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Mystère : Comment Ikea calcule ses prix ?

Le Vif

Comment cette multinationale établit-elle ses prix et choisit-elle les modèles qui seront vendus dans ses magasins ? Ou autrement dit, comment fait-elle pour que ses produits se retrouvent dans un maximum de foyers. Une méthode aussi ancestrale qu’impitoyable est à l’origine du succès.

Anthony Landry, un chercheur de la Bank of Canada et Marianne Baxter, économiste à la Boston University ont tenté de percer la stratégie de la marque en fouillant ses catalogues sur plusieurs décennies.

Une logique darwinienne

Ils en ont conclu que le modèle économique de l’entreprise serait basé sur une impitoyable logique darwinienne. Une logique ou seuls les plus adaptés survivent. Les meubles best-sellers qui ont traversé les années sont donc des survivants.

Des survivants qui sont aussi de moins en moins chers, puisqu’au plus un produit a tendance à perdurer dans le temps, au plus son prix baisse. Par exemple la chaise Poäng, vendue à plus de 1.5 million d’exemplaires chaque année, a vu son prix fondre depuis quatre décennies.

Cette chaise a été créée par le designer finnois Alvar Aalto en 1939 avant que la patente soit rachetée à la fin des années 70 par la firme. S’il s’agit d’un modèle de la version d’Aalto, soit la chaise 406, les prix vont jusqu’à 4000 dollars. Le modèle Ikea était encore vendu 300 dollars en 1990. Aujourd’hui, il ne vous en coûtera plus que 79 dollars.

Mystère : Comment Ikea calcule ses prix ?
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Même si le prix des meubles a fortement baissé ces dernières années à cause de la globalisation du marché, la réduction tarifaire n’en est pas moins impressionnante. De telles baisses de prix ont aussi été remarquées pour la table Lack ou les étagères Billy, deux autres stars du catalogue Ikea.

Mais dire que tous les prix du catalogue ont fortement baissé serait faux. La vérité est plus complexe et plus subtile comme l’ont remarqué les deux économistes. Ikea baisse de nombreux prix, mais surtout modifie en permanence son offre et les déclinaisons de celle-ci.

En gros, pour survivre et revenir dans les catalogues suivant, un meuble doit, selon une logique très darwinienne, d’être le plus fort. Un meuble fort est un meuble qui plaît et qui n’est pas trop cher à produire. Si la compagnie ne trouve pas un moyen de les produire à moindres coûts ou de les modifier quelque peu pour qu’ils soient plus faciles à transporter le produit à peu de chance de survivre selon Baxter.

Ikea est donc obsédé par le prix. L’objectif interne est de toujours avoir des prix inférieurs d’au moins 20 % à ceux de la concurrence sur des produits comparables. Les prix ont, par exemple, été abaissés de 20 % dans la décennie 1999- 2009.

Ikea en quelques chiffres

Ikea est une compagnie unique en son genre. Elle navigue dans des eaux largement encore inexplorées par les structures économiques classiques. Avec un modèle pratiquement inimitable qui fait qu’ils sont, dans le monde de l’ameublement de masse, les seuls à occuper cette place.

– L’exercice fiscal 2015 s’est terminé sur un bénéfice net de 3,2 milliards d’euros avec une marge brute de quasi 43%. C’est le genre de marge que l’on ne retrouve que chez les très grandes marques de luxe. Son PDG pense même que la firme suédoise pourrait atteindre un chiffre d’affaires global de 50 milliards d’euros d’ici l’année 2020.

– La Billy avait déjà été écoulée dans le monde entier à plus de 41 millions d’exemplaires le jour où elle fêtait ses 30 ans en 2009. Elle est même devenue un indice utilisé par l’agence Bloomberg pour comparer le coût de la vie dans différents pays. La Slovaquie est le pays où la Billy est la moins cher, elle n’y coûte que 39,35 dollars. En Egypte, pays le plus cher, elle coûte 101,55 dollars.

– La firme consomme à elle seule 530 millions de mètres cubes de bois par an, soit 1% de tout le bois produit à grande échelle dans le monde.

– Un magasin classique à une surface d’environ 35 000 m2 et propose près de 8 500 produits différents.

Les prix diminuent en moyenne chaque année d’un pour cent. Cela n’empêche pas certains prix d’augmentés, mais cela se fait petit à petit. D’autres prix chutent drastiquement. Ces baisses de prix sont visibles et la firme communique dessus. Plus étrange, ils font baisser les prix dans un pays, mais les augmentent dans un autre. Cette différence s’explique selon un porte-parole d’Ikea aux États-Unis par « un profil compétitif unique à chaque pays ».

Être compétitif est une chose, plaire à un plus grand nombre en est une autre. Pour rester dans le catalogue, tout ne serait pas en effet qu’une question de coût. Il faut que le produit plaise. Si le produit, pour ou une raison ou une autre, ne convainc pas et n’atteint pas ses objectifs, il sera lui aussi supprimé. Sans pitié.

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