque. Le fait que l’Armée syrienne libre et les troupes kurdes soient prêtes à s’associer, ne les rend que plus crédibles comme partenaires. Finalement, dit Ford, seule une armée de rebelles forte pourra contraindre le régime à négocier et à aboutir à un gouvernement unitaire.

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