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Migrants en Méditerranée: l’UE va muscler ses opérations contre les réseaux de trafiquants

Des « terroristes » et djihadistes pourraient se mêler aux migrants qui tentent de traverser la Méditerranée sur des embarcations de fortune depuis les côtes libyennes, a averti lundi le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg. Et ce alors que L’UE muscle ses opérations contre les réseaux de trafiquants.

« Ceci est une tragédie humaine, des gens perdent leur vie en essayant de traverser la Méditerranée. Il est important que l’Union européenne agisse », a déclaré M. Stoltenberg, en arrivant à une réunion conjointe des ministres de la Défense et des Affaires étrangères des 28 à Bruxelles consacrée à la mise sur pied d’une opération navale européenne pour contrer l’action des passeurs de migrants en Méditerranée. « L’un des problèmes est qu’il peut y avoir des combattants étrangers, qu’il peut y avoir des terroristes qui se cachent, se mêlent aux migrants », a-t-il ajouté. Mais le chef du groupe des socialistes et démocrates (S&D) au Parlement européen, Gianni Pittella, lui a rétorqué que Frontex, l’agence européenne chargée de la surveillance des frontières extérieures de l’espace Schengen, ne partageait guère cette crainte. M. Pittella s’est rendu lundi au siège de Frontex, installé à Varsovie. Et après des entretiens avec le directeur de l’agence, Fabrice Leggerin et les principaux responsables opérationnels de Frontex, l’eurodéputé socialiste a indiqué dans un communiqué que celle-ci « manque absolument de preuves » de la présence de terroristes parmi les migrants approchant les côtes de l’Europe méridionale. « Après avoir parlé avec le directeur de Frontex, il est nécessaire de souligner qu’il n’a pas et qu’il n’y a pas eu jusqu’ici de preuve de la présence de terroristes parmi les migrants », a souligné M. Pittella, sans toutefois exclure un risque. « Il est improbable que des terroristes soient prêts à risquer la mort par noyade ou d’être identifiés », a-t-il ajouté.

L’UE muscle ses opérations contre les réseaux de trafiquants

L’Union européenne a donné lundi son aval au lancement, attendu le mois prochain, d’une opération navale en Méditerranée destinée à « neutraliser » les réseaux de trafiquants qui embarquent par centaines des migrants candidats à une vie meilleure en Europe, souvent au péril de leur vie. Les ministres des Affaires étrangères des 28 ont approuvé un plan d’action à trois niveaux, qui pourraient aller jusqu’à la destruction des embarcations des passeurs avant leur départ des côtes d’Afrique du nord – et en particulier de Libye, un pays plongé dans un chaos propice à tous les trafics. « On décide de préparer une telle opération », a résumé le chef de la diplomatie belge, Didier Reynders, devant la presse, alors que la haute représentante pour la politique étrangère et de sécurité de l’UE, Federica Mogherini, exprimait elle aussi son espoir que cette mission, baptisée EUnavfor Med (pour force navale européenne en Méditerranée), puisse débuter en juin. « Maintenant, les préparatifs démarrent. J’espère que tout sera prêt pour lancer l’opération dès juin », une fois fixées les contributions en personnel et moyens des États membres, a déclaré Mme Mogherini lors d’une conférence de presse. Elle a toutefois insisté sur la nécessité pour l’UE de disposer d’une « résolution sous le chapitre 7 » des Nations unies (qui autorise le recours à la force, ndlr) afin de donner un « cadre juridique » incontestable à la mission.

M. Reynders a toutefois souligné que la première phase de l’opération – l’identification des membres des réseaux impliqués dans le trafic d’êtres humains – et une partie de la deuxième – des interceptions et des abordages d’embarcations dans les eaux internationales – pouvaient être déclenchées « sans accord de l’ONU ». Pour aller au delà, une résolution du Conseil de sécurité est nécessaire, ou, à défaut, un accord des autorités locales, c’est à dire libyennes, a ajouté le ministre, tout en admettant la difficulté d’obtenir un tel aval, dans un pays où les factions négocient depuis des mois sous l’égide de l’ONU la formation d’un gouvernement d’unité nationale.

Le texte adopté par les ministres des Affaires étrangères des 28 après une réunion avec leurs collègues de la Défense, présente prudemment plusieurs étapes pour le déploiement de cette mission sans précédent, afin de garantir que les opérations des marines européennes engagées respectent bien le droit international. Les Européens pourront lancer rapidement, sans feu vert de l’Onu, « la détection et surveillance de filières de l’immigration par une collecte d’informations et des patrouilles en haute mer », décrit le texte. En revanche, toute opération plus musclée devra attendre l’adoption d’une résolution à l’ONU. Ce vote ne devrait pas intervenir avant la fin de la semaine, selon une source européenne. Mme Mogherini s’est montrée optimiste lundi, assurant n’avoir rencontré « aucune résistance politique majeure » quand elle a plaidé en faveur du projet au Conseil de sécurité la semaine dernière. Si l’ONU le leur permet, les Européens veulent pouvoir « arraisonner, fouiller et capturer » des navires suspectés de servir au trafic, et aussi les forcer à changer de cap, en haute mer mais aussi dans les eaux territoriales libyennes.

Ils veulent aussi « se débarrasser de » navires et d’autres « actifs » des trafiquants, ou les « rendre inutilisables », selon le texte. L’UE espère aussi obtenir « le consentement » préalable des autorités libyennes, alors que ce pays, devenu la principale plateforme de l’immigration, est plongé dans un chaos sécuritaire. Longtemps restée passive face aux drames de la mer qui se sont multipliés ces derniers mois, l’UE a été poussée à réagir après le naufrage d’un chalutier au large de la Libye, qui a coûté la vie à quelque 800 migrants en avril. Les chefs d’Etat et de gouvernement des 28, réunis en urgence le 23 avril, avaient demandé à Mme Mogherini de préparer une opération militaire pour « capturer et détruire les embarcations avant qu’elles ne soient utilisées » par les passeurs venant de Libye.

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