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Mikheïl Saakachvili: « La démocratie géorgienne existe bel et bien »

Le président géorgien Mikheïl Saakachvili défend son bilan. Et accuse Moscou de basses manoeuvres.

Une coalition d’opposition, le Rêve géorgien, a vu le jour pendant la campagne électorale. N’est-ce pas une bonne nouvelle pour la démocratie en Géorgie ?

Notre pays a besoin d’une opposition crédible et efficace. Mais le Rêve géorgien n’a pas vraiment d’idéologie ni de programme articulé. C’est un assemblage de personnalités aux opinions contradictoires. Des nationalistes extrémistes et xénophobes y côtoient des partisans d’un engagement plus prononcé en faveur de l’Europe. En fait, ce qui unit ces gens, c’est l’argent et, ne l’oublions jamais, de l’argent russe. Or, quand l’argent est la seule source du pouvoir, au point d’occulter le débat d’idées, il devient difficile de parler de continuité démocratique.

A moins de deux semaines du scrutin, la campagne électorale a été marquée par le scandale des vidéos révélant la pratique de la torture dans les prisons géorgiennes. Une tache pour votre gouvernement…

C’est vrai. Jusqu’ici, nous avons échoué à moderniser notre système pénitentiaire défaillant. Mais nous allons y remédier dès à présent. Cela dit, ce scandale a également permis de vérifier que la démocratie géorgienne existe bel et bien. Les vidéos ont été diffusées sur toutes les chaînes de télévision. Des manifestations, d’ailleurs justifiées, ont eu lieu dans tout le pays. Puis deux ministres ont démissionné. Rien de tel ne se serait produit avant la révolution des Roses [2004]. Sous la présidence d’Edouard Chevardnadze [1992-2003], personne ne réagissait quand des Géorgiens étaient tabassés dans la rue par la police. Une fois, au ministère de l’Intérieur, deux personnes ont même été défenestrées en plein jour, sans la moindre conséquence. En ce temps-là, le président ne se souciait ni des sondages ni de sa cote de popularité : les résultats des élections étaient écrits d’avance.

Vos adversaires affirment que l’un des principaux résultats de votre présidence est la perte de 20 % du territoire national, au profit de l’armée russe, dans les provinces d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, en 2008, lors de la « guerre des cinq jours ».

Non. Mon bilan est que l’Etat géorgien a été préservé. C’est la seule fois dans l’Histoire où, après une intervention militaire de l’Union soviétique ou de la Russie, un Etat est encore capable de fonctionner. De plus, la Russie, malgré ses efforts diplomatiques, a échoué à légaliser au regard du droit international cette occupation. Moscou a essayé de renverser notre gouvernement par des provocations, par une guerre et, maintenant, par la force de l’argent. Mais cela ne marche pas.

La récente réforme constitutionnelle augmentera les pouvoirs du Premier ministre à partir de 2013, alors que vous achèverez votre second mandat sans possibilité d’en briguer un nouveau. Un scénario « à la Poutine » est-il en train de se dessiner en Géorgie ?
Impossible, car, pour la société civile géorgienne, tout scénario qui apparaîtrait contraire à la démocratie serait inacceptable. C’est cela, aussi, la leçon des huit années que nous venons de vivre. Pour ma part, je continuerai peut-être à faire de la politique. Mais, dans l’immédiat, ma priorité est de parachever notre transition démocratique. Après, je ne sais pas. Qui vivra verra!

Propos recueillis par Alla Chevelkina et Axel Gyldén, L’Express

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