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Mauvais rêve au royaume de Disney

Au royaume de Disney, éprouvé par trois suicides en deux mois, les salariés ne sont pas tous les jours à la fête. Salma Phung a décidé de rompre le silence.

La magie de Disney n’opère plus sur Salma Phung, 26 ans. En 2004, cette native de Montreuil, près de Paris, lâche son diplôme d’assistante de direction pour réaliser son rêve: travailler dans le parc d’attractions de Disneyland Paris. Aujourd’hui, elle poursuit son patron devant la justice prud’homale. Motif: manquement à l’obligation de sécurité et de protection de la santé de ses salariés.

La souffrance au travail se cache parfois dans les coulisses du rêve. L’an dernier, le rapport 2008 du service santé d’EuroDisney pointait parmi les 14.500 « cast members » du parc la « multiplication des pathologies liées à l’usure et à l’hypersollicitation », ainsi que la progression, « en fréquence et en gravité », des accidents du travail (AT). Depuis, c’est pire, malgré le renforcement des effectifs médicaux et paramédicaux.

« En matière d’accidents de travail et de maladies professionnelles, la situation s’est nettement dégradée », confie au Vif/L’Express le Dr Farshad Majidi, responsable du service médical. « Le taux d’accidents de travail est désormais plus élevé à EuroDisney Paris que dansà le bâtiment et les travaux publics », révèle le rapport 2009. « Ce niveau s’explique par la dangerosité de certains métiers, comme celui de cascadeur, et par le vieillissement de notre population », assure Bruno Fournet, directeur santé et sécurité à EuroDisney. « Et nous déclarons tous les accidents, même bénins ».

Harcèlement moral?

La santé de Salma Phung, elle aussi, s’est détériorée. Depuis 2007, elle collectionne les lumbagos et les arrêts de travail. « Une vingtaine en deux ans et demi », précise la jeune femme à la frange fuchsia. En dépit des recommandations répétées des médecins du travail, jamais son employeur ne lui a proposé de poste adapté à son état de santé, affirme-t-elle. Pourtant, les nombreuses « fiches d’aptitude » délivrées par les médecins maison à la suite de ses arrêts de travail sont sans ambiguïté: « Pas de port de charges (au-dessus de 2 kilos); alterner travail debout et travail assis; éviter le travail au-delà de 18 heures », stipule, par exemple, le document du 14 avril 2009.

En vain, selon Salma, bringuebalée de poste en poste, avant de se retrouver derrière la caisse du fast-food Cow-boy cook-out barbecue. « En prime, j’ai été rétrogradée du statut de responsable à celui de caissière », déplore-t-elle. Elle a bien essayé de se recaser dans une autre activité. Participé à des « castings internes ». Rempli des demandes de formation. Sans résultat. « Dans un cas comparable à celui de Salma », souligne son avocat, Maître Avi Bitton, « la Cour de cassation a récemment qualifié les faits de harcèlement moral ».

Salma a « mal au coeur » qu’on la traite « comme un fardeau ». Elle a peur de ne plus tenir le coup très longtemps. « Mais je ne vais pas me tirer une balle », assure-t-elle sous l’oeil inquiet de son mari, David. C’est lui qui l’a convaincue d’entamer une action contre son employeur. Lui qui a contacté un avocat. « Je n’en pouvais plus, dit-il, de voir ma femme souffrir ».

Suicidés pourquoi?

En l’espace de huit semaines, trois salariés d’EuroDisney se sont donné la mort. Le premier, début février, « pour raisons privées », selon la direction. Le deuxième, Rabii Hourourou, s’est jeté sous un train le 21 février. Ce commis de cuisine avait déposé deux plaintes pour harcèlement moral contre ses supérieurs. Le 26 mars, c’est un chef de cuisine, Franck Claret, qui a mis fin à ses jours. Pour des motifs « strictement personnels », insite-t-on chez Disnet.

Anne Vidalie

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