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Mauvais perdant ? Trump prédit une élection « truquée »

Le Vif

Donald Trump affirme que l’élection présidentielle de novembre contre Hillary Clinton pourrait être « truquée », une attaque préventive qui coïncide avec de mauvais sondages. De quoi lui attirer l’admonestation du président Barack Obama.

Le candidat républicain traverse une période de fortes turbulences, après une accumulation de polémiques qui l’ont fait plonger dans les sondages et ont relancé les défections dans son propre parti.

La démocrate, à la suite d’une convention d’investiture réussie la semaine dernière, a repris une avance moyenne de six points, et la dernière enquête McClatchy-Marist, parue jeudi, accorde 48% des intentions de vote à Hillary Clinton contre 33% à Donald Trump.

« Croyez-moi, il faudra qu’on fasse attention le 8 novembre, car cette élection sera truquée », a dit le candidat sur Fox News lundi. « Et j’espère que les républicains seront vigilants, sinon la victoire nous sera dérobée ».

L’allégation, répétée depuis, a fait bondir le président Barack Obama, interrogé jeudi lors d’une conférence de presse au Pentagone.

« Bien sûr que l’élection ne sera pas truquée », a-t-il dit. « Si M. Trump croit qu’une théorie du complot se propage dans le pays, y compris dans des endroits comme le Texas où ce ne sont pas les démocrates qui s’occupent des bureaux de vote, c’est ridicule ».

« Si M. Trump finit avec 10 ou 15 points d’avance dans les sondages le jour de l’élection et finit par perdre, il pourra peut-être se poser la question. Cela ne semble pas être le cas actuellement », a conclu Barack Obama.

Durant les primaires républicaines, Donald Trump avait déjà accusé son adversaire Ted Cruz d’avoir triché de multiples façons après les victoires du sénateur du Texas dans l’Iowa et dans le Wisconsin.

Ces nouvelles accusations alimentent les soupçons vis-à-vis d’un système électoral qui est loin d’être parfait, comme l’a montré le chaos de l’élection de 2000 entre George W. Bush et Al Gore, lors duquel il fallut plus d’un mois pour certifier le résultat du scrutin très serré de Floride.

Système fragmenté

De moins en moins d’électeurs disent avoir confiance. Selon le Pew Research Center, en 2004 48% des Américains avaient une grande confiance dans le dépouillement des votes. En 2012, ils n’étaient plus que 31%.

Une réforme nationale a été lancée en 2002, mais toute harmonisation est ralentie par la fragmentation du système, les élections étant de la compétence des Etats.

« Nous avons 50 systèmes électoraux plutôt qu’un système électoral unifié », explique à l’AFP Lorraine Minnite, spécialiste de l’université Rutgers.

La tendance est depuis dix ans au retour aux bulletins de vote en papier, certaines autorités s’inquiétant de la possibilité de piratage informatique. Cette année, selon Pamela Smith, présidente de l’organisation indépendante Verified Voting, au moins trois quarts des électeurs voteront avec un bulletin en papier ou avec des machines qui impriment un reçu papier.

Les incidents existent, dit-elle, mais principalement en raison de dysfonctionnements techniques. C’est sur ces questions que le débat doit porter, selon elle.

« Le système électoral américain a de vrais problèmes », dit à l’AFP Michael Heaney, professeur de science politique à l’université du Michigan. « Mais ce que l’on attend d’un candidat responsable est de reconnaître les problèmes existants, tout en formulant des solutions sur l’accès aux bureaux de vote, le redécoupage électoral, l’éventuelle création d’un jour férié ».

« Des déclarations comme celles de Trump, sans explication, alimentent le sentiment d’illégitimité du système ».

Mauvais perdant

Le milliardaire est un habitué des théories du complot.

En 2012, Donald Trump avait remis en cause la victoire de Barack Obama sur Mitt Romney au soir de l’élection. Il a aussi longtemps contesté la légitimité de la naissance américaine de Barack Obama, dont le père était kényan et la mère américaine.

John McCain, candidat républicain de 2008, avait accusé une grande association liée aux démocrates de commettre des actes de fraude électorale.

Mais « il est très rare qu’un candidat présidentiel suggère qu’un scrutin à venir soit truqué », dit Lorraine Minnite, qui a écrit un livre sur le « mythe de la fraude électorale ». « Il essaie de se protéger contre une défaite ».

