Gérald Papy

Maturité démocratique face à la terreur

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Au rythme d’une attaque en moyenne tous les dix jours, l’été aura indéniablement été marqué, en Europe, par le terrorisme et la détermination de l’Etat islamique à semer la terreur.

Entre l’assassinat d’un couple de policiers à Magnanville et l’égorgement barbare du père Jacques Hamel près de Rouen ou le paroxysme de la violence aveugle à Nice en passant par les attaques dans un train à Wurtzbourg, à proximité d’un festival de musique à Ansbach ou devant l’hôtel de police de Charleroi, voilà assurément de quoi alimenter une profonde psychose.

Prudence, méfiance, inquiétude, à coup sûr. Et psychose ? En a-t-on tellement vu trace ? Les Belges et les Français ont continué à profiter des vacances, à boire un verre aux terrasses des cafés, à fréquenter les lieux de concerts et, de surcroît, à envahir plus souvent qu’à l’habitude les parcs publics par la magie du jeu Pokémon Go, dont les concepteurs n’ont jamais imaginé qu’il puisse se transformer en une stratégie antipsychose de Daech. Le tout, avec une soif redoublée de jouir de la vie et de l’instant présent.

Hors une recrudescence des commentaires racistes imbéciles sur les réseaux sociaux et autres sites d’information, le calme des populations impressionne. Sans doute, a-t-il été facilité par la réaction mesurée des dirigeants politiques, plus encore en Belgique qu’en France. L’obstination du gouvernement belge à maintenir les forces de police sous un régime d’alerte moins protecteur que celui dont bénéficie la population est certes parfaitement incohérente. Et l’obsession technocratique du Premier ministre à se retrancher derrière les prescriptions de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace,  » organisme indépendant « , pour (ne pas) agir, est certes déconcertante. Mais force est de reconnaître que le discours posé de Charles Michel, conjugué à l’aptitude de l’opposition à ne pas polémiquer stérilement comme en France, apaise et rassure aux moments opportuns.

Après tant de sacrifices, au nom de l’Etat, de personnes issues de l’immigration, comment encore oser l’amalgame entre terroristes illuminés et musulmans d’Europe ?

Ce sang-froid général est aussi porté par cette vérité de plus en plus prégnante à mesure que l’Etat islamique répand ses pratiques de plus en plus barbares : la fracture dont cette crise est le moteur ne se situe pas entre chrétiens et musulmans, mais entre démocrates et fascistes. Le soldat français Imad Ibn Ziaten a été tué sous les tirs de Mohamed Merah à Toulouse. La policière Yasmina Lasfar a été blessée par un Parisien radicalisé dans la station de métro molenbeekoise Beekkant. L’agent Ahmed Merabet a été assassiné en pleine rue parisienne par les frères Kouachi après le carnage à Charlie Hebdo. Le courage de la policière Hakima Dhamna a évité un épilogue plus dramatique encore au commissariat de police de Charleroi… Après cette recension non exhaustive de sacrifices au nom de l’Etat de tant de personnes issues de l’immigration, comment encore oser l’amalgame entre terroristes illuminés et musulmans d’Europe ? C’est non seulement malhonnête mais évidemment contreproductif pour ce qui devrait guider tout citoyen sensé : la recherche de solutions durables pour briser ce cycle de violences.

Dans cet ordre d’idées, il est sans doute encore trop tôt pour en jauger la portée. Mais percent, ici et là, parmi les musulmans de France et de Belgique, les signes précurseurs d’un véritable islam d’Europe, libéré de la mainmise idéologique et financière de puissances étrangères. Il serait criminel dans le chef de nos dirigeants de ne pas les entendre et de ne pas les soutenir.

 » Après tant de sacrifices, au nom de l’Etat, de personnes issues de l’immigration, comment encore oser l’amalgame entre terroristes illuminés et musulmans d’Europe ?  »

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