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Népal: ces « ice doctors » qui bravent l’Everest

Le Vif

Ang Kami Sherpa est un sherpa très expérimenté habitué à préparer la voie des alpinistes dans la cascade de glace du Khumbu, passage très délicat de l’ascension de l’Everest, mais cette fois, même lui est plus nerveux que d’habitude.

Sherpa appartient au groupe de « ice doctors » revenu en août sur la voie d’accès au sommet de 8.848 mètres, quatre mois après le gigantesque séisme qui a déclenché une avalanche meurtrière au camp de base de l’Everest. Son équipe de guides prépare la route pour la saison d’automne, une période que même en temps normal seuls une poignée d’alpinistes choisissent pour tenter l’ascension de l’Everest, la plupart optant pour le printemps. Cette année, le Japonais Nobokazu Kuriki est l’unique alpiniste à vouloir gravir le toit du monde à l’automne, avec une équipe d’accompagnement jusqu’au camp de base 2 à environ 6.400 mètres d’altitude. A 63 ans, Sherpa est l’un des meilleurs connaisseurs de la voie, ayant commencé à gravir les hauts sommets en 1975 quand il accompagna la Japonaise Junko Tabei, première femme à gravir l’Everest. Mais cette fois le pionnier des « ice doctors » se dit inquiet depuis le séisme d’avril qui a tué près de 9.000 personnes, dont 18 sur le toit du monde. « Notre métier est plus compliqué cette année, la montagne a changé » après le séisme, dit Sherpa par téléphone depuis le camp de base de l’Everest où son équipe à commencé à travailler.

« Il y a toujours un risque ici mais nous sommes un peu plus inquiets cette année ». Ces guides népalais sont les premiers à ouvrir un itinéraire en arrimant cordes et échelles au-dessus des crevasses et de la glace en mouvement perpétuel. Cette année, le danger est plus important en raison des répliques du séisme, qui ont accru le risque d’avalanches. La communauté des guides népalais avait été endeuillée en 2014 par la mort de 16 d’entre eux dans une avalanche survenue précisément dans la cascade de glace, qui avait abouti à l’arrêt de toute ascension pour l’année.

Répliques et avalanches

Nombre de spécialistes s’interrogent sur la pertinence d’exposer ces guides aux risques d’une nouvelle avalanche ou d’une réplique pour préparer le terrain à un alpiniste. Un « ice doctor » peut gagner 3.500 dollars en une saison, une somme importante dans un pays où le revenu moyen annuel est d’environ 705 dollars. L’Everest attire des centaines d’alpinistes en avril et mai, quand les conditions sont les plus favorables.

Ang Dorjee Sherpa, président du Sagarmatha Pollution Control Committee (SPCC), qui gère le sommet, estime qu’il n’y avait d’autre option que d’envoyer des guides préparer le terrain depuis que le gouvernement a repris la vente de permis d’ascension. « C’est notre métier de préparer l’itinéraire, peu importe le nombre d’alpinistes », dit-il à l’AFP.

« Le tourisme a souffert dans son ensemble et s’il y a au moins une ascension de l’Everest cette année, cela permettra d’envoyer un message positif ».

‘Colonne vertébrale de l’Everest’

Chaque jour, « l’ice doctor » et son équipe quittent le camp de base avant l’aube pour une journée de travail souvent de plus de 12 heures.

Si Sherpa s’est forgé son expérience sur les pentes, nombre de ses confrères se sont récemment inscrits pour une formation au Khumbu Climbing Center (centre d’escalade de Khumbu), crée par l’alpiniste américain Conrad Anker. « Les ‘ice doctors’ connaissant très bien la montagne, ils sont très expérimentés », dit Ang Tshering Sherpa, président de l’association d’alpinisme du Népal. « Ils sont la colonne vertébrale de l’Everest, toutes les ascensions dépendent des risques qu’ils prennent à l’origine ». Le spécialiste américain de l’Everest Alan Arnette souligne que les jours sont plus courts et plus froids à l’approche de l’hiver, compliquant la réussite de l’ascension.

« Les expéditions de l’Everest au printemps ont un taux de réussite de 66%, comparé à 29% pour l’automne », dit Arnette à l’AFP. Néanmoins, l’alpiniste japonais Kuriki se dit déterminé à grimper à partir de mi-septembre. Il avait échoué lors de sa dernière tentative à l’automne 2012 et avait dû être secouru depuis le camp de base 2, perdant neuf de ses doigts en raison du gel. Lors de son ascension, les ice doctors surveilleront attentivement son itinéraire, avec un oeil sur le temps qui passe. « Je fais cela pendant tant d’années mais cette fois, c’est différent », dit leur chef de file. « On espère que rien ne va arriver ».

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