« Dans l’histoire américaine, habituellement, les perdants acceptent dignement leur défaite », dit Dan Tokaji, expert du droit électoral à l’Ohio State University, à l’AFP. « Mais Donald Trump montre déjà qu’il n’a aucune intention de perdre avec dignité. »

Huit jours de polémiques et incidents autour du candidat Trump

Donald Trump traverse une mauvaise passe depuis qu’il a formellement été investi par le parti républicain le 21 juillet pour être candidat à l’élection présidentielle de novembre.

Voici les déclarations du candidat qui ont provoqué des controverses, y compris au sein de son propre camp.

Hackers russes

« Russie, si vous écoutez, j’espère que vous serez capable de retrouver les 30.000 emails qui manquent », Donald Trump le 27 juillet dans une conférence de presse, en référence aux messages effacés du serveur privé de son adversaire démocrate, Hillary Clinton, lorsqu’elle était secrétaire d’Etat.

La phrase fait réagir les démocrates et de nombreux républicains qui estiment que Donald Trump encourage un pays étranger à commettre des actes de piratage informatique.

« Evidemment, j’étais sarcastique », corrige le lendemain le candidat.

Le père Khan

Lors de la dernière soirée de la convention démocrate à Philadelphie, le 28 juillet, un avocat inconnu d’origine pakistanaise et dont le fils militaire est mort en Irak en 2004, Khizr Khan, interpelle à la tribune Donald Trump pour ses propos anti-musulmans, et lui demande s’il a même lu la Constitution américaine et sacrifié quoi que ce soit dans sa vie.

Le milliardaire réplique le lendemain dans une interview à ABC en insinuant que l’épouse de M. Khan n’avait pas parlé à la convention car elle n’en aurait pas eu le droit en tant que femme musulmane. Il affirme aussi avoir fait beaucoup de sacrifices dans sa carrière. Et deux jours plus tard, il déclare dans un communiqué: « bien que je déplore profondément la disparition de son fils, M. Khan, qui ne m’a jamais rencontré, n’a pas le droit de se tenir devant des millions de personnes et de déclarer que je n’ai jamais lu la Constitution (ce qui est faux) ».

Le choix de l’escalade verbale avec les parents d’un capitaine de l’armée de Terre mort au combat, décoré, choque le camp républicain et lui vaut les remontrances publiques de ténors du parti.

Harcèlement au travail

Lors d’une interview pour une chronique publiée le 1er août dans le journal USA Today, Donald Trump est interrogé sur le scandale de harcèlement sexuel frappant le patron de Fox News, Roger Ailes, qui a démissionné le 21 juillet. Et si sa propre fille Ivanka avait été pareillement harcelée?

« J’aimerais penser qu’elle changerait de carrière ou d’entreprise, si c’était le cas », répond Donald Trump.

Purple Heart

En meeting à Ashburn (Virginie) le 2 août, Donald Trump explique qu’un ancien combattant lui a fait cadeau de sa précieuse Purple Heart, une décoration décernée aux soldats blessés au combat.

« J’ai toujours voulu avoir une Purple Heart », déclare le candidat. « C’était beaucoup plus facile (de l’obtenir) comme ça ».

La petite phrase surprend d’autant plus que, comme le rapporte le New York Times, Donald Trump a bénéficié de cinq sursis à la conscription pendant la guerre du Vietnam.

Bébé qui pleure

Quand un bébé se met à pleurer lors de la même réunion électorale, DonaldTrump rassure d’abord la mère: « ne vous en faites pas pour ce bébé. J’adore les bébés ». Puis, quelques minutes plus tard, les cris continuant, le candidat révèle ce qu’il pense de cette perturbation: « Je plaisantais, en fait, vous pouvez sortir le bébé ».

Mais ce qui a étonné est que le candidat s’en prenne à la maman: « Je crois qu’elle m’a vraiment cru quand je disais que j’aimais bien entendre un bébé pleurer pendant que je parle. C’est pas grave. Les gens ne comprennent rien ».

Paul Ryan

L’homme fort du Congrès, Paul Ryan, président de la Chambre des représentants, a critiqué comme nombre de ses collègues l’attitude de défi de Donald Trump face à Khizr Khan, dans un communiqué sévère dimanche. En réaction, Donald Trump a indiqué le 2 août qu’il n’était pas prêt à apporter son soutien à Paul Ryan, dont le sort dépend de l’élection primaire de la semaine suivante dans sa circonscription du Wisconsin.

En retour, Paul Ryan a averti Donald Trump, lors d’une interview à la radio jeudi, que son ralliement n’était pas « un chèque en blanc ».

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