Montebourg : le rêve du troisième homme
Arnaud Montebourg a créé la surprise avec 17 % des voix au premier tour de la primaire. Va-t-il transformer sa dynamique en mouvement structuré ? La tentation est grande.
Cité Romain-Rolland, à Saint-Denis. Le 30 septembre, Arnaud Montebourg se rend sans caméras dans ce ghetto urbain grisâtre. Dans une salle gérée par l’association Banlieues +, à l’ombre des tours, 40 personnes sont venues découvrir le défenseur du protectionnisme européen. Jusqu’à 23 heures, le socialiste vante le dédoublement des effectifs dans l’école, sa réforme de la police, le contrôle des banques. « Nous sommes du même monde, le monde rural et le monde ouvrier », tente d’argumenter, face à la salle, le député bourguignon, impeccable dans son costume-cravate.
Sceptique, un trentenaire prend la parole : « Vous, les politiques, vous ne venez que pour les élections ! » Le député fixe son contradicteur droit dans les yeux. « Vous ne me connaissez pas, lui répond Montebourg sèchement, sinon vous ne me parleriez pas comme cela. » Son interlocuteur, surpris, ne se laisse pas démonter : « C’est normal que je ne vous connaisse pas, je ne suis pas originaire de Saône-et-Loire ! » Carrément vexé, le parlementaire s’agite sur sa chaise, avant de s’emporter : « Mais je suis de France ! Et mon rôle, c’est d’affronter les causes, y compris votre amertume. »
L’invité surprise de cette primaire, l’homme aux quelque 370 000 voix contestatrices, a encore de la marge pour devenir le futur porte-voix incontesté des déshérités. Mais il a réussi l’acte I de sa pièce présidentielle, avec dans le viseur l’échéance présidentielle de 2017. « Pour la première fois émerge un leader à gauche post-génération Mitterrand », se félicite son bras droit, le maire de Ris-Orangis, Thierry Mandon.
Marier « un courant et une structure ouverte »
Pour transformer l’essai, Montebourg voit grand. « Evoluer à l’intérieur du PS, c’est se condamner à l’épuisement, poursuit Mandon. Il nous faut un ancrage nouveau, un mouvement plus large que le PS, utilisant à fond l’informatique. » Pas question de faire un club de supporteurs, comme les réseaux Désirs d’avenir de Ségolène Royal, jure-t-on dans son équipe. L’idée n’est pas non plus de fonder un groupe de réflexion monothématique, sur le modèle de celui qu’avait lancé justement Arnaud Montebourg, en 2001, avec la C6R, la Convention pour la VIe République.
Non, la tentation est plutôt de marier « un courant et une structure ouverte », pour reprendre les termes du directeur de campagne de la primaire, l’ancienne plume de Lionel Jospin à Matignon, Aquilino Morelle. Ce mouvement se tournera-t-il vers Jean-Luc Mélenchon, l’autre héraut de la gauche radicale ? Mandon réfute l’idée : « Nous ferons la campagne du PS et, dès le lendemain de la désignation, nous serons au service du ou de la candidate. Mélenchon n’avait qu’à participer à la primaire. »
M. W.
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