Mathias Cormann © Belga

Mathias Cormann, ce Belge à la tête de l’Australie

Même dans ses « rêves les plus fous », Mathias Cormann, originaire de Raeren, n’aurait jamais imaginé être propulsé à la tête de l’Australie, ne fût-ce que pour quelques jours. Le migrant belge dirige pourtant le pays jusque lundi matin, durant le déplacement aux Etats-Unis du Premier ministre australien Malcom Turnbull. Portrait.

C’est en raison d’un récent scandale de liaison extraconjugale, mettant le Premier ministre adjoint australien Barnaby Joyce en difficulté, que Mathias Cormann accède à un tel niveau de pouvoir. M. Joyce dispose d’un « congé » durant le séjour à Washington du chef de gouvernement conservateur, Malcom Turnbull. Ce dernier a demandé à son ministre des Finances, M. Cormann, de le remplacer dans ses fonctions lors de son déplacement de six jours. « J’ai emménagé en Australie il y a plus de 20 ans et décidé de contribuer par un engagement politique. Je n’aurais jamais pu imaginer même dans mes rêves les plus fous où cela pouvait me mener en définitive », a-t-il commenté à Belga.

Le fabuleux destin politique de Mathias Cormann

Cheveux gris et costume tiré à quatre épingles, rien ne distingue le ministre des Finances australien du reste de la classe politique à Canberra. Hormis peut-être un léger accent allemand, hérité de sa jeunesse à Eupen, en communauté germanophone. Le migrant belge, arrivé au cours de sa vingtaine en Australie, assure la gouvernance de son pays d’adoption de mercredi à lundi prochain, en l’absence du Premier ministre Malcom Turnbull en déplacement aux Etats-Unis.

Mathias Cormann est né un jour de septembre 1970 à Raeren, non loin d’Eupen dans la communauté germanophone belge. Deux décennies plus tard, le voilà diplômé d’une candidature en droit à l’Université de Namur et d’une licence en droit à l’Université de Louvain, faisant de lui un parfait trilingue. Il se familiarise aussi avec la langue de Shakespeare à cette époque, lors d’un échange universitaire. Le jeune homme gravite ensuite un temps dans les milieux politiques belges, se frottant notamment au député européen Mathieu Grosch (CSP) et à l’entourage de Joëlle Milquet (PSC à l’époque), qui sera présidente du cdH et ministre fédérale par la suite.

C’est lors d’un voyage en 1994 qu’il découvre la ville minière de Perth dans le sud-ouest de l’Australie, poussé par une première romance qui ne durera pas. Mais son coup de foudre pour l’île-continent à des dizaines de milliers de kilomètres de sa Belgique natale, l’incite à s’installer définitivement en 1996 en Australie-Occidentale, le plus vaste Etat du pays.

Mathias Cormann débute alors au bas de l’échelle, assurant des travaux de jardinerie notamment, en attendant la reconnaissance de ses diplômes. Rapidement toutefois, le virus politique le rattrape: il rejoint le parti libéral et travaille dans des cabinets ministériels au niveau régional de 1997 à 2001. Le 26 janvier 2000, jour de fête nationale, il obtient la citoyenneté australienne, et se voit contraint de renoncer à son passeport belge. Au tournant du siècle, il conseille le ministre fédéral de la Justice. Les années qui suivent, M. Cormann assure la vice-présidence du parti libéral de l’Etat (2003-2008), tout en occupant des fonctions de direction dans le groupe d’assurance HBF Health Insurance en 2003-2004 et 2006-2007.

L’aventure politique au niveau fédéral s’accélère ensuite pour M. Cormann avec sa candidature aux élections en 2007. Suite à des démissions d’élus controversés, il obtient un poste de sénateur et sera à nouveau élu en 2010 et 2016 dans l’Etat d’Australie-Occidentale, d’une population de 2,5 millions de personnes. Il occupe ensuite diverses fonctions politiques relatives à la santé, l’emploi, le budget entre autres au Sénat. C’est en 2013 qu’il décroche son premier mandat de ministre des Finances, soit chargé du budget australien, dans le gouvernement du conservateur Tony Abott. En 2016, le gouvernement de celui-ci tombe, sous la pression de Malcom Turnbull, qui remporte le scrutin et reconduit largement l’équipe ministérielle sortante. Mathias Cormann conserve donc son poste de ministre des Finances pour un nouveau mandat. Fin 2017, il accède aussi au titre de vice-président du conseil exécutif.

Marié, Mathias Cormann vit toujours à Perth, capitale de l’Australie-Occidentale, et dispose aussi d’une licence de pilote d’avion depuis 15 ans. Son parcours est à l’image du pays, dont l’histoire récente est forgée par des destins d’immigrés: « Je suis l’un d’entre eux. Le succès de l’Australie est largement basé sur des générations de migrants, faisant de l’Australie leur pays et contribuant à faire de l’Australie un grand pays », a-t-il déclaré à la presse.

Premier ministre par interim

Il affirme avoir une « relation personnelle et professionnelle forte et productive » avec l’actuel Premier ministre australien, mais il souligne modestement qu’il s’agit d’affaires courantes – « Business as usual » – alors qu’il se contente de « représenter sur le territoire australien » le n°1 du gouvernement. « Le Premier ministre reste le Premier ministre même quand il est à Washington ».

La raison pour laquelle il bénéficie de cette opportunité résulte du fait « qu’en tant que représentant du gouvernement au Sénat, je suis le troisième élu derrière le Premier ministre. Avec le Premier ministre adjoint en congé et la ministre des Affaires étrangères Julie Bishop en visite officielle en Europe, les choses se sont présentées de la sorte », explique-t-il. Il ne semble pas convoiter le pouvoir à plus longue échéance toutefois: « contribuer en tant que ministre des Finances (chargé du budget australien, ndlr) et représentant du gouvernement au Sénat est l’absolue limite de mes ambitions de carrière politique », assure-t-il, interrogé par Belga.

Il se montre particulièrement reconnaissant des opportunités offertes par son pays d’accueil « formidable »: « Nous avons des migrants des quatre coins du monde qui ont fait de l’Australie leur maison, et si vous travaillez dur et essayez, il n’y a vraiment pas de limite à ce que vous pouvez atteindre dans votre domaine d’activité », assure-t-il. « Chaque pays possède son histoire, ses circonstances propres et ses opportunités, c’est pourquoi nous devons tous trouver notre propre chemin qui nous sert le mieux », conclut-il.

M. Cormann n’est plus Belge mais affirme toutefois « continuer à suivre l’actualité belge et européenne », alors que ses parents occupent toujours sa maison d’enfance à Raeren, non loin d’Eupen en communauté germanophone. Bien que fier de ses racines belges, il refuse de commenter la politique de son pays d’origine en raison de son rôle actuel. Il admet toutefois être de temps à autre en contact avec des élus belges, un milieu qu’il a côtoyé durant un bref passage dans des cabinets politiques, et maintient le contact avec ses amis d’écoles et d’université, ayant étudié à Namur et Louvain.

Avec Belga

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