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New York sous la menace nord-coréenne

Le Vif

New York est désormais à portée des missiles nord-coréens, une menace qui paraît irréelle aux jeunes mais rappelle aux anciens la Guerre froide et les abris antiatomiques qui pullulent encore dans la ville.

L’hypothèse d’une attaque sur la mégalopole américaine n’occupe pas les conversations, ce samedi après-midi, mais beaucoup ont tout de même l’histoire en tête.

Les jeunes ont dû mal à se la représenter comme quelque chose de concret, susceptible de changer le cours de leur existence.

« On a une base en Corée du Sud avec une défense antimissile, donc je ne suis pas vraiment inquiet », dit Peter Chang, né à Taïwan et qui a grandi aux Etats-Unis. « Je pense qu’ils bluffent », ajoute-t-il.

« Je ne crois pas que la menace soit réelle » malgré les essais nord-coréens de vendredi, abonde Rosa, jeune new-yorkaise de 26 ans qui n’a pas souhaité donner son nom de famille.

« Je ne m’inquiète pas de savoir si la Corée du Nord va nous attaquer demain », assure son ami Allan, 26 ans également, qui n’a pas non plus voulu décliner son patronyme.

Les plus vieux ont, eux, souvent une lecture plus grave des faits, marquée par la Guerre froide.

« Ils ont grandi, grandi. Personne ne disait rien, et maintenant, ils l’ont », dit, au sujet du feu nucléaire nord-coréen, Steve Kovalenko, mécanicien de 71 ans, un peu fataliste.

« Les gens sont inquiets, mais personne ne fait rien », regrette-t-il.

Le leader nord-coréen Kim Jong-Un inquiète Steve, mais le président américain Donald Trump, son imprévisibilité et son agressivité, presque autant.

Les dernières heures ont ramené David Arthur, un autre New-Yorkais, plusieurs décennies en arrière. Lui qui a aujourd’hui 62 ans s’est revu écolier, à 11 ans, faisant des exercices de sécurité dans sa classe.

« Tout le monde en parlait », se souvient-il, au sujet de la menace nucléaire soviétique, qui se rappelait à chacun chaque mardi matin, avec le bruit des sirène, le temps d’un test.

Laverie automatique

C’est à cette époque que le gouverneur de l’Etat de New York, Nelson Rockefeller, a priorisé les abris antiatomiques.

En 1963, quelque 17.448 bâtiments avaient été identifiés par l’armée comme abris.

Ils étaient reconnaissables à leur panneaux jaune et noir reprenant le symbole de la radioactivité. Ils sont encore là, sur des dizaines d’immeubles, dont de nombreux résidents interrogés par l’AFP ignorent la signification.

Dans celui de David Arthur, l’abri a été transformé en laverie automatique, au sous-sol. Loin d’être confiné, le lieu a plusieurs fenêtres donnant sur la rue et n’offrirait donc qu’une protection très limitée en cas d’attaque.

« Ce programme n’est plus actif depuis des décennies, donc il ne serait pas fiable », confirme Jeffrey Schlegelmilch, directeur adjoint du National Center for Disaster Preparedness, intégré à l’université de Columbia.

Depuis plusieurs années, New York a préféré investir dans un autre dispositif d’urgence, qui est aujourd’hui l’un des plus aboutis aux Etats-Unis, selon M. Schlegelmilch.

Le 25 avril, les autorités locales ont organisé, sous l’égide de l’agence fédérale des situations d’urgence (Fema), un exercice à grande échelle, baptisé « Gotham Shield » (« bouclier de Gotham », le surnom de New York), avec hôpital de campagne dans un stade de football.

Mais ces exercices concernent le scénario d’une bombe portable (« suitcase bombe ») ou d’une bombe conventionnelle mélangée à de la matière radioactive, qui serait activée sur place et vraisemblablement d’une puissance limitée.

« Je crois qu’aucune ville ou région (aux Etats-Unis) n’est complètement préparée », en revanche, à une attaque venue des airs, avec un engin de capacité supérieure, explique M. Schlegelmilch.

Mais pour lui, la priorité est à la pédagogie. « Comment parler de la menace d’une guerre nucléaire sans donner l’impression que vous cachez des choses ou faire peur inutilement ? », s’interroge-t-il. « Nous commençons tout juste à en discuter dans ce pays. »

« Il faut que cela soit aux informations tous les jours », plaide David Arthur, qui se dit « terriblement inquiet ».

Du côté de Korea Town, le petit quartier coréen au coeur de Manhattan, deux jeunes coréennes, installées aux Etats-Unis, s’inquiètent beaucoup plus pour leurs familles, restées en Corée du Sud, que pour les Américains.

« Nous ne voulons pas d’une nouvelle guerre », dit l’une d’elle, refusant de donner son nom. « Je ne veux pas que notre pays se retrouve au milieu d’autres », prisonnier de manoeuvres géopolitiques.

« Mais », dit-elle, « je ne crois pas que les Etats-Unis s’en soucient. »

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