Thierry Fiorilli

« Même ma femme ne sait pas que je pense comme Theo Francken »

Thierry Fiorilli Journaliste

Si les instituts de sondage se trompent manifestement si souvent, c’est peut-être aussi parce que les électeurs n’assument pas à visage découvert leur choix, ce qui rendra donc à l’avenir compliqué de mesurer de façon fiable l’opinion.

C’était déjà le 8 novembre mais Donald Trump n’avait pas encore été désigné vainqueur de la présidentielle américaine. A Manhattan, il était un peu plus de 11 heures. Dans la salle de sport aménagée en bureau de vote, le candidat républicain remplissait son bulletin en jetant un oeil sur celui de son épouse. Les images ont fait le tour de la Toile et des télés. On ne saura jamais la vérité. Trump s’inquiétait-il, vraiment ? A-t-il voulu vérifier le choix effectué par Melania ? Parce qu’il imaginait qu’elle pouvait se tromper ? Ou parce qu’elle était parfaitement capable, en âme et conscience, par conviction donc, de cocher la case d’un autre candidat ? Bref, parce qu’il n’était pas du tout sûr de l’opinion réelle de sa compagne.

La question n’est pas déplacée. L’issue des élections américaines l’a rappelé : la plupart des sondages n’avaient pas prédit la victoire de Trump notamment parce que beaucoup de ceux qui lui ont accordé leur suffrage ne l’ont jamais crié sur tous les toits. Ni avant le scrutin, dans les enquêtes d’intentions de vote, ni à la sortie des urnes. Au lendemain de la victoire du milliardaire, le quotidien britannique The Guardian publiait ainsi les témoignages de plusieurs électeurs de l’adversaire d’Hillary Clinton. Témoignages anonymes. Coiffés d’un titre citant l’un d’eux :  » Même ma femme ne le sait pas.  » De quoi mettre du baume au coeur des instituts de sondage, pas les seuls apparemment à s’être faits rouler dans la farine. Les Etats-Unis ont découvert, beaucoup plus tard que l’Europe, qu’assumer certaines idées à visage découvert, ça reste difficile. Au point de ne même pas l’avouer à sa propre moitié…

u0022La séduction populiste repose, face à des situations complexes, sur l’exaltation d’idées aussi simples que fausses : protectionnisme, nationalisme et xénophobieu0022

C’est dire combien il sera de plus en plus difficile de mesurer de façon fiable l’opinion, avant une élection.

C’est dire aussi combien augmentent les probabilités que cette extrême droite, ou ce qui y ressemble furieusement, pèse beaucoup plus lourd, après une élection. On le vérifiera sans doute dans cinq mois, en France, où il nous semble que les prévisions d’après primaire de la droite, faisant de François Fillon le vainqueur quasiment inévitable de la présidentielle du printemps prochain, sont un peu hâtives.

C’est dire enfin combien sont édifiants les propos tenus tout récemment, à la télévision, par une éminence de la N-VA :  » Dans la situation hypothétique où nous serions amenés à collaborer avec le Vlaams Belang pour former une majorité dans une grande ville, nous étudierions et jugerions le cas.  » Ce n’est pas un oui franc et massif. Mais ce n’est pas un refus net et catégorique. Que la saillie émane de Theo Francken n’est pas étonnant. On sait, depuis longtemps, où il est situé sur l’échiquier politique. Non, l’intérêt, c’est le tabou qu’il a fait sauter : pour la première fois, un membre du gouvernement belge fait comprendre, publiquement, qu’une coalition avec l’extrême droite n’est pas impossible. Et qu’en fait, le seul obstacle aux noces, c’est la grande inimitié entre Filip De Winter, figure emblématique du Belang, et Bart De Wever, lider maximo de la N-VA. Tout le reste, programme compris, on peut y réfléchir.

De quoi décomplexer davantage et plus vite encore plein d’électeurs hésitants. Et les propulser dans les bras de ceux que l’essayiste Nicolas Baverez, regroupait, dans Le Figaro, en cette fin du mois de novembre, sous l’appellation  » populistes « . Dont, rappelait-il,  » la séduction repose, face à des situations complexes, sur l’exaltation d’idées aussi simples que fausses : protectionnisme, nationalisme et xénophobie « .

Il semble que les temps ne soient prometteurs que pour ceux-là. Outre les cachotteries sur l’oreiller, ça va de soi.

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