Erdogan et Obama, réunis enseptembre 2014 © Reuters

Mise en garde des USA et de la Turquie au quatrième jour des frappes russes en Syrie

Les avions de combat russes ont bombardé samedi des cibles du groupe djihadiste Etat islamique (EI) au quatrième jour de leur intervention en Syrie, mais les Etats-Unis ont continué à dénoncer la stratégie de Moscou visant à défendre le régime de Bachar al-Assad. La Turquie a également appelé M. Poutine à reconsidérer ses frappes, accusant les militaires russes de faire l’impasse sur les dizaines de civils tués dans leurs raids.

Selon le ministère de la Défense russe, une série de frappes ces dernières 24 heures ont détruit un poste de commandement et un bunker de l’EI près de la ville de Raqa, la « capitale » de l’organisation extrémiste située dans le nord-est du pays en guerre.

L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) a fait état de frappes russes samedi avant l’aube contre des positions de l’EI à l’ouest et au nord de Raqa. « Les explosions ont été entendues jusque dans la ville ».

Déclenché en mars 2011 par une révolte populaire brutalement réprimée, le conflit en Syrie, déjà très complexe, a pris un nouveau tournant avec l’implication des Russes, alliés du régime Assad qui a perdu les deux-tiers du pays dans les combats. Ceux-ci opposent régime aux rebelles mais aussi groupes rebelles rivaux dans un pays de plus en plus morcelé.

Pour le président américain Barack Obama, une coopération avec la Russie sur le dossier syrien reste possible à condition qu’il reconnaisse qu’un changement de régime est nécessaire. Mais Moscou ne veut rien entendre et considère le régime Assad comme un rempart face à l’EI.

Depuis le début de ses opérations militaires mercredi en Syrie, la Russie a visé l’EI mais surtout aussi le groupe rebelle du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, et ses alliés islamistes, selon des sources syriennes et une ONG. Elle a également, dans une moindre mesure, frappé des petits groupes rebelles soutenus par les Etats-Unis.

Le Front Al-Nosra, considéré comme un groupe « terroriste » également par Washington, et ses alliés ont infligé le plus de revers au régime Assad cette année, alors que l’EI a concentré sa guerre contre les groupes rebelles rivaux à qui il a pris plusieurs régions.

Catastrophe assurée

Moscou soutient que ses frappes visent l’EI, le Front al-Nosra et « d’autres groupes terroristes ». Or, à la différence des pays occidentaux, le Kremlin qualifie de « terroriste » tout groupe combattant le régime Assad.

Les Occidentaux, en tête desquels les Etats-Unis, ont critiqué la stratégie russe, en insistant que les frappes ne devraient pas toucher les groupes rebelles qu’ils soutiennent.

Le président russe Vladimir Poutine « ne fait pas la différence entre l’EI et une opposition (syrienne) sunnite modérée. De leur point de vue, ce sont tous des terroristes. Et c’est une catastrophe assurée », a dit M. Obama vendredi.

La Turquie accuse également Moscou de ne pas réellement viser le groupe djihadiste et de concentrer ses attaques sur les forces syriennes modérées.

Après avoir rencontré M. Poutine à Paris, le président français François Hollande a assuré avoir lui aussi insisté sur la nécessité de viser « Daech et uniquement Daech », un acronyme en arabe de l’EI. Mais les Etats-Unis et leurs alliés reprochent surtout à Moscou son soutien indéfectible au régime Assad.

« Nous n’allons pas pouvoir tenir des négociations (avec Moscou) s’il n’y a pas une reconnaissance qu’il doit y avoir un changement de gouvernement. Le problème ici, c’est Assad et la violence qu’il inflige au peuple syrien, et ça doit s’arrêter », a ajouté M. Obama.

Médecins blessés

D’après les renseignements britanniques, seules 5% des frappes russes en Syrie ont visé les combattants de l’EI, la majorité des raids ayant « tué des civils » et visé l’opposition modérée.

L’opposition syrienne et l’OSDH ont elle aussi fait état de dizaines de victimes civiles, dont des enfants dans ces frappes. Jeudi, elles ont visé un « hôpital de campagne » à Latamné dans la province centrale de Hama et « des médecins ont été blessés », a indiqué l’OSDH.

Une coalition d’une soixantaine de pays menée par les Etats-Unis – et à laquelle la Russie ne participe pas – mène, elle, depuis septembre 2014 des frappes contre l’EI en Syrie, sans parvenir à venir à bout du groupe jihadiste qui contrôle la moitié du territoire syrien.

Les Russes, qui ont déployé plus de 50 avions et hélicoptères en Syrie, n’ont pas l’intention d’en rester là. Les raids vont durer « trois à quatre mois » et « s’intensifier », a assuré le président de la Commission des Affaires étrangères de la chambre basse du Parlement russe, Alexeï Pouchkov.

Depuis le début du conflit, plus de 240.000 personnes sont mortes et quatre millions ont quitté la Syrie, occasionnant une crise migratoire majeure.

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