© Reuters

Monaco : l’affaire Pastor prend des allures de polar

Muriel Lefevre

Le mystérieux assassinat de l’une des plus grandes héritières de Monaco met en lumière l’une des familles les plus riches et secrètes du rocher. L’affaire suscite de nombreuses interrogations, d’autant plus que ce fait divers réunit tous les ingrédients du polar.

Les Pastor, une dynastie monégasque d’origine italienne, possède un empire immobilier colossal dans la ville la plus chère du monde. Propriétaires de quelque 500000 mètres carrés de logements et locaux commerciaux, dont des gratte-ciel entiers sur le front de mer, leur fortune est évaluée à 30 milliards d’euros. C’est beaucoup plus que la famille princière et ce chiffre pourrait encore être en dessous de la réalité. Cette incroyable succes-story est pourtant en passe de tourner au polar noir et poisseux depuis que l’une de ses principales héritières a été tuée dans un guet-apens.

Un mystérieux guet-apens

Le 6 mai 2014, Hélène Pastor, 77 ans, se rend au chevet de son fils Gildo, 47 ans hospitalisé depuis le mois de janvier à la suite d’un grave accident vasculaire cérébral. Elle est accompagnée de son chauffeur et majordome d’origine égyptienne, Mohamed Darwich. A sa sortie de l’établissement, vers 19h10, Hélène prend place sur le siège passager lorsqu’un homme dont le visage est caché par une casquette surgit et fait feu à travers les vitres. Hélène Pastor est touchée au thorax, au cou et à la mâchoire. Son chauffeur au coeur et à l’abdomen. Le tueur vérifie qu’il a bien touché ses cibles et s’enfuit à pied. Laissant médusé les témoins de la scène. La scène est filmée par une caméra de vidéosurveillance.

Le chauffeur décède le 10 mai sans avoir pu parler aux enquêteurs. Hélène Pastor a brièvement pu s’entretenir avec les enquêteurs, mais ne survivra pas non plus à ses blessures puisqu’elle décèdera le 21 mai. Elle aura juste le temps de murmurer aux policiers qu’elle ne comprenait pas pourquoi on s’en était pris à elle ni savoir qui pourrait « lui en vouloir ».

Un rebondissement spectaculaire dans l’affaire

Coup de théâtre. Le 23 juin, la fille et le gendre de la femme d’affaires font partie de 20 personnes interpellées au sujet du meurtre. Pourtant les motifs restent obscurs. Selon les informations de l’Express, « les policiers ont à ce jour peu de certitudes. Il s’agirait d’un contrat, exécuté par des tueurs à gages, affirme une source proche de l’enquête. Hélène Pastor aurait donc été assassinée à la demande d’un commanditaire. Mais le mode opératoire du tireur et de son complice, probablement grimés, fleure l’amateurisme. On est loin, du moins en apparence, des méthodes du grand banditisme ou de la mafia. Les enquêteurs n’écartent cependant aucune piste. ». Selon Le Point, plusieurs dizaines de personnes sont soupçonnées d’avoir participé de manière directe ou indirecte à cet assassinat. « Parmi les individus interpellés se trouvent des guetteurs, les donneurs d’ordre, des exécuteurs présumés, qui sont, pour la plupart, originaires de la cité des flamants et des cèdres à Marseille. Une grande partie d’entre eux est issue de la communauté comorienne, d’autres sont d’origines maghrébine, antillaise et haïtienne. » précise le magazine.

L’indice du gel douche

Comme dans tout bon polar c’est souvent un indice qui fait basculer l’affaire. La Gazette de la Côte d’Azur raconte que grâce aux enregistrements vidéos et aux témoignages, les policiers ont pu retracer l’itinéraire des deux tueurs à gages. Dans leur chambre d’hôtel, ils ont retrouvé des traces d’ADN sur un gel douche. Les auteurs auraient aussi pris un taxi pour un montant de 500 euros qui les a transportés de Nice à la gare de Marseille. Le témoignage du chauffeur de taxi aurait lui aussi été déterminant.

Les hypothèses les plus folles

Il est vrai que six semaines après l’assassinat, les hypothèses les plus contradictoires circulent à Monte-Carlo. Tentative de racket, vengeance sordide, affaire familiale, mafia russe ou calabraise…

Pourtant, selon Frédéric Laurent, un journaliste et fin connaisseur de la principauté interviewé par L’Express, « Ce meurtre est incompréhensible. Une femme immensément riche comme Hélène Pastor n’avait aucun intérêt à se mêler à des affaires troubles. » Il poursuit: « A moins qu’en s’en prenant à elle on ait voulu faire passer un message indirect : attention, nous pouvons frapper… » Admettons, mais quel message, destiné à qui? A Gildo, son fils ? Au clan Pastor ? Aux grandes familles de la principauté? Mystère. ». Dernier fait troublant, elle versait un « salaire » mensuel de 500000 euros à son fils Gildo qui était considéré comme l’original de la famille. Malgré cette rentrée confortable, il n’avait pas réellement d’indépendance financière. De quoi alimenter des rumeurs : Gildo aurait-il été tenté d’emprunter discrètement de l’argent à des personnages douteux pour financer ambitieux projets ?

Si Hélène Pastor n’attirait pas la sympathie – selon l’Express c’était une femme « sèche, voire cassante. Une maîtresse femme en tailleur Chanel qui se contente d’encaisser les loyers faramineux que lui rapportent ses immeubles » – , son meurtre étonne pourtant puisque, toujours selon l’Express, « elle ne s’est jamais aventurée dans le secteur de la construction, qui est de loin le business le plus juteux, le plus risqué aussi ». Sa fortune au moment de sa mort était tout de même estimée à une valeur de 10 et 12 milliards d’euros. De quoi susciter la convoitise…

Une dynastie richissime Les véritables débuts de la fortune familiale remontent aux années 1970 ou Gildo Pastor a un véritable coup de génie en ne cédant jamais de titre de propriété de ses biens. Louer ses milliers d’appartements et encaisser, encore et encore, les loyers les plus chers au monde. Le décès de Gildo, en 1990, va séparer la famille en trois branches qui vont s’allier ou se battre férocement entre elles selon les circonstances. S’ils se diversifient la principale activité de la première branche, reste la construction et joue à un Monopoly géant au sein de la principauté. La deuxième branche de la famille Pastor est la plus connue. Michel, décédé le 2 février dernier à l’âge de 70 ans, était une figure incontournable sur le Rocher. Il avait entre autres été président de l’AS Monaco de 2004 à 2008. Pour la petite histoire, en 2004, l’une de ses trois filles, Alexandra, épouse David Hallyday. Hélène Pastor qui a été assassinée le 6 mai était à la tête de la troisième branche. En 1990, lors de la mort du patriarche, elle était la moins bien lotie avec « seulement » une demi-douzaine de buildings prestigieux.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire