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Nigeria: la mort au rat pour lutter contre la fièvre Lassa

Le Vif

La demande de mort aux rats a explosé au Nigeria, où une épidémie de fièvre Lassa a déjà fait 76 morts et menace de se propager dans le pays.

La transmission de cette fièvre hémorragique se fait par les excrétions (excréments, mucus, salive…) de rongeurs ou par contact direct avec du sang, des urines, des selles ou d’autres liquides biologiques d’une personne malade.

A Kano, plus grande ville du nord du pays et capitale d’un des 17 Etats touchés par l’épidémie, les ventes du poison ont été multipliés par quatre depuis l’annonce de l’épidémie plus tôt ce mois-ci, selon Shehu Idris Bichi, à la tête du syndicat des commerçants de produits chimiques.

« Les commerçants font de très bonnes affaires, parce que les gens achètent des quantités sans précédents de ce produit pour se débarrasser des rats qui causent la maladie », a-t-il expliqué à l’AFP.

Abubakar Ja’afar travaille dans le plus grand marché de Kano, et il n’a jamais vu un tel boom des ventes en vingt ans de métier. Et il dit recevoir des récits similaires de commerçants d’autres villes nigérianes.

« Avant j’avais entre cinq et 10 clients par jour, maintenant ils sont au moins 30 », s’étonne-t-il. « Et des gens auxquels on ne s’attend pas, en raison de leur statut social ». Mais « la fièvre Lassa ne fait pas la distinction entre riches et pauvres ».

On voit défiler partout des marchands ambulants, armés de mégaphones, faisant la promotion de leur produit.

« Avant je gagnais jusqu’à 500 nairas (2,5 dollars, 2,3 euros) par jour. Maintenant je gagne entre 2.000 et 4000 nairas par jour », s’enthousiasme Awwalu Aminu.

– Tabou –

Le ministre nigérian de la Santé, Isaac Adewole, a affirmé plus tôt cette semaine que 212 cas suspects de fièvre Lassa avaient été rapportés à travers le pays.

Selon le Centre américain de contrôle et de prévention des maladies (CDC), il y a de 100.000 à 300.000 cas de fièvre Lassa par an en Afrique de l’Ouest dont 5.000 décès.

En 2012, il y a eu 1.723 cas dont 112 décès au Nigeria et l’année dernière, 12 personnes sont mortes sur 375 personnes infectées, selon le Centre nigérian de contrôle des maladies.

Durant l’épidémie de fièvre Ebola particulièrement meurtrière qui a sévi en Afrique de l’Ouest en 2014, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait salué « le succès spectaculaire » du Nigeria, qui avait réussi à contenir ce qui aurait pu devenir « une épidémie urbaine apocalyptique » grâce, notamment, à la réaction très rapide des autorités.

Mais la récente épidémie de fièvre Lassa semble mettre en lumière les failles du système de santé nigérian, notamment des patients peu informés, un manque d’équipement dans certains endroits et un personnel médical pas toujours formé à reconnaître le virus.

Le premier cas, apparu en août dernier dans l’Etat de Niger, n’a été rapporté qu’à la fin de l’année dernière.

Une campagne d’information a depuis été lancée, ainsi qu’un système de surveillance des personnes ayant été en contact direct avec les malades.

Le gouvernement a aussi dénoncé le tabou autour de la maladie et prévenu le personnel médical que les cas non signalés aux autorités engendreraient des sanctions.

Gestion des déchets

Lawan Bello ne prêtait pas vraiment attention aux rats, chez lui, jusqu’à présent, sauf quand les rongeurs s’en prenaient à ses vêtements, à sa nourriture ou à ses meubles.

Mais il dit avoir changé avec la récente épidémie.

« J’achète fréquemment de la mort aux rats et je l’utilise chez moi (…) et je continuerai jusqu’à ce que ma maison en soit débarrassée », affirme-t-il.

« J’ai peur de la fièvre Lassa, du coup je déteste les rats ».

Si les efforts individuels se multiplient pour chasser les rats hors des maisons, la gestion des déchets reste un problème majeur dans les grandes villes.

« Partout où on se tourne, on voit des amoncellements de déchets qui sont un terrain fertile pour les rats », qui « se reproduisent vite », déplore Idris Musa, un travailleur social à Kano.

En 2007, Kano produisait 2.000 tonnes de poubelles par jour, tandis que les éboueurs ne pouvaient en ramasser que 800 tonnes, selon l’agence locale de gestion des déchets.

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