Michel Temer. © Belga

Michel Temer, vice-président « décoratif » sorti de l’ombre pour diriger le Brésil

Le Vif

Au crépuscule d’une vie politique qui semblait vouée aux coulisses du pouvoir, le vice-président du Brésil Michel Temer, 75 ans, s’apprête à s’emparer du fauteuil présidentiel de Dilma Rousseff dont il a précipité la chute.

Aujourd’hui, il n’est qu’à un pas de son objectif: que le Sénat destitue définitivement la dirigeante de gauche lors d’une séance historique qui a commencé jeudi et devrait le hisser à la tête du cinquième pays le plus peuplé du monde jusqu’à fin 2018.

Dirigeant depuis 15 ans le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), arbitre de toutes les majorités de gouvernement depuis 1994, M. Temer a accumulé les rancoeurs en cinq ans de mariage de raison avec la dirigeante de gauche.

En décembre, ce conciliateur peu coutumier des coups d’éclat avait surpris en reprochant à Mme Rousseff de l’avoir toujours méprisé, traité en « vice-président décoratif ». Il ne lèverait plus le petit doigt pour elle.

Au printemps, la crise politique brésilienne, envenimée par le scandale de corruption Petrobras et une récession économique historique, a franchi un point de non retour.

L’heure avait sonné pour Michel Temer de passer enfin de l’ombre à la lumière. En vieux renard de la politique, il a orchestré fin mars le débarquement du PMDB du gouvernement.

Un coup fatal pour sa désormais rivale qui conduirait à la suspension de Mme Rousseff par le Sénat le 12 mai et son accession encore « provisoire » à la présidence.

Tant pis si Mme Rousseff le qualifie de « traître », de « chef de la conspiration » ayant ourdi un « coup d’Etat » parlementaire.

– Turbulences –

Au début de son gouvernement, la photo de son cabinet formé exclusivement d’hommes âgés, blancs et conservateurs a soulevé un tollé, alors que rapidement trois d’entre eux se voyaient forcés de démissionner, rattrapés par le scandale Petrobras.

Son discours d’unité nationale n’a guère convaincu une grande partie de la population qui remet en question sa légitimité.

Aussi impopulaire que Mme Rousseff, M. Temer a été copieusement hué pendant la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques de Rio devant des centaines de millions de téléspectateurs dans le monde. Il a été pris pour cible tout au long des compétitions par des manifestants spontanés dans les stades. Il s’est fait porter pâle à la cérémonie de clôture…

Cet homme politique qui dit « parler doucement » contrairement au ton « agressif » de Mme Rousseff, bénéficie pour le moment de la bienveillance des marchés en raison de ses positions plus libérales.

Le profil sans relief de ce cadet d’une fratrie de huit enfants, né d’immigrants libanais en 1940 dans l’Etat de Sao Paulo (sud-est), toujours tiré à quatre épingles et le visage un peu figé par la chirurgie esthétique, cache toutefois quelques surprises.

Michel Temer a publié en 2013 un recueil de poésie intitulé « Anonymes Intimités ».

Il a eu cinq enfants de trois mariages en quatre décennies. Son épouse actuelle, une ex-reine de beauté de 43 ans sa cadette et sur le point d’accoucher de son deuxième enfant, est décrite comme « belle, réservée et au foyer » dans un portrait de l’hebdomadaire conservateur Veja.

– Tiré d’affaire ? –

Les marchés, inquiets de la dérive économique du Brésil, saluent ses orientations impopulaires mais pas encore mises en oeuvre: ajustement budgétaire et réformes structurelles du système des retraites et/ou du droit du travail.

Mais comme Mme Rousseff, il devra composer avec un Parlement fragmenté où les appuis se négocient cash, au minimum, en échange de milliers de postes de confiance dans la machine étatique.

Pour calmer ses nouveaux alliés conservateurs, il assure qu’il ne sera pas candidat à la présidentielle de 2018, tout comme il jurait jadis fidélité à Mme Rousseff.

Et puis il y a les affaires, en particulier le titanesque et embarrassant scandale de corruption autour du géant étatique pétrolier Petrobras qui éclabousse de plein fouet son parti.

La tempête a déjà emporté son encombrant camarade Eduardo Cunha, ex-président de la Chambre des députés, qui a tiré les ficelles de la destitution de Mme Rousseff.

M. Temer a lui-même été cité par des inculpés, sans être pour le moment inquiété par la justice.

Et maintenant, avec Mme Rousseff au bord de l’abîme, les vers d’un de ses poèmes, « Embarquement », trouvent un écho insolite, sinon prémonitoire :

« J’ai embarqué sur ton navire / Sans cap. Moi et toi / Toi, parce que tu ne savais pas / Où tu voulais aller / Moi, parce que j’avais déjà pris de nombreux caps / Sans arriver nulle part ».

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